Le tennis adapté du TC Linselles
Au téléphone, on entend la joie de Morgan Thorez : « Pendant que je vous parle, un jeune homme atteint de trisomie vient d’entrer sur le terrain. Là, il a le sourire, ce gamin. Il s’éclate. » L’appel ne doit pas durer trop longtemps : après avoir raccroché, ce moniteur de tennis de 36 ans au club de Linselles, dans le Nord de la France, retournera sur le terrain délivrer des cours à une petite flopée de joueurs en situation de handicap mental ou psychique, pratiquant ce que l’on appelle le « tennis adapté ». Différent du handisport, qui fonctionne par type de handicap, cette discipline fonctionne par niveau de compréhension des règles. Réservé aux handicaps invisibles et né d’un partenariat entre la FFT et la FFSA (Fédération française du sport adapté), il possède son propre circuit, son propre classement et ses propres tournois, dont celui de Linselles, nationalement reconnu.
Une aventure qui a commencé sous l’impulsion de Jean-Charles Delvas, président du club, dont la fille Élise a été diagnostiquée atteinte d’un trouble psychique quand elle était enfant. Elle a également marché tard, a vu sa scolarité perturbée et souffre encore aujourd’hui, à 22 ans, de problèmes moteurs au niveau de son bras et de sa jambe gauches. Elle avait entamé un cursus classique en école de tennis mais peinait à s’exprimer en compétition. « En 2016, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire, des cours à organiser, pose Morgan. Et on s’est rendu compte que certains établissements médicaux autour de la ville étaient intéressés par le projet qu’on voulait mener. » Ainsi, une soixantaine de joueurs issus des foyers d’accueil alentour, de l’IME de Marcqen-Barœul, de l’IMPro du Roitelet à Tourcoing ou du FAM et de l’ISETA de Linselles viennent s’entraîner chaque semaine avec deux enseignants du club spécialement formés. « Au début, je n’étais pas méfiant mais je me demandais à quelles réactions j’allais être confronté, avoue Morgan, au club depuis 2012. Comment adapter ma pédagogie ? Les personnes “classiques” sont exigeantes envers elles et moi-même. Ce public-là amène en fait autre chose : des sourires et des discussions qui m’apportent autant à moi qu’à eux. Socialement, c’est incroyablement enrichissant. »
Les leçons sont plus ludiques, à base de jeux de ballon roulé ou d’exercices de motricité. Élise, elle, y a trouvé son équilibre. Désormais vice-championne de France de sport adapté et membre de l’équipe de France, elle parcourt le monde pour défendre sa place dans le top 10 mondial. Mieux, en apprenant qu’elle avait passé son diplôme d’éducatrice de tennis, ses collègues blanchisseurs en ESAT (Établissement et service d’aide par le travail) lui ont demandé : « Dis, tu pourrais pas nous donner des cours ? » Depuis, une fois par semaine, elle enseigne elle-même le tennis à des personnes porteuses de handicap.