L'annonce du coming out de Billie Jean King
Ce 1er mai 1981 à Los Angeles, la salle de presse est comble devant l’estrade où se tiennent : Billie Jean King ; son avocat, Dennis Wasser ; ses parents, Bill et Betty Moffitt ; et son mari, Larry King. C’est ce dernier qui ouvre le bal : il tient à préciser que Billie Jean elle-même a tenu à s’exprimer publiquement. Et elle enchaîne, devant un parterre médusé :
Je vais vous parler avec sincérité, comme je l’ai toujours fait. J’ai toujours pensé qu’il était important que chacun puisse conserver sa vie privée, mais quelqu’un dans ma vie ne pense pas que cela soit si sacré. J’ai bien eu une relation intime avec Marilyn
Séisme.
À 38 ans, King devient donc la première sportive de renommée internationale à déclarer publiquement son homosexualité. Dans l’Amérique conservatrice des années Reagan, elle fait la une des grands titres et des journaux télévisés. Elle y a été poussée par Marilyn Barnett, son ancienne assistante personnelle, à la fois secrétaire, manager et confidente – et ex-amante, donc –, avec qui elle a entretenu une liaison de 1972 à 1979. Soutenue par le circuit, BJK perd pourtant l’intégralité de ses sponsors (près de deux millions de dollars) dans les 24 heures qui suivent son annonce. « C’était un moment très difficile, confiait-elle en 2022 sur le plateau de C à vous. Cela m’a pris très longtemps pour guérir émotionnellement. » Cette annonce, réalisée contre l’avis de son avocat, la conduira en 2009 à recevoir des mains de Barack Obama la médaille de la Liberté pour son combat en faveur des femmes et des personnes LGBT+. Après sa retraite, elle organise le premier tournoi réservé aux femmes, puis fonde la Women’s Sport Foundation, destinée à encourager les futures générations de femmes sportives. Surtout, elle devient une figure active de la lutte contre le sida dans les années 1990, alors même qu’elle est à la tête de l’équipe américaine de Fed Cup. « Je crois que, chez moi, cette volonté-là (de combattre les discriminations, ndlr) a commencé dès mes 7 ans, écrivait-elle dans ses mémoires, Billie Jean King : Autobiographie d’une icone, parus en 2022. Je savais que je voulais me battre pour mes valeurs sur l’égalité. Je n’ai plus joué au tennis pendant un an quand j’ai réalisé que tout le monde était blanc, habillé tout en blanc, dans les clubs. Je me suis demandé pourquoi on ne voyait pas d’autres personnes sur les courts. » Enfant, elle avait été choquée de constater que les équipes de base-ball de la MLB étaient exclusivement masculines. Et plus tard, lorsque son premier coach, Clyde Walker, lui avait soutenu que le service kické n’était pas fait pour les femmes, elle s’appliqua à le réussir du premier coup – du moins, selon la légende.
Ainsi était BJK, dont la célèbre conférence de presse du 1er mai 1981 a ouvert la voie, plus tard, à Martina Navratilova, Amélie Mauresmo ou Daria Kasatkina, et fait d’elle un symbole politique. En réponse aux lois homophobes promulguées en 2013 par Vladimir Poutine, Barack Obama l’avait intégrée à la délégation officielle des États-Unis pour les JO d’hiver de 2014 à… Sotchi, en Russie. Aujourd’hui âgée de 79 ans, elle partage sa vie depuis 20 ans avec Ilana Kloss, son ancienne partenaire de double, et en expliquait probablement la raison en 2017 à NBC News : « Ma mère me répétait tout le temps : “sois fidèle à toi-même.” » Dans son autobiographie, la légende raconte qu’elle avait aussi promis deux choses. La première : « Maman ! Maman ! J’ai trouvé ce que je vais faire dans la vie ! Je veux devenir numéro 1 mondiale de tennis ! » La seconde : « Maman, j’accomplirai de grandes choses dans ma vie. Je le sais, c’est tout ! Tu verras. » Les deux fois, sa mère, disparue en 2014, avait souri. Avant de répondre : « D’accord, ma chérie. »