Gustavo Kuerten, homme de coeur(s)
« Si vous n’aviez pas été joueur de tennis, quelle profession auriez-vous voulu exercer ? » Drôle de début d’année 2003. Gustavo Kuerten, enfin revenu dans le top 20 mondial après une opération à la hanche qui l’a fait plonger au classement ATP et, un temps, songer à la reconversion professionnelle, réfléchit un instant puis offre sa réponse à la question posée par le magazine américain Tennis Week : « J’aurais pu être instituteur. J’aime travailler avec les enfants. » À vrai dire, on s’en doutait. Trois ans plus tôt, le 17 août 2000, il a fondé au Brésil un institut à son nom qui vise à améliorer l’inclusion sociale des enfants, adolescents et personnes handicapées par le biais d’initiatives sportives, éducatives et sociales, en finançant la construction de courts de tennis ou organisant des tournois de charité. Mais pourquoi cet engagement ? Car le Brésilien aux trois Roland-Garros a perdu son père à 8 ans, victime d’un infarctus alors qu’il arbitrait un match de tennis junior, et a grandi seul avec sa mère et ses deux frères. Détail d’importance : le cadet, Guilherme, a subi des complications à l’accouchement qui ont entraîné un handicap mental et physique.
En 2008, un an après la mort de ce dernier à 28 ans, Gustavo expliquait au journal Le Monde : « Je crois que l’on a eu beaucoup de chance de vivre tout ce temps-là avec lui. Il était avec nous tout le temps et a servi de trait d’union pour notre famille. Si nous sommes aussi soudés, je pense que c’est un peu grâce à lui. (...) J’avais sous les yeux deux opposés : d’un côté, tout le glamour du circuit ; de l’autre, je le voyais, lui, avec son mode de vie différent. Il m’a aidé à regarder la vie plus simplement. » Enfant, Kuerten a vu sa mère présider une association municipale d’aide aux enfants handicapés et son frère Guilherme être heureux de simplement avoir la force de se servir d’une fourchette. Si bien qu’une fois devenu numéro 1 mondial, il n’était pas rare de le voir verser 200 dollars à une association de soutien aux handicapés à chaque tour passé lors d’un tournoi. Tandis que les grandes stars du circuit s’achetaient des berlines et des avions privés, lui roulait sur sa vieille moto et passait son temps libre sur sa planche de surf avec ses amis d’enfance, chez lui, à Florianópolis, la capitale de l’État de Santa Catarina, au Brésil. Si son quotidien est désormais entièrement dédié aux quelque 400 enfants aidés annuellement par son Institut Guga Kuerten, celui-ci revendiquait dans un bilan publié en 2022 un total de 108 000 personnes soutenues depuis 23 ans, à travers deux programmes, Champions de la vie et Actions spéciales, ainsi qu’un fonds de soutien aux projets sociaux. Incapable de jouer au tennis depuis plusieurs années à cause de ses douleurs à la hanche, Guga est aussi devenu un grand ambassadeur du tennis-fauteuil dans le monde. Le grand public a régulièrement pu le voir s’y adonner à l’occasion de la journée Tous en fauteuil, organisée chaque année à Roland-Garros, et notamment en 2016 où, parrain de l’opération, il avait échangé quelques balles avec Michaël Jeremiasz, ex-numéro 1 mondial de tennis-fauteuil en simple et double. Un homme de cœur, à tout point de vue.