Michael Chang, un service à la cuillère en hommage aux manifestations de Tian’anmen
Pour les plus jeunes, ce ne sont que quelques secondes parmi d’autres disponibles sur YouTube. Pour les plus anciens, qui ne les oublieront jamais, ce sont des secondes infinies, haletantes, épilogue d’un match dramatique à l’extrême (4-6, 4-6, 6-3, 6-3, 6-3). Oui, ce drôle de service à la cuillère asséné le 5 juin 1989 par Michael Chang, 17 ans, au numéro 1 mondial tchèque, Ivan Lendl, en huitième de finale de Roland-Garros, a marqué l’histoire du tennis et du sport. Six jours plus tard, Chang remportera d’ailleurs le tournoi et deviendra le plus jeune vainqueur d’un Grand Chelem – ce qu’il demeure encore aujourd’hui. Désormais âgé de 51 ans, l’Américain confie, avec le recul, que rien de tout ça n’a été le fruit du hasard. « C’est la foi qui m’a aidé », explique-t-il. Pas seulement, en vérité. « Il s’est aussi passé autre chose, notamment les manifestations de Tian’anmen, en Chine (lesquelles dénonçaient la corruption et demandaient des réformes politiques et démocratiques, ndlr), qui ont eu lieu la même semaine… Elles faisaient partie de ma vie. Quand je n’étais pas au stade à jouer ou m’entraîner, j’étais devant la télévision avec ma famille. Ma victoire a été un léger sourire sur le visage des Chinois du monde entier cette semaine-là. C’était ma motivation : j’ai gagné ce tournoi pour les manifestants de Tian’anmen ! ».
Un an plus tard, en 1990, Chang se rend en Chine, pays d’origine de ses parents. « C’était un voyage très strict, je n’étais en contact avec personne, j’avais interdiction de signer des autographes, poursuit-il. Lors d’une conférence de presse, des médias m’ont demandé pourquoi je n’étais pas venu. J’ai commencé à répondre en anglais en disant que ça avait été annulé en raison des événements survenus à Tian’anmen. Et le traducteur chinois a dit que je n’avais pas pu venir pour d’autres raisons. Bon, il s’avère que je me débrouille un peu en chinois, donc un peu plus tard, je lui ai ordonné de traduire tout ce que je disais, mot pour mot, jusqu’à la fin du séjour. Et il m’a répondu : “Moi, je n’ai aucun problème à traduire ce que tu dis, mais tu dois faire très, très attention à ce que tu dis.” Lui ne pouvait pas en parler… C’était comme cela, à l’époque. » Aujourd’hui encore, Chang continue de penser aux autres à travers sa fondation, créée en 1999, qui organise notamment le Michael Chang Tennis Classic, un tournoi de tennis annuel caritatif qui rassemble depuis plus de dix ans 1 000 joueurs amateurs chaque mois de juillet aux États-Unis.
