"Les passionnés qui veulent s’évader un peu du tennis monotone d’aujourd’hui viennent de trouver leur porte-drapeau avec Benoît Paire." Par ses coups d’éclat, gestes spectaculaires et frasques, Benoît Paire est aujourd’hui un "phénomène médiatique". L’arrêt du circuit n’y change rien. Il continue à faire couler beaucoup d’encre grâce à son humour sur les réseaux sociaux et les fameux "StanPairo" en compagnie de Stan Wawrinka, le compère de toujours. Mais la première fois qu’il fait parler de lui à grande échelle au-delà de nos frontières, c’est pour ses performances sportives. En 2013, à l’occasion du Masters 1000 de Rome, Paolo Bertolucci, comme beaucoup, est ébloui. Dans sa chronique pour la Gazetta dello Sport, l’ancien numéro 1 italien déclare sa flamme au Français dont "le talent pur atteint des sommets absolus" alors que "ses longues jambes semblent plus adaptées aux défilés de mode qu’aux courts de tennis."
Del Potro, son premier top 10
Dans la cité éternelle, Paire débute le tournoi en tant que 36e joueur mondial. A 24 ans, son palmarès est encore vierge de titre et sa barbe moins fournie. Pour son entrée en lice, il affronte Juan Monaco, solide joueur de terre battue et vainqueur de 8 trophées sur cette surface dans sa carrière. En trois manches et près de 2 heures de jeu, Paire s’offre le 3e top 20 de sa vie. Première belle perf’. Au deuxième tour, nouveau combat. En 2 h 35, il écarte Julien Benneteau 7/6 4/6 7/6. Puis, un obstacle semblant infranchissable se dresse devant lui. Juan Martin del Potro. Pourtant, sur le sol italien, le natif d’Avignon va transformer "la tour de Tandil" en celle de Pise. La faire pencher, petit à petit, à coups d’amortis répétés, jusqu’à la faire tomber. Victoire 6/4 7/6.
"Ce n’est pas par la qualité de ses coups que Benoît m’a surpris, on la connaît, explique l’Argentin après la rencontre. C’est par la constance qu’il a réussi à maintenir tout au long du match." S’il est régulièrement taquiné par Wawrinka pour sa fébrilité mentale aux moments décisifs, et en rit lui-même, Paire met ce jour-là ses progrès en avant. Ceux qui lui permettent alors de signer son plus beau succès. "C’est del Potro, c’est mon premier top 10, mais je suis surtout content de ma qualité mentale, confie-t-il devant les journalistes. On a travaillé ça. J’avais tendance à m’énerver. Là, je suis resté concentré du début à la fin et je peux voir que ça fait une grande différence. Mais je jouais très bien, donc c’est plus facile de rester calme. Maintenant, il faut aussi parvenir à le faire les jours où je joue moyennement."
"Je suis surtout content de ma qualité mentale"
Problème qui ne se pose pas encore. En quart de finale, du haut de son 1,96 m, il est sur un nuage. Il met une danse à Marcel Granollers pour le faire valser en moins d’une heure. 6/1 6/0. En demi-finale, après del Potro, un nouveau monument se dresse devant lui. Plus imposant encore. Roger Federer. L’idole. Celui dont il a peur. Celui face à qui il reste sur deux corrections. "J’ai toujours flippé de jouer Roger, il a toujours été un modèle et je n’ai pas l'expérience de ce type de joueur, déclare-t-il en conférence de presse. Je l’ai déjà joué deux fois, et je n’ai pas vu la balle. J’ai très mal vécu ces matchs en Australie, sur le Central, (2/6 4/6 1/6) et chez lui, à Bâle (2/6 2/6). Mais c’était sur dur. Je préfère la terre. Je sais que ça va être très compliqué mais je suis en pleine confiance, je vais entrer sur le court pour gagner."
Histoire, aussi, de prouver sa valeur au Suisse. Lui montrer qu’il est capable de se battre, contrairement à l’analyse lâchée par ce dernier suite à leur duel à Melbourne en début d’année : "Il renonce trop vite. Ce n'est pas la bonne attitude à avoir. Il avait déjà joué de la même manière lors de notre affrontement à Bâle (en 2012)." Au sein du Foro Italico, Paire débute brillamment la partie et met le numéro 2 mondial sous pression en réussissant le premier break, à 3/3. Mais, au cours du jeu suivant, à 40-40, il tente deux amortis facilement négociés par le Bâlois et perd son avance avant de s’incliner au jeu décisif. 7 points à 5, malgré un score de 5-4 en sa faveur avec deux services à suivre. Dès l’entame du second set, à 1/1 40-40, il flanche en enchaînant deux doubles fautes qui lui coûtent son engagement. Cette fois, combatif, il ne baisse pas les bras et se procure deux occasions de débreak. En vain.
Roger Federer : "Benoît me fait penser à moi plus jeune"
Battu 7/6 6/4, ses erreurs dans les moments importants lui laissent un goût amer. "Je n’ai pas fait un très bon match, j’ai mal servi, s’exprime-t-il à chaud. Je suis un peu déçu, j’avais la sensation de pouvoir faire mieux." Lot de consolation, il est adoubé par reines et rois du tennis. Serena Williams prend "plaisir à le regarder" pour profiter de "ses amortis, son revers." "Avec ses hauts et ses bas, il me fait penser à moi plus jeune, quand je balançais ma raquette, s’épanche quant à lui Federer. Mais Benoît a fait beaucoup de progrès dans la tête en un an. J’espère qu’il continuera comme ça." Depuis, Benoît Paire n’a pas dépassé les huitièmes de finale en Masters 1000 ou Grand Chelem. Il a préféré profiter de la vie, quitte à soulever moins de trophées. Ce qu’il a continué à faire, c’est s’affirmer comme symbole du tennis champagne. Celui qui pétille, transmet le goût de la fête au public et peut aussi, parfois, partir dans tous les sens quand le bouchon finit par sauter.