"Avantage, public" épisode 1 : Hingis-Graf à Roland-Garros, 1999

28 mars 2020 à 06:10:00

A l’heure du confinement de la moitié du globe, souvenons-nous de ces matches de tennis où, s’ils s’étaient déroulés à huis-clos, l’issue finale aurait sans doute changé. Premier volet de ces parties où le public a pleinement joué son rôle : la finale Hingis-Graf à Roland-Garros en 1999. Ferveur XXL, soutien décisif et ambiance hostile pour la jeune Suissesse, qui va payer cher son impertinence.

5 juin 1999, porte d’Auteuil à Paris, la finale dames à Roland-Garros s’annonce aussi intéressante qu’indécise entre la jeune Martina Hingis, 18 ans, et l’expérimentée Steffi Graf, de 12 ans son aînée. La faveur des pronostics revient à la Suissesse, qui n’a pas concédé un seul set depuis le début du tournoi et vient de remporter l’Open d’Australie. Son adversaire allemande se présente en outsider : son dernier titre majeur remonte à l’US Open 1996 mais elle a surpris son monde en dominant en quart de finale Lindsay Davenport puis sa grande rivale Monica Seles pour atteindre le dernier round parisien. Ces deux combats remportés en trois sets ont néanmoins entamé sa condition physique et la trentenaire se fait balader en début de partie. Sûre de sa force, Hingis varie ses coups, se déplace vite, frappe juste et fort pour remporter le premier set 6/4 et breaker dès l’entame du deuxième. Et là, subitement, tout bascule.

 

Filet franchi, bornes dépassées

 

Alors que Graf sert pour recoller à 2/1, Hingis retourne d’un coup droit flottant en long de ligne que l’arbitre de chaise française, Anne Lasserre-Ulrich, juge trop long. La Suissesse demande à ce que la marque soit vérifiée mais ni l’arbitre de chaise ni la juge de ligne ne la retrouve. Lasserre-Ulrich confirme la faute et va pour remonter à son pupitre quand Hingis décide de franchir son côté du filet pour aller voir par elle-même. Ce qui est formellement interdit. Outrée, elle refuse de reprendre le match, s’assoit même sur la terre battue et il faut l’intervention d’une responsable de la WTA pour la convaincre de reprendre le jeu. Mais le mal est fait car le public, jusqu’alors assoupi par une finale sans suspense, prend fait et cause pour Graf. Il faut dire qu’Hingis n’avait déjà rien fait jusqu’alors pour s’attirer les faveurs des Français, elle qui avait qualifiée Amélie Mauresmo de « demi-homme » quelques semaines auparavant. Elle qui, aussi, avait commis le crime de lèse-majesté de manquer de respect à Graf, déclarant avant la finale : « Steffi a eu des résultats par le passé mais le jeu est plus rapide et plus athlétique aujourd’hui. Son heure est passée. »

 

Toilettes, ola et cuillères

 

Maligne, l’Allemande comprend qu’elle peut tirer parti de ce public désormais franchement hostile à son adversaire. Elle remporte le deuxième set 7/5 et égalise. Vexée, Hingis quitte le court pour une pause toilettes qui s’éternise sept longues minutes. Pendant ce temps, le public lance une ola à laquelle Graf, intelligemment, participe. Une bronca accueille le retour d’Hingis qui va vivre un calvaire dans le troisième set, perdu 2/6, allant même jusqu’à servir par deux fois à la cuillère. Il faut l’intervention de sa maman pour qu’elle ne rentre pas directement aux vestiaires et assiste à la cérémonie. En larmes, elle voit Steffi Graf remporter le 22e et dernier titre d’une carrière accomplie à la fin de cette année 1999. Hingis, elle, ne se remettra jamais complètement de cette arrogance rudement réprimée par l’exigeant public de Roland-Garros : elle ne remportera plus jamais un seul Grand Chelem.


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