L’édition 2017 de l’US Open 2017 est le quarantième disputé à Flushing Meadows. Retour sur l’histoire d’un stade où le bruit et l’odeur du graillon ont toujours un peu leur place, mais nettement moins critiqué qu’à ses débuts…
700.000 spectateurs pendant la quinzaine, un Central de 22.547 places avec un toit en acier de 6,5 tonnes construit pour la modique somme de 134 millions d’euros… En 2017, qui ose encore dire du mal de Flushing Meadows ? Pendant près de vingt ans, ils ont pourtant été nombreux. Opprobre de la famille Grand Chelem, c’était le plus sale, le plus bordélique, le plus rock and roll, le moins fréquentable, le moins facile d’accès (40 minutes via les transports en commun). Normal, peut-être, pour un complexe bâti dans un parc du Queens sur les ruines d’un vieux théâtre - une « vallée de cendre », comme le surnommait l’écrivain américain Francis Scott Fitzgerald dans Gasby le Magnifique -, à deux pas de l’aéroport hyperactif de la Guardia. Tout part d’un dilemme en 1977. Lorsque les Internationaux des Etats-Unis décident de faire peau neuve, le club vieillot du West Side Tennis Club de Forest Hills, qui héberge le tournoi depuis 1915, refuse de faire les investissements nécessaires. La Fédération Américaine doit alors trouver une solution en quelques mois. Ainsi est né, dans la précipitation, cet immense chapiteau de béton et de métal. Le monument symbolise parfaitement la démesure américaine et la dimension nouvelle prise par le tennis au cours des seventies. Contesté pour son gigantisme, Flushing Meadows devient le plus grand stade du monde. « A moins d’être dans les loges, regrette à l’époque Pierre Darmon, vice-président de l’ATP Tour en Europe. C’est trop grand, ça sent mauvais, c’est bruyant... ça a été construit à l’Américaine. » En 1990, un spectateur, placé tout en haut du stade, envoie même un courrier aux organisateurs du tournoi pour se plaindre de ne rien voir : « Je crois que c’est Agassi qui jouait car il m’a semblé apercevoir une boule fluorescente gesticuler sur le court. »
Dinosaures, embouteillage et bombe atomique
Un peu « too much », donc, pour de nombreux puristes, heurtés par les effluves de mauvais barbecue qui ventilent les allées et secoués par les vrombissements des avions voisins - toutes les 10 minutes jusqu’en 1991. Avec les allées et venues incessantes des spectateurs dans les gradins, les joueurs ont l’impression d’œuvrer dans le hall du salon de l’agriculture un jour d’ouverture. En 1978, l’endroit est ainsi tailler sur mesure pour Jimmy Connors. « Dans ce tournoi, je ne me coucherai devant personne d’autres », lâche la star dont la violence du jeu sied parfaitement à l’atmosphère locale. « Le bruit et la terreur, le decoturf qui casse les jambe… Ce tournoi est un test extrême pour les journalistes et pour les nerfs, il ne peut être gagné que par un dur », note alors Denis Lalanne dans L’Equipe, dix ans avant de comparer les tribunes à une « gigantesque poubelle ». Car « Flushing » a ses ennemis intimes. Après une défaite prématurée en 1985, Kevin Curren, qui a toujours préféré l’ambiance feutrée de Wimbledon, propose tout simplement « de lâcher une bombe atomique sur cet saleté d’endroit ! ». En 1986, même John McEnroe se fait disqualifier du tournoi de double pour s’être perdu dans les embouteillages en voulant s’y rendre. Le début de la fin ? Il y a de ça : un an plus tard, la ville de New York entame une gentrification des lieux en construisant un zoo et un terrain de jeu sur le thème des dinosaures. En plus de voir des matchs, les spectateurs peuvent désormais se poser, lire et pique-niquer. Puis, en 1997, comme dans un souci d’apaisement, le Central Louis Armstrong cède sa place à l’Arthur-Ashe Stadium, encore plus grand mais plus fonctionnel et plus propre. Certaines voix comme celle de Noah s’élèvent pour regretter le changement d’ambiance sonore. « On n’y ressent plus la folie de New York ni la dureté de la ville. » Le Français est donc le dernier qui a osé.
Par Julien Pichené