Et pourquoi les femmes ne joueraient-elles pas les finales de Grand Chelem en trois sets gagnants ?

23 oct. 2014 à 17:47:29

Alors que se joue le BNP Paribas WTA Finals, qui s’est joué en trois sets gagnants entre 84 et 98, le débat ressurgit : ces demoiselles ne pourraient-elles pas disputer les finales de Grand Chelem au meilleur des cinq sets ?

C’est un serpent de mer vieux comme… Vieux comme le tennis, en fait, puisque de 1891 à 1901, les finales de l’US Open féminin se sont jouées en trois sets gagnants. Ce fut aussi le cas plus récemment, au BNP Paribas WTA Finals, de 1984 à 1998. A intervalles réguliers, le débat ressurgit : ces demoiselles ne pourraient-elles pas – voire ne devraient-elles pas – disputer les finales de Grand Chelem sur la distance reine du tennis, soit au meilleur des cinq sets ? On a décidé de militer aux côtés de partisans de cette tendance, et non des moindres : Billie Jean King, Martina Navratilova, Andy Murray et même, sur fond de guerre des sexes, Pat Cash et Gilles Simon.

 

1/ Plus c’est long, plus c’est bon

 

Une finale de Grand Chelem est censée être le bouquet final de ce feu d’artifice qu’est un tournoi majeur. Or, trop souvent, ladite affiche décisive s’avère n’être rien d’autre qu’un pétard mouillé, l’enjeu inégalable coupant les jambes de l’une ou l’autre des protagonistes, balayée en plus ou moins une heure de jeu. Ce fut encore le cas de trois finales majeures sur quatre en 2014, la palme revenant au Petra Kvitova – Eugénie Bouchard de Wimbledon, emballé et pesé en 53 minutes (6/3 6/0). Frustration de la perdante, frustration du public… Drôle de vitrine pour le tennis féminin au moment justement où il devrait se montrer sous ses plus beaux atours. En outre, de rallonger par la force des choses la durée de la finale, un passage au format trois sets gagnants offrirait surtout une chance à la joueuse paralysée par l’évènement de se détacher de la pression et d’enfin entrer dans la partie... chose que ne permet pas le format court. « Une joueuse novice a en général besoin d’un set entier pour appréhender une finale en Grand Chelem, estime Billie Jean King. Puisque le match se joue en deux sets gagnants, quand elle entre enfin dans sa partie, elle est déjà au pied du mur… et à une panique en succède aussitôt une autre, celle du désastre en train de se dessiner. Avec l’assurance d’un troisième set, je pense que beaucoup de joueuses pourraient se relâcher et offrir une bien meilleure réplique. » L’issue de la finale n’en serait pas forcément bouleversée, mais le spectacle, potentiellement, oui.

 

2/ Yes, she can !

 

S’il y a longtemps eu une différence de préparation physique entre hommes et femmes, les championnes de tennis sont depuis un moment déjà devenues des athlètes à part entière… « Alors pourquoi s’obstiner à considérer que nous ne serions pas capables de jouer en cinq sets ?, s’agace Martina Navratilova. A une époque, les gens de la Fédération internationale disaient que c’était trop dur pour nous, les femmes. Puis l’exemple du Masters dans les années 1980 et 1990 a prouvé que nous pouvons parfaitement tenir la distance des cinq sets, tant qu’il ne s’agit pas de répéter ce type d’effort quotidiennement. On a vu de très belles finales en cinq sets au Masters avec Steffi Graf, Monica Seles, Martina Hingis… » Mais aujourd’hui, plus que les hommes ou les instances, les réticences à un tel changement tendraient plutôt à provenir… des championnes elles-mêmes. Pas celles qui ont raccroché depuis longtemps. Non, les championnes en place. Selon un phénomène tout ce qu’il y a d’humain, Serena Williams, Maria Sharapova ou Petra Kvitova n’ont aucune envie de voir un quelconque changement à une situation leur souriant si bien. Et puisque ce sont ces stars qui sont principalement concernées par les finales de Grand Chelem…

 

3/ « Gagner en cinq sets, c’est incomparable »

 

Paradoxe du tennis féminin : les tournois du Grand Chelem ne sont probablement pas les tournois les plus difficiles à gagner. Ce titre reviendrait plutôt aux tournois Premier (équivalents des Masters 1000 masculins), où les meilleures sont tout aussi présentes mais où les quatre derniers matchs peuvent potentiellement s’enchaîner en quatre jours, du jeudi au dimanche. Un rythme infernal donc… contre un rythme de sénateurs – sénatrices – en Grands Chelems, où les joueuses bénéficient de 24 heures de repos entre chaque partie. Une finale en trois sets gagnants corrigerait cette véritable anomalie, conférant une particularité aux tournois du Grand Chelem, un pic de difficulté incarnant leur statut hors normes. Rare fana de tennis féminin parmi ces messieurs, Andy Murray est de cet avis : « Je pense que les femmes devraient jouer au meilleur des cinq sets, peut-être pas dans les premiers tours mais au moins dans les matchs les plus importants. Elles en sont tout à fait capables. Il leur faudrait juste adopter une préparation spécifique, comme un coureur de 400m qui passerait sur 800. Un Grand Chelem, c’est à part. Je trouve que les femmes aussi devraient avoir cette chance de ressentir à quel point c’est différent de tout le reste, et à quel point le fait d’avoir gagné en cinq sets rend une victoire en Grand Chelem incomparable. » Avant d’ajouter, prosaïque : « Et puis je pense que ce serait le meilleur moyen de répondre aux gars qui trouvent injuste que les filles gagnent autant d’argent que nous. »

 

4/ Clouer le bec aux machos

 

Depuis le milieu des années 2000, les quatre tournois du Grand Chelem, ainsi que certains tournois Premier, ont progressivement instauré une règle de parité dans leur dotation hommes – femmes. Une situation qui fait grincer des dents à l’ATP, chez les légendes d’hier comme chez les joueurs actuels. Et l’argument revenant le plus souvent est justement celui de l’effort physique moindre : « On parle souvent d’égalité des salaires… Je trouve que ce n’est pas un truc qui marche dans le sport, assénait Gilles Simon il y a deux ans, en guise de pavé dans la mare lors de son entrée au conseil des joueurs de l’ATP. Les hommes passent deux fois plus de temps sur le terrain que les femmes. Je ne trouve pas que la parité au niveau des ‘prize money’ soit logique. » Un son de cloche partagé par nombre de glorieux anciens, comme Pat Cash : « Tant que les femmes ne jouent pas la finale en cinq sets, on ne peut pas justifier que la lauréate d’un Grand Chelem gagne autant que le vainqueur du tournoi masculin. On ne peut pas. Cette polémique durera tant qu’elles ne joueront pas de finales en cinq sets. Elles sont censées être aussi endurantes que les hommes. Pourquoi est-ce qu’on les récompenserait d’être moins en forme et de jouer moins ? Moi, j’adorerais voir une finale féminine en cinq sets ! Ce serait un vrai test. » Alors, mesdemoiselles, chiche ? Juste pour obliger Pat Cash (et d’autres…) à se montrer bon perdant et à se bâillonner avec son célèbre bandeau à damier ?

 

 

Par Guillaume Willecoq

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