Alors que la Coupe Rogers se déroule ces jours-ci à Toronto, portrait d’un des joueurs les plus prometteurs du circuit ATP : Milos Raonic. La responsabilité de ce grand gaillard de 21 ans aux traits encore enfantins est grande : aider le tennis canadien à se développer et susciter des vocations au pays du hockey roi.
Longtemps, les fans canadiens de tennis n’ont pu admirer les champions du circuit ATP qu’une fois l’an, lors de la Coupe Rogers, qui se déroule alternativement à Montréal et Toronto en été. Mais depuis peu, ils peuvent s’enorgueillir d’avoir comme représentant national toute l’année la grande révélation du circuit mondial : Milos Raonic. Passé pro en 2008 alors qu’il n’avait pas encore 18 ans, c’est au début de la saison 2011 que le gamin a fait parler de lui pour la première fois. A l’Open d’Australie en janvier, il atteint les huitièmes de finale, dominé par David Ferrer après avoir battu deux vieux briscards, Michaël Llodra et Mikhaïl Youzhny.
Taquiné pour… sa petite taille !
Sur la lancée de ce coup d’éclat, Milos conquiert son premier titre majeur le mois suivant à San Jose en dominant en finale Fernando Verdasco, alors 9e joueur mondial. Une semaine après seulement, il atteint une nouvelle finale, perdue cette fois face à Andy Roddick à Memphis. « Ces performances l’ont directement propulsé au 37e rang mondial, sa carrière était lancée pour de bon et c’est à partir de ce moment qu’il est devenu une vedette au pays », éclaire le journaliste canadien Paul Roux
Physiquement très impressionnant (1,96 m, 90 kg), Raonic est pourtant loin du surdoué pour qui le succès raquette en main devait forcément finir par arriver. L’actuel capitaine de l’équipe canadienne de Coupe Davis par BNP Paribas, Martin Laurendeau, se souvient d’avoir vu débarquer « un junior relativement petit » au centre national d’entraînement de Montréal il y a quelques années. « C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais il se faisait pas mal taquiner à ce sujet par Daniel Nestor (numéro un canadien du double, Ndlr). Puis soudainement il s’est mis à grandir vite, très vite. Forcément les pépins physiques sont venus avec… Il a aussi fallu faire un gros travail de coordination pour accompagner cette croissance express. »
Flashé à 220 km/h
Joueur en devenir, entraîné durant son enfance passée en Ontario par son père ingénieur, Milos Raonic a pris « un peu tout le monde par surprise ». Martin Laurendeau inclus. « Des premières victoires en Junior, il est vite passé aux tournois Future, puis Challenger, avant de basculer directement vers les grands tournois. Une progression aussi rapide est rare. » La grande force de ce Monténégrin de naissance, qui a fui les troubles dans son pays d’origine avec sa famille alors qu’il n’avait pas 4 ans, c’est d’abord et avant tout son service, dévastateur, qui dépasse souvent les 220 km/h. « Il a déjà le meilleur de l’ATP dans ce registre », note Paul Roux, qui apprécie aussi les « lourds coups droits » assénés par le jeune champion et « la solidité de son jeu à la volée ».
Son capitaine de Coupe Davis retient aussi ses qualités mentales : « Milos n’a pas froid aux yeux, il est très confiant sur ses capacités. C’est important pour durer sur le circuit. » Quant à son jeu, il estime que des progrès restent encore à accomplir. « Depuis l’an dernier déjà, il a amélioré son coup droit, mais il lui faut encore beaucoup travailler pour devenir un joueur complet. » Paul Roux constate deux principales lacunes : « Des déplacements un peu lourdauds et des retours de service très moyens. »
La jurisprudence John Isner
Ceux qui le suivent estiment néanmoins que Milos Raonic a de grandes chances d’intégrer bientôt le top 10 mondial. D’après Paul Roux, « si John Isner l’a fait, il n’y a pas de raison qu’il ne s’y hisse pas aussi, car Milos a des qualités semblables tout en étant meilleur ». Confiant, Martin Laurendeau réclame de la patience. « L’expérience compte de plus en plus, à lui d’emmagasiner du vécu, d’apprendre au contact des meilleurs. Après tout, il n’a que 21 ans… » Et même pas une saison complète derrière lui, l’année 2011 ayant été perturbée par une blessure qui l’a éloigné tout l’été.
Si l’entraîneur québécois couve son meilleur élément en équipe nationale, c’est parce qu’il sait tenir là une perle rare. La 23e place mondiale actuelle de Milos Raonic et ses trois titres sur le circuit (San Jose 2011 et 2012, Chennai 2012) font déjà de lui le meilleur joueur de l’histoire de son pays en simple et un extraordinaire porte-drapeau de son sport. « Avec Milos et Vasek Pospisil, sans oublier Aleksandra Wozniak chez les filles, le tennis canadien est en plein essor. On a réintégré le groupe mondial de Coupe Davis par BNP Paribas, la Coupe Rogers gagne en popularité année après année, c’est très encourageant. » Au moins autant que cette statistique : avec 20 aces par match en moyenne le Canadien est déjà numéro 1 mondial au classement des serveurs.
Par Régis Delanoë