Le jour où… Serena Williams a gagné l’US Open à 17 ans

27 août 2014 à 00:00:00

Le jour où… Serena Williams a gagné l’US Open à 17 ans
Il y a tout juste 15 ans, Federer débutait à peine sur le circuit, Rafael Nadal perdait contre Gasquet aux Petits As, et Dimitrov entrait à l’école primaire quand Serena Williams gagnait son premier titre du Grand chelem, à l’US Open. Flashback.

C’était il y a tout juste quinze ans. Boris Becker et Steffi Graf venaient de ranger la raquette quelques semaines plus tôt, Roger Federer débutait à peine sur le circuit, Rafael Nadal perdait contre Richard Gasquet aux Petits As, et Grigor Dimitrov entrait à l’école primaire. C’était l’été 1999 et Serena Williams, pas encore 18 ans et surtout pas petite fille sage, gagnait son premier titre du Grand chelem, à l’US Open. Flashback.

 

« Ma vraie rivale, ce sera ma sœur. » Quand Venus Williams, alors âgée de 17 ans et fraîchement battue en finale de l’US Open 1997 par Martina Hingis, émet cette prophétie, le monde du tennis ne sait comment réagir : est-ce une provocation de plus chez une joueuse qui bouleverse alors les codes tennistiques (ce service…) et esthétiques (ces perles dans les cheveux qui lui jouent plus d’une fois des tours en s’éparpillant sur le court), ou faut-il le prendre comme un avertissement sans frais à destination de toutes ses rivales ?

 

Deux ans plus tard, la planète tennis est fixée : la première Williams titrée en Grand chelem, ce n’est pas Venus, mais bien Serena. A quelques semaines de fêter ses 18 ans, la cadette des frangines terribles du tennis mondial soulève la Coupe de l’US Open, « le tournoi dont je rêvais plus que tout autre, s’exclame-t-elle lors de la remise des prix. Je ne sais plus si je dois rire, pleurer, crier, sauter… Oh mon Dieu, oh mon Dieu, c’est fantastique ! » Le masque de la guerrière se fissure enfin, à l’issue d’une quinzaine riche en grands matchs et en petites provocations, véritable concours de trash talking que n’auraient pas renié les champions NBA de l’époque.

 

Les turbulences débutent dès le tirage au sort de cet US Open 1999, lorsque, voyant ses filles placées chacune dans une moitié de tableau différente, Richard Williams s’exclame à corps et à cris : « Mes filles s’affronteront en finale dans quinze jours. » Si la placide Lindsay Davenport, tenante du titre, n’en prend pas ombrage, il en va tout autrement de la numéro 1 mondiale, Martina Hingis. La Suissesse n’a encore que 18 ans mais un palmarès déjà long comme le bras, riche notamment de cinq Grands Chelems en simple. Piquée au vif, elle riposte : « Dans la famille Williams, il y a beaucoup de grandes gueules. »

 

« Hingis n’a pas reçu une éducation normale »

 

Tandis que Venus, plus introvertie, reste à distance de ces passes d’armes, Serena plonge muscles en avant dans la mêlée, et fait le ménage. Martina Hingis ? « Elle a toujours été le type de personne qui dit ce qu’elle pense. C’est son franc-parler. Je pense que c’est dû au fait qu’elle n’a pas reçu une éducation normale. Mais ça ne la dispense pas de réfléchir plus loin : vous devez utiliser un peu plus que ça votre cerveau dans le monde du tennis. » Et les 125 autres joueuses du tableau final de l’US Open, alors ? Elles sont balayées d’un lapidaire : « Il faudrait que je joue dans le tableau masculin pour que je rencontre des adversaires plus forts que moi. »

 

Et pourtant : tête de série n°7, gagnante cette année-là de ses premiers titres à Paris-Coubertin, le BNP Paribas Open et Los Angeles, la cadette des Williams trouve à qui parler en première semaine. Dès le troisième tour, une petite jeunette de seize ans la pousse dans ses retranchements. Son nom : Kim Clijsters. L’Américaine se fait très peur et son hurlement de rage sur le point lui offrant le break final, absolument pas contenu malgré l’erreur d’arbitrage flagrante en défaveur de Clijsters, trahit bien son soulagement (4/6 6/2 7/5).

 

Véritable diesel des courts, Serena concède encore le premier set à Conchita Martinez en huitièmes et Monica Seles en quarts, avant à chaque fois de dérouler lors des manches suivantes. Elle a beau vanter en permanence sa puissance de frappe, la jeune Américaine trouve à qui parler en demies, face à sa compatriote et tenante du titre Lindsay Davenport. La n°2 mondiale réalise une démonstration au second set… mais perd tout de même le troisième (6/4 1/6 6/4). « Deux années passées sur le Tour et je n’ai encore rien fait de grand en Grand Chelem : cette fois, c’est mon tour ! », clame Serena, qualifiée pour sa première finale majeure, deux ans après sa sœur.

 

Venus, justement, qu’elle ne retrouvera pas en finale : sa sœur aînée s’est inclinée en demies face à Martina Hingis (6/1 4/6 6/3), dans la première explication tant attendue, sur le court, entre une représentante de la famille turbulente et la surdouée insolente qui domine le tennis mondial depuis trois ans. Mais battre une Williams, possible. Deux à la suite, en revanche, et à plus forte raison dans l’exigeant enchaînement du Super Saturday…

 

Quarante ans après Althea Gibson, une noire Américaine à nouveau au sommet

 

La demie du vendredi a épuisé Hingis. Ainsi que la guérilla verbale entamée depuis douze jours, seule contre tous ? Peut-être. Toujours est-il que le samedi, elle manque clairement de jus : « C’est rédhibitoire face à une joueuse aussi puissante. J’ai passé mon temps sur la défensive », déclarera la Suissesse après la défaite. Elle concède le premier set 6-3. A 5-3 dans le deuxième set, Hingis trouve pourtant les ressources pour sauver deux balles de match et débreaker, suscitant un moment de flottement chez son adversaire : « Je m’en voulais d’avoir laissé passer l’occasion, se rappelle l’Américaine. J’étais tellement sûre que j’allais pouvoir terminer le match grâce à mon service. Il m’a fallu un moment pour accepter le fait de ne pas y arriver, évacuer ça et redevenir positive. Même ma mère avait l’air touchée. De ma vie, je ne l’avais jamais vu aussi abattue qu’au moment où ces deux balles de match se sont envolées ! »

 

Serena se ressaisit juste à temps, au jeu décisif. A 6 points à 4, elle obtient deux nouvelles balles de titre. Sur la première, le revers de Martina Hingis flotte en longueur. Williams anticipe la victoire, commence à s’élancer vers le filet, tout sourire, accompagne la balle du regard… « Out ! », hurle le juge de ligne. 7-6 : Serena Williams est la gagnante de l’US Open, à quelques jours de souffler sa 18e bougie.

 

Deux ans avant de devenir synonyme de drame, ce 11 septembre est un jour de liesse à New York : la communauté noire américaine attendait un champion issu de ses rangs depuis Arthur Ashe. Pour une femme, il fallait même remonter à Althea Gibson, dans les années 1950. « J’avais bien conscience de cet impact supplémentaire, souligne Williams. C’était ma première finale de Grand Chelem, mais Venus en avait déjà disputé avant, donc on lui parlait régulièrement d’Althea. » Et les Afro-américains n’ont pas fini de célébrer les succès de deux des leurs au tennis. Dans un premier temps, c’est Venus qui fera valoir son droit d’aînesse, signant notamment deux doublés Wimbledon – US Open successifs, en 2000 et 2001. Et puis viendra l’ère Serena. Une ère riche au total de 17 Grands Chelems et qui, quinze ans après ce premier feu d’artifice new-yorkais, dix-sept après la prophétie originelle de Venus, n’est toujours pas achevée.

 

Par Guillaume Willecoq

 

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