Ça s’est passé sur un court annexe de Roland-Garros…

27 mai 2014 à 00:00:00

Votre pass ne donne pas accès au Philippe-Chatrier et au Suzanne-Lenglen ? Pas grave. Chacun des 18 courts annexes est chaque année le théâtre d’épisodes mémorables de l’histoire de Roland-Garros. La preuve.

Parce que Roland-Garros, ce n’est pas seulement la légende du tennis écrite dans l’enceinte des courts Philippe-Chatrier et Suzanne-Lenglen et parce que chacun des 18 courts annexes a son passé propre, ses anecdotes et ses spécificités, le Mag vous propose une balade historique au bord des courts sur lesquels se déroule la très grande majorité des matchs de cette première semaine. Entre Kuerten et McEnroe, disqualification et baston, qualifs et beach tennis, Denain et Las Vegas.

 

Le Court n°1 Le 1 mériterait un article à part entière, tant son histoire – pourtant récente – est riche. Inauguré en 1980 par Jean Borotra, alors âgé de 81 ans, et Tarik Benhabilès, 15 ans et vainqueur junior du tournoi deux ans plus tard, il sera le court préféré de Jim Courier : « Le son y est incroyable. C’est comme jouer en indoor alors que l’on est en plein air. Ce son et l’écho que l’on entend vous donnent le sentiment que vous frappez plus fort que vous ne le faites vraiment. » C’est aussi dans l’enceinte ronde du « Bullring », comme l’appellent les Américains, que Gustavo Kuerten naît aux yeux de tous quand il élimine Thomas Muster pour le compte du troisième tour de l’édition 1997. En route vers la première de ses trois couronnes à Roland-Garros…

 

Le Court n°2 Un début et un adieu. C’est sur le Court n°2, le préféré des fans irréductibles, que Yannick Noah a disputé son premier match chez les professionnels, une défaite déjà pleine de panache (6/1 6/3 6/7 6/7 6/2) contre le Néo-Zélandais Brian Fairlie en 1977. C’est là aussi qu’en 1989, Guillermo Vilas remise définitivement ses raquettes, à presque 37 ans, battu sans gloire au premier tour par l’Italien Claudio Pistolesi.

 

Le Court n°3 Deux points. Voilà à quoi s’est trouvé réduit le match opposant Allan Stone à l’Américain Marty Riessen, au premier tour de l’édition 1966 du tournoi. Joueur consistant de son époque, plusieurs fois quart de finaliste en Grand Chelem, Riessen se blesse en effet dès le deuxième point de cette rencontre l’opposant à un Australien plus connu pour ses résultats en double qu’en simple. En abandonnant aussi tôt, il fait de ce match le plus court de l’histoire des Internationaux de France.

 

Le Court n°4 La première disqualification de toute l’Histoire du tennis a eu lieu ici, sur le court n°4, en 1963. Le Colombien Pato Alvarez, adversaire de l’Australien Martin Mulligan, est renvoyé au vestiaire par l’arbitre à quatre jeux partout dans le deuxième set, pour contestation… et chapardage de balles ! L’anecdote marque pourtant le début d’une longue histoire entre le Colombien et Roland-Garros, puisque celui-ci s’est ensuite affirmé comme un entraîneur marquant des trois dernières décennies (Emilio Sanchez, Nicolàs Lapentti, Svetlana Kuznetsova, Andy Murray…)

 

Le Court n°5 Millésime 2003 de Roland-Garros. Tombeur de Roger Federer au premier tour, Luis Horna est tout proche de gagner un deuxième match de suite dans le tournoi qui fait rêver tous les Sud-Américains. Il mène deux sets à un, 5-2 dans le quatrième, 0-40 sur le service de son adversaire. Mais voilà que le grand escogriffe en face, énorme frappeur de près de deux mètres, prend tous les risques et sauve ces balles de défaite. Puis refait son break de retard. Puis gagne le quatrième acte. Puis emporte la partie au cinquième. La folle aventure de Martin Verkerk est lancée. Dix jours plus tard, tombeur entretemps de Carlos Moya et Guillermo Coria, il joue la finale des Internationaux de France. Avant de disparaître aussi vite qu’il est arrivé.

 

Le Court n°6 John McEnroe l’affirme : le sale gosse qui sommeillait en lui s’est invité dans le monde du tennis un jour de 1977, lors de sa première participation au tournoi de Roland-Garros, dans l’anonymat du court numéro 6. À cette époque, John n’a que 19 ans et affronte au deuxième tour Phil Dent. « C'est gentil de me proposer deux balles quand tu n'es pas d'accord avec les arbitres, mais maintenant tu es chez les pros. Si tu as un problème, ce n'est pas à moi que tu dois le dire, mais à l'arbitre directement », glisse en plein match l’Australien à son jeune adversaire. Plaintes, insultes, contestations; ce « Connors en herbe », comme le surnomme la presse durant le tournoi, remporte les épreuves juniors et double mixte dès la semaine suivante en appliquant ce conseil. Avec en prime, un avertissement du comité du tournoi pour cause de mauvais comportement. Qui a l’effet inverse à celui souhaité : « C’est la première fois de ma vie que je me faisais siffler… Et ce serait mentir de dire que je n’ai pas aimé cela ! »

 

Le Court n°7 Le court des Français. A deux pas du Centre national d’entraînement, sur un terrain où ils s’entraînent régulièrement dès le début du printemps, les joueurs français les moins cotés (les autres sont programmés d’office sur le Central ou le Suzanne-Lenglen) ont pris l’habitude d’y signer les exploits les plus retentissants du début de quinzaine. Ces dernières années, on y a vu, entre autres, Nicolas Coutelot rendre chèvre David Nalbandian en 2003, ou plus récemment encore Stéphane Robert battre Tomas Berdych au premier tour en 2011… non sans sauver une balle de match au passage !

 

Le Court n°8 En 1987, un ch’ti gars du Nord, Patrice Kuchna, 325e mondial et issu des qualifications, croise la route au troisième tour de la plus grande vedette – au sens « star-system » – du tennis mondial, Andre Agassi. Et l’impossible se produit : l’enfant de Denain bat le Kid de Las Vegas, tellement sûr de lui… et encore tellement friable sur terre battue. Avec cette victoire en trois sets (6/4 6/3 6/3), Kuchna devient le joueur le plus mal classé ayant jamais atteint la deuxième semaine à Paris.

 

Le Court n°9 Malgré son mètre 90, Florian Mayer a dû se sentir tout petit lors de ce double disputé en 2011, en compagnie de son compatriote Michael Berrer, 1,96m, face aux Français Albano Olivetti et Kenny De Schepper, 2,03m chacun. Soit l’un des quatuors les plus « hauts » jamais vus en double à Roland-Garros. Pour la petite histoire, les Français l’ont emporté au jeu décisif du dernier set.

 

Le Court n°10 Un petit goût de tennis rétro, à l’ancienne, mais non, nous sommes bien en 2013 : anciennes adversaires en finale du simple de Roland-Garros (c’était en 2010), Francesca Schiavone et Samantha Stosur choisissent de disputer l’épreuve du double ensemble. Au premier tour, sur le court n°10, elles s’offrent une victoire de prestige sur les spécialistes de la discipline Maria Jose Martinez Sanchez et Liezel Huber, paire n°5 du tableau. Elles n’iront pas plus loin dans l’épreuve, mais auront rappelé les grandes heures du tennis féminin du XXe siècle, quand les meilleures ennemies en simple n’hésitaient pas à faire cause commune en double.

 

Le Court n°11 Nous sommes en 1993. Mary Pierce, étoile montante du tennis mondial, affronte l’Américaine Kimberly Po. Mais le spectacle se passe en réalité en tribunes, où son père Jim tempête, grogne, vocifère sans interruption pendant les points et finit par s’attirer les foudres du représentant de la WTA, qui exige sa sortie du terrain. Mais Jim Pierce refuse d’obéir à l’injonction. Il faudra dix gorilles pour expulser, par la force, l’ancien Marine. Son comportement ce jour-là lui vaudra une sanction de cinq ans d’interdiction du circuit.

 

Le Court n°12 Un court à émeutes. Situé à un escalier des vestiaires et de la cantine des joueurs sous le Suzanne-Lenglen, le 12 est un court d’entraînement très couru des meilleurs… ainsi que l’un de ceux où les fans peuvent observer au plus près leurs idoles faire des gammes. Tout Federer ou Nadal y tapant la balle suscite instantanément l’embouteillage dans l’ensemble de cette partie du complexe. Une année, on y vit aussi Ivan Ljubicic et Riccardo Piatti, son entraîneur, se livrer à une partie de pétanque à même le court. A la cool.

 

Le Court n°13 L’unique court du complexe non-dédié à la terre battue : le court n°13 fait la part belle au… sable, pour la promotion du Beach tennis. Certains professionnels sont déjà venus s’y essayer durant la quinzaine, comme Xavier Malisse ou Benoît Paire. C’est aussi le seul court de Roland-Garros que le grand public a le droit de fouler durant le tournoi.

 

Le Court n°14 Belges et Hollandais : les meilleurs fans du monde. Le moindre joueur venu de ces deux pays assure à chaque fois une ambiance dingue dans les allées. Le méconnu (inconnu ?) Robin Haase a ainsi mis le feu au court 14 en 2008, lors du premier match à reprendre sur les annexes après une interruption due à la pluie. On enregistre probablement à cette occasion la plus forte affluence jamais vue sur ce court. Et tant pis si Marin Cilic a écarté le Batave en trois sets (7/6 6/2 7/6).

 

Le Court n°15 Les premiers pas d’un futur grand. C’est là, sur le court n°15, que Novak Djokovic fait ses premiers pas à Roland-Garros, en 2005. En laminant l’Américain Robby Ginepri en trois sets (6/0 6/0 6/3), le n°153 mondial du moment signe sa première victoire dans le cadre d’un tournoi du Grand Chelem.

 

Le Court n°16 Tous les champions ont un jour ou l’autre arpenté les qualifications durant leurs années de formation. En bon anticonformiste, Gaston Gaudio a fait les choses à l’envers : il est le seul vainqueur du tournoi à être passé par la case « Qualifs » après son titre. En 2010, dans une ultime tentative pour relancer une carrière moribonde, le 200e joueur mondial qu’il est devenu s’est engagé avec humilité dans le tableau qualificatif. Il y disparaît sans gloire au deuxième tour face au Brésilien Thiago Alves. La scène s’est passée sur le Court 16, devant une poignée de spectateurs. C’est la dernière fois que l’on a vu Gaston Gaudio sur les courts de Roland-Garros.

 

Le Court n°17 Le court idéal pour suivre les derniers tours de piste de vieilles gloires passées de mode. En 2009, Juan Carlos Ferrero y dispute son dernier grand match à Paris contre Philipp Kohlschreiber, au deuxième tour. Sur un court bondé de fans peinturlurés aux couleurs de l’Espagne, le vainqueur 2003 du tournoi, alors classé 103e mondial, pousse dans ses retranchements l’Allemand, qui le précède alors de 70 places à l’ATP. Débuté tard dans l’après-midi, le match va refermer le programme, ilot de bruit et de lumière à l’ombre d’un Suzanne-Lenglen plongé dans la pénombre. Il est près de 22h quand une immense clameur s’élève du court : Ferrero vient de remporter le jeu décisif du quatrième set et, par-là même, de décrocher le droit de jouer un cinquième. Le lendemain en l’occurrence. Mais la plus belle pièce du match s’est bien jouée en cette chaude soirée de printemps.

 

Le Court n°18 Un court quasi-exclusivement réservé à l’entraînement. Fermé aux regards par des bâches opaques, il abrite les séances de travail des meilleurs lorsqu’ils veulent rester au calme. Si vous suivez un match de compétition sur le 18, c’est forcément mauvais signe : cela signifie que la pluie a frappé le tournoi et que le programme a pris beaucoup de retard. Pas plus tard que la semaine dernière, des matchs de qualification y ont été déplacés.

 

Par Guillaume Willecoq

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