David Ferrer sera un des outsiders dans la course olympique à Londres en fin de semaine mais personne ne le calcule. Sept ans qu’il est installé parmi le top 15 mondial et c’est encore un inconnu. Portait d’un anti-héros.
Le mec ne paie pas de mine. Personne ne parle de lui pour l’or olympique alors qu’il était en quart de finale à Wimbledon (éliminé en quatre sets dont trois tie-breaks par Murray, Ndlr), qu’il avait gagné quelques semaines auparavant le tournoi de ‘s-Hertogenbosch aux Pays-Bas sur herbe et s’était glissé en demi-finale de Roland-Garros, une première. Au reste, avec cinquante-et-une victoires, pour neuf défaites, en 2012, le numéro cinq mondial réalise la meilleure saison de sa carrière. Outre le tournoi sur gazon néerlandais, il l’a aussi emporté à Auckland, à Acapulco, à Buenos-Aires et à Bastad. Un score avec lequel seul Roger Federer peut rivaliser cette saison. Pourtant, le Valencian continue d’évoluer dans une certaine confidentialité. Son personnage ne colle pas aux critères de l’époque. Il est discret, possède un gabarit d’un autre âge (1,75m, 73 kg), il n’est que le deuxième Espagnol et surtout le cinquième homme d’une galaxie archi-dominée par les quatre Fantastiques.
Mats Wilander le disait pendant Roland-Garros : « David Ferrer est sûrement le joueur qui a le plus progressé au cours de ces trois dernières années. C’est un chic type et tout le monde souhaiterait le voir gagner un Grand chelem. Le problème, ce sont les trois monstres de devant et les défaites qui s’accumulent, ça ne l’aide pas même s’il a souvent la bonne attitude. » L’homme de l’ombre a pourtant travaillé d’arrache-pied. Il a amélioré son service, sa couverture de terrain, son revers et fait de son retour un des meilleurs du circuit, mais en vain. « Il sait tout faire, il progresse sans cesse mais il lui manque un déclic mental contre les tous meilleurs. Leurs matchs sont souvent accrochés mais à la fin il perd presque toujours. C’est le gendre idéal mais il n’a pas le mental d’un tueur pour gagner un Grand chelem », analysait, pour sa part, le coach à succès José Higueras. Statistiques impitoyables, sur ses neuf défaites de l’année, sept l’ont été contre un des quatre premiers du classement ATP. Deux contre Djokovic, Federer et Nadal et une contre Murray. Il n’a concédé que deux revers contre le reste du monde depuis janvier : Istomin et Bellucci. A Bastad, ‘Ferru’ a explosé Almagro (6-2, 6-2), pourtant un des meilleurs joueurs du monde sur terre. C’est bien là le paradoxe, Ferrer est à la fois cinquième à Rome et le premier du village (global)…
Des séances avec de vieilles raquettes en bois
Contre les quatre premiers du classement, David Ferrer a des comptes édifiants (5-6 vs Murray, 4-16 vs Nadal, 0-12 vs Federer et 5-8 pour Djokovic, Nldr). Pire : il a perdu les quatre finales importantes de sa carrière. En Masters Series à Monte-Carlo et aux Internazionale BNL d’Italia de Rome en 2010 à chaque fois contre Nadal. L’an passé à Shanghai contre Murray. Et celle du Masters contre Federer en 2008. En tout, il a joué trente-et-une finale et en a gagné la moitié. Sa timidité, son manque de confiance en lui le poussent également à fumer en douce un demi-paquet de cigarettes par jour, voire plus les périodes de grand stress. « Ce n’est pas une question de mental mais de tennis. Les quatre premiers ont plus de talent que les autres. C’est tout », racontait celui qui a horreur de se mettre en avant au Het Nieuwsblad, le journal flamand, à l’automne dernier. Qualité de ce défaut, Ferrer besogne sans cesse pour compenser cette carence psychologique. D’où un style de jeu bien à lui. Julien Benneteau, dans l’Equipe : « Il ne lâche rien, ne fait pas de faute, ne te donne jamais un point. Tu dois le gagner toi-même. Sa qualité première, c’est son déplacement.» Sur un court, Ferrer se meut comme une puce, sautillant sur chaque balle. Très compliqué à contourner. Une caractéristique propre aux entraînements herculéens concoctés pas son coach Javier Piles.
Chaque jour, il avale dix kilomètres, effectue des séances de vélo et, pour travailler les bras, s’exerce même avec de vieilles raquettes en bois, plus lourdes. « On travaille six heures par jour, quatre heures le matin et deux heures l’après-midi, confirme Piles dans Le Temps. Quand David était plus jeune et qu’il ne voulait pas travailler, je l’enfermais à clé dans une pièce sombre de deux mètres carrés. C’était l’endroit où on stockait les balles. Je lui donnais un morceau de pain et une bouteille d’eau à travers les barreaux de la minuscule fenêtre. Au bout de quelques minutes il se mettait à appeler les entraîneurs du club pour leur demander de l’aider à sortir mais personne n’y faisait attention. » Ferrer prétend pour sa part que ce n’est arrivé qu’une fois. Quand il avait dix-sept ans. Comme si, quand il était adolescent, son talent était là mais qu’il peinait à le développer. Au point que David faillit renoncer. « Je voulais arrêter le tennis, mais je ne voulais pas renoncer à mes sorties avec mes amis. Mon père m’a fait comprendre que si j’avais besoin d’argent de poche, il fallait que je travaille pour en gagner. Alors, j’ai trouvé un job de maçon. Au bout d’une semaine, j’ai compris que le tennis, finalement, ce n’était pas si désagréable que ça », conclut-il. Il n’aura pas à s’en plaindre.
Par Rico Rizzitelli