A l'image des basketteurs avant un lancer franc, les joueurs de tennis font toujours rebondir la balle avant de servir. Un geste à priori coutumier et anodin mais qui a récemment fait réagir. En cause, la manie de...
A l'image des basketteurs avant un lancer franc, les joueurs de tennis font toujours rebondir la balle avant de servir. Un geste à priori coutumier et anodin mais qui a récemment fait réagir. En cause, la manie de Novak Djokovic de répéter le geste une quinzaine de fois avant d'engager. Question : cela est-il vraiment bien utile?
Oui. Julien Varlet, ex-tennisman professionnel français, désormais consultant pour Canal + répond à cette question par l’affirmative. Il avance deux raisons à cela : « On fait rebondir sa balle pour se concentrer, cela permet de bien visualiser le terrain, l'adversaire, savoir où on va servir. C'est comme au handball avant un jet de 7 mètres. C'est un laps de temps très court, 10-15 secondes en position de service, mais décisif car cela vous permet de bien rentrer dans le point. » La deuxième raison tient, elle, de l’entracte : « Ça sert également bien pour récupérer après un échange long. Il ne faut jamais enchainer tout de suite, sinon on perd toute sa lucidité. D'ailleurs c'est souvent le problème chez les jeunes qui enchainent très vite entre deux échanges et peuvent perdre le fil de la partie parce qu'ils ne prennent pas le temps de souffler. » Un constat avec lequel Marie Gomez, psychologue du sport, n'est pas forcément d'accord. « Techniquement c'est peut être utile, argumente l’ancienne athlète de haut niveau, mais d'un point de vue mental, ça relève uniquement de la préparation neurolinguistique. Les jeunes tennismen se l'approprient en voyant les champions le faire et ça devient ensuite une habitude. Ça ne rend pas performant mais ça rassure ». Une habitude donc initialement pas indispensable, mais que les joueurs se sont appropriés et dont ils ont désormais du mal à se passer. Novak Djokovic qui répète inlassablement ce geste avant de servir le confessait récemment lors d'une interview sur CBS: « Mon record de tous les temps remonte à 2007, lors de la Coupe Davis par BNP Paribas contre l'Australie, j'avais fait rebondir la balle 38 ou 39 fois. Parfois Je ne peux juste pas contrôler ma main. C'est automatique, je suis comme un robot. C'est vraiment incroyable, je ne peux tout simplement pas l'expliquer. » Marie Gomez, elle, le peut: « A ce niveau-là ça devient quasiment un trouble obsessionnel compulsif. Le joueur ritualise ce geste, et peut se dire si je ne le fais pas, je ne gagnerai pas le point. »« Ils n’osent pas appliquer le règlement sur Nadal »Toqué Nolé ? Peut-être mais pour Julien Varlet cette habitude relèverait plus d'un bras de fer psychologique avec l'adversaire: « Les meilleurs joueurs mondiaux comme Djokovic ou Nadal font rebondir 50 fois la balle et là ça devient presque un jeu avec l'adversaire pour l'énerver. C'est vrai que certains joueurs ont plus besoin que d'autres de ça pour se concentrer mais je pense que certains comme Novak en jouent ». Pourtant, prendre tout son temps avant le service n'est pas forcément la norme. A l’inverse, certains préfèrent jouer du rebond de manière parcimonieuse. Le but ? Toujours le même, déstabiliser l'adversaire : « André Agassi prenait tellement peu de temps avant de servir qu'il faisait rentrer son adversaire dans sa visière de jeu, et celui-ci était déboussolé. Il avait à peine le temps de se replacer qu'il se prenait déjà un gros service. » Chacun adapte donc son rituel et profite comme il l'entend des 30 secondes offertes par l'ATP entre la fin d'un échange et le début d'un autre. Le problème, c’est qu’entre la théorie et la pratique, il y a un fossé, comme souvent. Varlet toujours : « 30 secondes entre les points, c'est le temps de récupérer. Le timing de l'ATP est bon, mais le problème vient plus du fait que plein d'arbitres ne le font pas respecter. Ils le font respecter sur Adrien Mannarino qui est 100ème mondial, mais avec Djokovic ou Nadal. Ils n'osent pas trop appliquer le règlement. » Deux poids, deux mesures, comme souvent. Par Arthur Jeanne