A chaque Olympiade il y a comme des intrus dans le tableau. La Fédération Internationale invite tous les quatre ans quelques champions de petits pays à venir se frotter aux seigneurs de l’ATP. En général, ils se font dérouiller. Inventaire.
1/ Christophe Pognon, battu à plate couture par Kuerten, Sydney 2000.
Le Brésilien Gustavo Kuerten, troisième mondial, face au Béninois Christophe Pognon, non classé à l’ATP et assimilé 0. Le gag a duré 38 minutes, pas une de plus, le temps de faire un 6-1 6-1. Mais ce sans-grade sorti du rang, alors licencié en France, a dit qu’il n’oublierait jamais cet instant. « Quand je suis entré sur le court, j’étais un peu timide. A la fin, Kuerten m’a dit que j’avais fait un bon match ! » Le triple vainqueur de Roland-Garros lui a laissé par-ci par-là ce qu’on appelle des jeux de courtoisie. Ça valait bien une photo souvenir. Scène cocasse, le perdant a en effet demandé à se faire photographier avec son vainqueur sur le court à l’issue du match.
2/ Diego Camacho, balancé sur le bord de la route par Tarango, Sydney 2000.
Même tournoi, même situation qu’entre Kuerten et Pognon. Sauf que ce fripon de Jeff Tarango, l’homme qui a un jour montré son derrière au public tokyoïte et qui, un autre jour à Wimbledon, a quitté le court en traitant l’arbitre de vendu, se fiche totalement de savoir que le pauvre bolivien Diego Camacho ne figure pas dans le classement mondial. Il fait son job, point barre. Et si l’Américain a lâché un jeu à 6-0 4-0, ce n’est pas par gentillesse. Il était juste agacé de s’être fait remonter les bretelles à cause de sa tenue non réglementaire.
3/ Orlando Lourenco, torpillé par Forget, Los Angeles 1984.
Il l’a écrit en gros sur sa carte de visite : « a fait les Jeux Olympiques en 1984 à Los Angeles » C’était il y a 28 ans et le Zimbabwéen, aujourd’hui prof de tennis aux Etats-Unis, dans le Tennessee est l’un des seuls à s’en souvenir. Triste. Ce jour-là, Guy Forget, 109è ATP, bat Orlando Lourenco, non classé chez les pros, 6-3 6-1 au premier tour. Seule ligne sur le CV de cet expatrié, qui avait pour autre particularité de confondre les couleurs, elle lui avait permis à l’époque de vivre son quart d’heure warholien. Quant au Français, quand on lui demande aujourd’hui ce qu’il en a retenu, il fait mine d’avoir oublié. Faut dire que dans sa carrière, il a dû en rencontrer souvent des Zimbabwéens daltoniens…
4/ Neyssa Etienne, écrabouillée par Talaja, Sydney 2000.
Entrainée un temps par Laurent Lamothe, actuel premier ministre haïtien et bon joueur de Coupe Davis par BNP Paribas, Neyssa Etienne reçoit un beau coup de pouce en 2000 : une invitation pour les Jeux. Fan de Mary Pierce, celle qui n’était pas recensée au classement WTA tente alors la déclaration choc : « Je joue comme elle finalement, je renvoie bien du fond de court, j’ai un coup droit foudroyant et un bon revers ». Toujours faire gaffe à ce qu’on dit… A Sydney, elle est expulsée d’entrée par la Croate Silvija Talaja, 6-1 6-0. C’était son premier grand tournoi. Ce sera aussi le dernier.
5/ Bong-Soo Kim, même pas mal contre Leconte, Séoul 1988.
On en rit encore au Pays du Matin Calme. C’est Henri Leconte qui a donné au tennis coréen son seul titre de gloire. Arrivé au dernier moment à Séoul après avoir longtemps hésité, Monsieur capable-du-meilleur-comme-du-pire butte dès le deuxième tour contre une raquette modique invitée parce qu’elle était dans le coin. Bong-Soo Kim, 361è mondial (!), était pourtant promis à la destruction. Il est, à ce jour, le seul joueur sorti de nulle part à avoir réussi à pêcher un gros aux Jeux.
Par Julien Pichené