En 1992, Marc Rosset décroche la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Barcelone. Vingt ans après, cette victoire paraît encore plus belle. Car le Suisse, 21 ans, 2m01 de franc parler, est arrivé sur place à la...
En 1992, Marc Rosset décroche la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Barcelone. Vingt ans après, cette victoire paraît encore plus belle. Car le Suisse, 21 ans, 2m01 de franc parler, est arrivé sur place à la dernière minute, loupant la cérémonie d’ouverture encore éreinté d’une semaine de fiesta à Genève. Un doux dingue qui n’avait a priori rien pour gagner. A priori.
Une semaine de bringue à Genève avec les potes. Voilà comment Marc Rosset a choisi de se préparer mentalement et physiquement pour son premier tournoi olympique. Enfin, à l’époque, c’est ce qu’il sort aux journalistes. « C’était une manière ironique de raconter ma semaine en Suisse, avoue-t-il aujourd’hui. C’est mon petit côté provocateur. Non, si c’est ce que vous voulez savoir, je ne suis pas arrivé complètement bourré à Barcelone. Mais je n’avais pas beaucoup joué au tennis, ça c’est sûr ». En 1992, la petite balle jaune est encore toute nouvelle aux JO. Si aujourd’hui le tournoi est, pense-t-il, « le cinquième Grand Chelem », il y a 20 ans, il était possible de débouler à la dernière seconde et balancer ses meilleures vannes en sifflant : « Je suis venu là pour le fun. Les Jeux, c’est un peu les vacances ! ». Ou encore se laisser aller à l’analyse politico-sportive : « Si le tennis est aux JO, alors pourquoi pas la pétanque, le surf, les fléchettes et le parapente ? ». Décontracté d’accord, mais qu’avait-t-il à perdre ce jeunot de 21 piges ? Pas grand-chose à première vue. Il règne une chaleur à crever, la terre battue est sèche, lente et impitoyable pour son jeu boum-boum. On combat en simple et en double, le tout en trois sets gagnants. Sévère pour son physique. Enfin le tableau est cadenassé de partout par les cracks du circuit. Courier, Edberg, Becker, Sampras, Chang et Ivanisevic sont là. Courage.« Moi j’appelais ça un zoo humain »D’ailleurs, personne n’a réellement remarqué le double mètre de cette tourelle rousse. Le 44è mondial n’intéresse personne. A peine la presse suisse-allemande, qui titre quelques semaines avant les Jeux qu’il est « La honte de la nation ». Mais lui s’en tape complet. « Personnellement, vous pouvez le noter, je n’en ai jamais rien eu à carrer de ce que pouvait penser la presse. » Dès le début de la compétition, malgré un premier tour éprouvant face au jeune Marocain Karim Alami – « peut être que j’avais besoin de suer tout ce que j’avais bu la semaine dernière » - l’oiseau trouve vite son nid. Très vite. « Je suis arrivé dans un truc que je ne connaissais absolument pas. Une fois au village, j’ai commencé à me prendre au jeu et à observer des mecs qui jouaient leur vie pour une médaille. C’est cool, alors pourquoi pas ? Pourquoi pas moi ? L’appétit vient en mangeant ». Là ou certains joueurs de tennis préfèrent continuer à se payer des hôtels cinq étoiles, Rosset vit et dort dans le village olympique. Malgré les dortoirs étudiants avec des lits un peu justes pour sa taille, la promiscuité, la vie de groupe et l’ambiance colonie de vacances, c’est son truc. Et c’est aussi là que la compét’ se joue. « Comment expliquer mon succès ? Je pense avoir été le mec qui s’est le mieux adapté à l’esprit et au village olympique. C’est une formule qui m’allait bien », dit-il. Dès les premiers tours, certaines vedettes lâchent. Exit Edberg. Exit Sampras. Exit Becker. Rosset, lui, sort Courier en trois sets en huitième de finale. Et devient à l’aube des quarts de finale l’un des favoris d’une arène de plus en plus étriquée. Une ambiance de jungle, qu’il affectionne : « Moi j’appelais ça un zoo humain. Le soir, au réfectoire, j’observais les sportifs. Vous aviez 1 000 morphotypes d’athlètes différents. Vous reconnaissiez le judoka avec ses oreilles… Il y a des girafes, des hippopotames, des petits, des gros, des maigres ».
« Que Federer n’aille pas en demi ou en finale »En quart contre Emilio Sanchez, le public est fougueux. Lui aussi : « C’était tellement bouillant qu’à un moment donné, j’ai un smash à faire et au lieu de jouer le point, j’ai préféré viser mon adversaire. Ce qui n’a pas arrangé ma cote d’amour avec le public. Je suis même sorti du court escorté par quatre flics ». La finale le met aux prises à un autre Espagnol au visage émacié ocre, barcelonais de surcroît : Jordi Arrese. Le combat entre les deux outsiders dure plus de cinq heures. Rosset doit surmonter une terrible défaillance physique et faire face à un public à l’insulte facile. Mythique. « J’ai chopé une insolation. J’ai dû laisser filer une heure de match. Je n’en pouvais plus, mais c’était cool ! ». Cool car à l’arrivée, il y a une médaille d’or arrachée au terme d’un cinquième set épique gagné 8-6. Pour la presse de son pays, l’Helvète redore son petit blason. Le même canard qui l’avait enterré le compare désormais à Guillaume Tell. « C’est too much, dans un sens comme dans l’autre. La presse sportive a toujours eu tendance à s’enflammer ! ». Alors, pour la calmer, on joue avec. « Je préfère appâter les journaux avec une bonne boutade, un peu comme Marat Safin. Quand je lis un article d’un joueur qui dit : « Qu’est-ce que j’ai été bon. J’ai été le plus fort, ma victoire est logique », ça me fout des frissons dans le dos ! ». A l’heure où Londres, ville hôte, s’apprête à accueillir les Jeux, aucun soufflage de bougies en vue pour Rosset. Simplement une bouffe entre amis pour fêter ce beau souvenir. Et un souhait égoïste : rester le dernier médaillé suisse en simple. « Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que Federer n’aille pas en demie ou en finale. Alors ils vont peut-être me préparer quelque chose ! » Encore de la provoc ? Par Victor Le Grand et Julien Pichené