On connaît tous les marques de raquette avec lesquelles jouent les cadors du circuit. On connaît moins en revanche la relation qui se cache derrière, entre l'homme et l'objet. Visite guidée, dans l'envers du décor.
Roger Federer a fait parler de lui cet été. Pour ses résultats en dents de scie, son classement sur le déclin, mais aussi pour son changement de raquette. Après plus d'une dizaine d'années à régner sur la planète tennis avec sa Wilson BLX Pro Staff Six One Tour, le Suisse a en effet temporairement opté pour un prototype Wilson au tamis plus grand. Une manière d'augmenter la zone de confort afin de gagner en puissance et de s'offrir quelques centimètres de rallonge pour compenser des déplacements plus lents que par le passé. Seulement voilà, après deux défaites prématurées contre Daniel Brands (55ème mondial) et Federico Delbonis (114ème mondial) à Gstaad et Hambourg, le roi Roger a finalement décidé de revenir à son premier amour. C'est qu'on ne quitte pas son partenaire de jeu durant dix ans comme ça.
Nadal mécontent pour 2 millimètres
Jean-Christophe Verborg, responsable de la compétition chez Babolat, le rappelle au détour d'une anecdote : les joueurs entretiennent avant toute chose une relation fusionnelle avec leur objet fétiche. « C'était il y a trois ans, on profitait de la période hivernale après l'Australian Open pour faire des essais sur des raquettes avec Rafael Nadal, se souvient Jean-Christophe. On travaillait plus spécifiquement sur le manche et sa forme. On a donné à Rafa une raquette avec un manche plus long de 2 ou 3 millimètres que son manche habituel, sans lui dire. Il l'a essayée, a frappé deux balles puis s'est arrêté net et a demandé qu'on lui ramène sa raquette. Pour 2 millimètres... A ce niveau de jeu et de précision, les raquettes deviennent une véritable prolongation du bras de l'athlète », raconte-t-il.
Et comme dans toute relation, c'est les hauts et les bas qui dictent le tempo et la durée de l'histoire. « Quand on a des bons résultats, on a tendance à garder sa raquette, explique le joueur français Florent Serra. Il y a une vraie relation de confiance qui s'installe entre le joueur et l'objet. En revanche, quand on perd, on a subitement des envies de changement. Ou des accès de violence... Moi par exemple, je n'ai changé qu'une fois de raquette ». Si l’ex 36ème mondial confie n'avoir jamais martyrisé son matériel comme ont pu le faire Marat Safin (plus gros casseur de l'histoire avec 1055 raquettes brisées en carrière) ou Goran Ivanisevic, il reconnait cependant avoir troqué sa Babolat pour une Wilson en 2009. Non sans nostalgie : « Je me suis dit qu'on avait quand même passé de sacrés bons moments ensemble... ». Au point de revenir finalement vers elle deux années plus tard, en 2011. Mais le joueur se défend d'être une exception : « On voit souvent des joueurs revenir à un ancien modèle abandonné plus tôt dans la carrière ». Le coup de l'ex qui refait surface...
Des raquettes maquillées
Contrairement à ce que l'on pourrait croire ou voir, les joueurs changent en réalité très peu de raquette. Comme le précise Florent Serra, « les marques maquillent souvent les raquettes des joueurs avec les designs des nouveaux modèles à des fins marketing, pour les promouvoir. Mais au final les joueurs jouent souvent avec la même raquette depuis des années. Ça m'est personnellement arrivé chez Babolat ». Nombreux sont en effet les joueurs à avoir effectué toute leur carrière avec une seule et même raquette, parfois cachée derrière des designs différents. Et pas des moindres. Parmi eux, Roger Federer, Rafael Nadal, Lleyton Hewitt, Mark Philippoussis et même Pete Sampras. Le King of swing avait avoué dans son autobiographie avoir joué avec la même Wilson Pro Staff durant l'intégralité de sa carrière, quitte à se priver de nombreuses innovations technologiques... Finalement, le joueur de tennis est un être humain comme un autre. Parfois il se trompe, parfois il revient sur ses choix et le résultat est le même : il passe beaucoup de temps à chercher la raquette de sa vie. Et quand il pense l'avoir trouvée, il ne la lâche plus. Pour le meilleur et pour le pire.