Quel coach pour Roger Federer ?

23 oct. 2013 à 00:00:00

Quel coach pour Roger Federer ?
Qui pourrait être le prochain coach de Roger Federer ? Le MAG a dressé une short-list de six noms, pesant le pour et le contre de chacun et prophétisant ce qu’il va se passer. Ou pas.

Roger Federer a annoncé la fin de sa collaboration avec son entraîneur Paul Annacone. A 32 ans, le Suisse cherche celui qui va l’accompagner dans la dernière ligne droite de sa carrière. On a retenu six noms prestigieux vers lesquels il pourrait se tourner. Dans le lot, il y a peut-être l’heureux élu. Ou pas.

 

Darren Cahill, le choix… de la raison

 

Le rêve de tous les fans : la Rolls des entraîneurs pour la Ferrari des joueurs. Darren Cahill s’est bâti une solide réputation en un laps de temps remarquablement court : deux ans pour hisser Lleyton Hewitt au sommet – plus jeune n°1 mondial de l’histoire, en 2001 – et deux ans pour ramener Andre Agassi vers ces mêmes cimes – plus vieux n°1 mondial de l’histoire, en 2003. Depuis, le maître gère sa légende et ne prodigue que quelques conseils occasionnels de-ci, de-là, aux élèves qui font la démarche de venir le consulter en haut de sa montagne. Le sage s’est même permis de dire « non » à Roger Federer en 2009 : le Suisse voulait l’avoir à ses côtés à l’année, quand l’Australien n’avait plus envie de passer sa vie à l’hôtel, fut-il le plus luxueux palace de Dubaï. Mais cette fois, Cahill a vu l’oracle : il est convaincu que Roger Federer finira par chiper à Andre Agassi la position de patriarche des n°1 mondiaux. Alors plutôt que de voir l’Helvète lui chiper cette place en bout de table qui quelque part lui appartient aussi, il décide de l’accompagner dans sa dernière quête.

 

Ce qu’il va se passer : la méthode Cahill porte ses fruits, à la manière d’un José Mourinho en football, l’arrogance en moins : la première année pour s’adapter, la deuxième pour gagner. 2014 est donc un cru moyen pour le Suisse, qui monte tout de même en puissance mois après mois, jusqu’à finir l’année sur un nouveau triplé Bâle – BNP Paribas Masters à Bercy – Masters. Le FedExpress est lancé : 2015 est l’année de tous les succès, avec à la clé un été riche de titres dans ses places fortes de Halle, Cincinnati et surtout, Wimbledon. Profitant des blessures de ses rivaux Nadal et Djokovic, qui ont disputé un marathon de 13h29 pour leur 72e face-à-face en finale à Melbourne, il chipe brièvement la place de n°1 mondial la semaine de son 35e anniversaire. La satisfaction du devoir accompli, Cahill se retire aussitôt et met un terme à sa collaboration avec Federer. Même si l’objectif est rempli, le Suisse est secrètement mortifié : c’est la première fois qu’il se fait plaquer par un entraîneur.

 

Toni Nadal, le choix… aux origines du mal

 

En transformant son neveu – droitier dans la vie de tous les jours, faut-il le rappeler – en gaucher une fois sur le terrain, Tonton Toni a fabriqué l’antidote parfait au tennis cristallin de Roger Federer. Désireux de soigner le mal par le mal, le Suisse prend donc une décision forte et approche le mentor de son meilleur ennemi, qui n’a jamais caché son admiration pour l’Helvète. Au chômage technique suite à une énième pause du Majorquin pour recharger son fichu genou bionique, Toni accepte le challenge.

 

Ce qu’il va se passer : Pour Toni Nadal, la relation avec son élève dépasse le strict rectangle du court. L’entraîneur, le joueur et ses proches forment un clan. Et dans un clan, on voyage ensemble, on mange ensemble, on vit sous le même toit… Sauf que si la situation est acceptée chez les Nadal, la cellule de Federer se caractérise déjà par la présence d’un fort caractère : son épouse Mirka. Quand Toni oblige les Federer à venir passer l’hiver à Majorque pour y effectuer la préparation foncière d’avant-saison, et que l’oncle omniprésent plante son sac de couchage au pied du lit conjugal pour s’assurer que Roger s’endorme bien à 21h, le point de non-retour est atteint. Mirka explose : c’est elle ou Toni. Le Suisse sait ce qu’il doit à sa chère et tendre et, malgré la victoire à Roland Garros remportée à peine quelques jours plus tôt aux dépens de Novak Djokovic, exit Toni Nadal. Le sorcier de Majorque retourne à l’entraînement avec son neveu. Au moins, Xisca ne dit rien, elle.

 

Peter Lundgren, le choix… « nous étions jeunes et larges d’épaules »

 

On revient toujours à ses premières amours. Roger Federer regarde derrière lui et repense au bon vieux temps. Quand il enquillait les Petits Chelems, quand son dos ne grinçait pas, quand Nadal, Djokovic et Murray n’étaient que des « etcetera » du classement. Nostalgique, il se tourne alors vers l’une des figures les plus aptes à lui rappeler ces bons souvenirs : Peter Lundgren, l’homme qui l’a aidé à domestiquer son tempérament pour devenir n°1 mondial. Ces dernières années, Lundgren aussi a perdu son mojo, à force d’expériences ratées avec Dimitrov, Baghdatis et – malédiction suprême – auprès de la Fédération britannique. Tous deux décident donc de renouer le fil de leur glorieux passé commun.

 

Ce qu’il va se passer : comme souvent, la patine du temps ne conserve que les bons souvenirs, pas les mauvais. Si Roger Federer a gagné de grands titres en compagnie de Lundgren, la réalité du quotidien se charge de lui rappeler pourquoi il a fini par se séparer de lui. Loin de l’image du Nordique austère, le Suédois est un bon vivant, qui aime sortir, faire la fête, célébrer les succès plutôt que se focaliser immédiatement sur le prochain objectif. Nanti d’un Masters victorieux pour marquer leurs retrouvailles, le Suisse cède à la pique de Lundgren, qui lui assène un cinglant : « Roger, tu es trop suisse-allemand. Carpe diem, merde ! » Piqué au vif, le Bâlois accepte une bière pour fêter la victoire. La mousse débouche sur une tournée des bars à Londres, puis une nuit blanche, puis deux… Focalisé sur sa carrière depuis l’adolescence, Federer découvre les joies de la vie nocturne. Son aîné Marc Rosset se porte volontaire pour l’aider à rattraper le retard accumulé et entraîne le duo dans les meilleures boîtes de nuit du globe. Federer commence à ne plus gagner, mais surtout découche de plus en plus souvent, pour rentrer au petit matin le nez rougi. Après que le Suisse ait été mitraillé par les paparazzi à un concert de Bob Sinclar, Mirka décide de prendre les choses en main et met le holà à la débauche : non contente de congédier Lundgren, elle rappelle une autre figure bien connue du box helvète, Tony Roche. Fini de rigoler : le septuagénaire australien remet Roger Federer au travail. Un homme qui a travaillé avec ce gai luron d’Ivan Lendl sait comment s’y prendre avec les fêtards.

 

Roger Rasheed, le choix… maître de guerre

 

Grigor Dimitrov a l’habitude de voir ses coachs succomber à des sirènes plus médiatiques : après Patrick Mouratoglou qui l’a abandonné pour les beaux yeux de Serena Williams, c’est au tour de Roger Rasheed de le laisser en plan afin d’aller relever le défi de gagner un tournoi majeur aux côtés d’un autre Roger, Federer. Car s’ils partagent le même prénom, une différence de taille sépare les deux hommes. Ou plutôt 17 différences, comme le palmarès du Suisse en Grand Chelem. Car malgré ses collaborations probantes avec Lleyton Hewitt, Gaël Monfils et Jo-Wilfried Tsonga, l’Australien affiche toujours le tournoi de Rotterdam comme plus belle prise à son tableau de chasse d’entraîneur.

 

Ce qu’il va se passer : La méthode Rasheed est maintenant connue : du physique, du physique et encore du physique. A force d’heures passées en salle de muscu’, la silhouette de Roger Federer change, devient plus lourde, carrée, musculeuse. Le Suisse atteint bien la finale de l’Open d’Australie dès janvier, mais la mécanique se grippe rapidement : il se met à cumuler blessures à la hanche, comme Lleyton Hewitt, au genou droit, comme Gaël Monfils, et au genou gauche, comme Jo-Wilfried Tsonga. Au mois d’août, il annonce à la stupeur générale qu’il met un terme à sa carrière, inquiet de ne plus parvenir à soulever ses filles sans ressentir des douleurs dans les bras. Il a 33 ans. La petite mort du sportif à l’âge du Christ. Les fans de tennis sont crucifiés.

 

Pete Sampras, le choix… l’élève a dépassé le maître

 

Roger Federer n’a jamais caché que Pete Sampras était son idole de jeunesse. Né tout juste une décennie après son aîné, la carrière du Bâlois a d’ailleurs souvent pris un malin plaisir à s’ancrer dans les traces de « Pistol Pete » : accession à la place de n°1 mondial à 22 ans, règnes assidus à Wimbledon et à l’US Open, recul devant la jeune garde l’année de ses 30 ans… avant un rebond pas forcément attendu la trentaine passée. Chez Federer, ce dernier cycle fut d’ailleurs accompli aux côtés de Paul Annacone… entraîneur de Pete Sampras lors des ultimes saisons de sa carrière. Alors cette fois, plus d’intermédiaire : le Suisse va directement chercher son modèle.

 

Ce qu’il va se passer : Orgueilleux comme tous les champions, Pete Sampras n’aime rien tant que voir ses poursuivants dans la légende échouer derrière les marques qu’il a définies. Comme Borg devant Nadal, Sampras – quoi qu’il en dise – fulmine de se voir déposséder de tous ses records, une décennie à peine après les avoir établis. L’Américain perçoit l’occasion de préserver l’un des derniers faits de gloire encore en sa propriété : sa sortie majestueuse, sur un ultime point gagnant en finale de l’US Open. Omettant sciemment que les temps ont changé et que l’ère actuelle est à l’avantage des défenseurs, l’aîné vend à son héritier la recette qui lui a permis cet exploit jusque-là inédit : service-volée sur première balle, service-volée sur deuxième balle, retour-volée et attaque à outrance. Il persuade également Federer que la route d’un 18e Grand Chelem passe par une défaite contre George Bastl, qu’il descend donc défier sur le circuit Future, à Knokke-le-Zoute. Sorti du Top 10 pour la première fois depuis 2001, Federer arrive dans les conditions idéales à l’US Open. Mais l’histoire, facétieuse, bégaye : le Suisse est éliminé en huitièmes de finale par Grigor « Baby Fed » Dimitrov. Sampras jubile. Il tient sa revanche.

 

Roger Federer, le choix… du roi

 

Qui peut prétendre savoir ce qui se passe dans la tête ou ce qu’attend un homme au palmarès riche de 17 Grands Chelems et 6 Masters ? Fort de cette certitude, et du constat que ses rares égaux dans l’Histoire du jeu sont soit morts – Tilden, Gonzales – soit de santé fragile – Laver – Roger Federer décide donc de continuer seul. Ce n’est après tout pas la première fois : il l’a déjà fait en 2004, l’année du premier de ses trois Petits Chelems, et encore entre mai 2007 et juillet 2010, période durant laquelle il remporta enfin Roland-Garros et dépassa les 14 majeurs de Pete Sampras. Fort de ses 9 Grands Chelems remportés sans autre entourage que sa femme Mirka, son préparateur physique Pierre Paganini et son ami Séverin Lüthi, capitaine de l’équipe nationale suisse, Roger décide donc de remettre le couvert une fois de plus.

 

Ce qu’il va se passer : Orgueilleux comme tous les champions, Roger Federer n’aime rien tant que donner tort à ses détracteurs. Il traverse le premier semestre comme un fantôme. Aussi, quand à la surprise générale, il remporte Wimbledon devant Milos Raonic au mois de juillet, le vernis de communication craque. Remonté, le Suisse écrase le politiquement correct sous le poids de son huitième trophée londonien et clame : « J’ai remis l’église au centre du village. Wimbledon, c’est moi ! » Et de sortir la sulfateuse dans son discours : Nadal et Djokovic ? « Si l’ATP ne leur avait pas facilité la tâche en ralentissant délibérément les conditions de jeu il y a dix ans, ils n’auraient pas connu la moitié de leurs accomplissements. » Les légendes du tennis ? Oser le comparer au tennis en noir et blanc, raquettes en bois et surfaces limitées au gazon et à la terre… ridicule. Quant à la presse, rien d’autre que des suiveurs prompts à brûler ce qu’ils ont adoré, et vice-versa. Et Federer, poing levé, d’annoncer dans la foulée qu’il prend sa retraite, prophétisant un sombre avenir à la planète tennis, privée de son astre éblouissant.

 

Par Guillaume Willecoq

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