Cornet fait ses adieux : « Merci à vous (le public) pour tout cet amour que vous m’avez donné »

28 mai 2024 à 19:29:34 | par Mathieu Canac

Si elle doit encore jouer en double dames avec Finoa Ferro et en mixte avec Nicolas Mahut, Alizé Cornet, battue 6-2, 6-1 par Zheng Qinwen, a fait ses adieux à sa carrière de simple ce mardi. Sur la terre battue de Roland-Garros, où le public l'avait découverte pour ses débuts sur le circuit principal, en 2005, à 15 ans.

« Le public de Roland-Garros n’est pas facile. Il peut vous donner énormément. Ça tombe bien, je donne beaucoup de ma personne sur le court, je me bats, je m’exprime. J’ai souvent eu beaucoup de soutien en retour. Mais il est aussi toujours prêt à sauter sur une occasion pour montrer son mécontentement. C’est un public qui peut vous donner beaucoup mais aussi vous faire sentir très seule. »

En amont de Roland-Garros 2024, scène de sa dernière danse en tant que joueuse de tennis professionnelle, Alizé Cornet avait eu droit à une question à propos de sa relation avec le public du tournoi. Deux ans plus tôt, elle y avait vécu l’un des moments les plus émotionnellement douloureux de sa carrière. Après l’avoir portée avec vigueur pour vaincre Jeļena Ostapenko en trois sets, deux jours plus tard, au troisième tour, le public accompagnait sa sortie du court de sifflets et huées. Frappée par une déchirure aux adducteurs, la native de Nice venait d’abandonner à 6-0, 3-0 contre Zheng Qinwen. 

« Ça (les sifflets) m’a même fait presque plus de mal que la blessure, s’était-elle ensuite exprimée, gorge serrée, en conférence de presse. Franchement, c’est abusé. Quand on voit tout ce que je donne sur le terrain depuis toutes ces années, à quel point ça me tient à cœur… La plupart des gens sont peut-être tristes pour moi et comprennent ce qui m'arrive, mais cette poignée de crétins (qui l’a sifflée), ça fait mal au cœur. » Clin d’œil du destin, mardi 28 mai 2024, pour son 1002e et ultime match sur le circuit principal, la native de Nice a retrouvé la même adversaire que lors de cette sale expérience. Mais cette fois, pas de haine ; que de l’amour.

Certes, le scénario à sens unique n’a pas permis aux tribunes du Philippe-Chatrier de s’enflammer. Mais le stade a répondu présent pour soutenir sa joueuse. Chaleureusement applaudie à son entrée, elle a pu entendre des « ALIZÉ (clap, clap, clap) ! ALIZÉ (clap, clap, clap) ! » dès l’échauffement. Puis, que ce soit pour être célébrée en arrachant de beaux points ou pour être soutenue dans les moments difficiles, elle a sans cesse pu compter sur des fans prêts à l’aider, à lui apporter un supplément d’énergie. Et, si Zheng, 8e joueuse mondiale et finaliste de l’Open d’Australie, a été bien trop solide, Cornet a montré un état d’esprit à la hauteur de sa carrière.

Cornet, chaleureusement soutenue par le public pour sa dernière 

Oui, évidemment, elle s’est laissée aller à quelques algarades envers son équipe. Un de ses classiques, qu’elle aurait aimé gérer différemment au cours de son aventure dans le tennis : « J’aurais pu mieux faire certaines choses, avec une meilleure gestion des émotions il y a quelques matchs que j’aurais pu remporter », avait-elle confié sur Canal+ en annonçant sa future retraite. Parce qu’au fond, les scènes de drama, les colères envers ses entraîneurs, ce n’était qu’une soupape trouvée par son psychisme alors que le court peut être une vraie plaque de cuisson capable de transformer l’être le plus doux en cocotte-minute prête à exploser. A fortiori en situation de défaite, lorsqu'on est animé d'une volonté de gagner aussi dévorante que celle de Cornet;

Compétitrice fait d’un bois se mariant à merveille avec le feu de sa passion pour son sport, celle qui a vaincu trois fois Serena Williams - pour quatre défaites - s’est toujours battue comme une acharnée jusqu’au dernier point. Jusqu’à s’en brûler les jambes. Jusqu’à s’en écrouler de fatigue. Jusqu’à devoir quitter un stade en fauteuil roulant. Ce mardi encore, elle a été à la hauteur de cet état d’esprit. En se battant comme une acharnée du début à la fin. À l’image des trois balles de match sauvées au courage avant de finalement s’incliner sur la quatrième, 6-2, 6-1. « Ce qui m’a traversé l’esprit quand j’ai perdu la balle de match ? Je me suis dit : j’ai perdu, ça me saoule », a-t-elle plaisanté devant les journalistes.

L’instant d’après, se dirigeant vers le filet pour sa dernière poignée de main, son visage s’est illuminé d’un sourire radieux. Puis, quelques minutes plus tard, ses yeux se sont embués. Le temps de retenir quelques larmes, avant de les laisser définitivement couler lors de la cérémonie organisée en son honneur, en voyant la vidéo retraçant sa carrière. Et ce fut ensuite à son tour de mettre des glandes lacrymales à rude épreuve. Celles de ses proches, surtout, au moment de son discours d’adieux très réussi. « J’étais déjà en larmes hier après le match de Rafa (Nadal, son joueur favori), rebelote aujourd’hui, a-t-elle déclaré micro en main. C’est une sacrée page qui se tourne, de 20 ans de tennis professionnel, et de 30 de vie puisque j’ai commencé le tennis à 4 ans. »

« Il (Pierre Arfi, son compagnon) a eu la lourde tâche de m’entraîner au cours des huit derniers mois, et vous voyez, il a survécu (sourire) »

« Je vais devoir laisser tout ça derrière moi et entamer un nouveau chapitre de ma vie, c’est effrayant en un sens. Surtout que j’ai eu une chance inouïe de vivre cette vie (de joueuse de tennis professionnelle). J’ai tout donné à mon sport. (...) Rien n’aurait été possible sans ma famille et mes amis. Papa, maman ; si on avait su quand on a débarqué ici en 2005, quand j’avais 15 ans, que 20 Roland-Garros après on serait encore là… Qui l’aurait cru (sourire) ? Merci d’avoir toujours été là, dès le début, dès mes premiers pas », a-t-elle continué avant d’être stoppée quelques secondes par le trop-plein d’émotions, et de reprendre en maniant l’humour par l’auto-dérision.

« Je voudrais faire une mention spéciale à mon compagnon, Pierre (Arfi, qui est aussi coach) qui est là, au premier rang, a-t-elle ajouté. Il a eu la lourde tâche de m’entraîner au cours des huit derniers mois, et vous voyez, il a survécu (sourire). Ce n’était pas évident, c’était une période très difficile pour moi parce que je savais que j’allais arrêter, et il a été là, à mes côtés, fort comme un roc à me soutenir avec son expertise, sa patience, ses conseils. Je savais que tu étais une personne incroyable, maintenant je sais que tu es aussi un coach incroyable. » 

Enfin, pour son 72e et dernier tournoi du Grand Chelem - le 69e sans en manquer un seul, un record hommes et femmes confondus -, 19 ans après le premier à 15 printemps, Alizé Cornet, 34 balais, a remercié un autre acteur majeur de son histoire. « Et puis merci à vous (le public), parce ce que ce qui m’a tenue pendant toutes ces années, c’est cet amour reçu de votre part. J’avais vraiment cette envie de tout vous donner, de faire le spectacle. Les émotions incroyables que vous m’avez procurées ; c’est dur de se dire que je ne les aurai plus, même si j’espère les vivre d’une autre manière. »

Comme dans toutes les histoires d’amour, celle d’Alizé Cornet avec le public de Roland-Garros a eu ses hauts et ses bas. La nouvelle retraitée, parce que c’est dans sa mentalité, a choisi de ne retenir que les bons moments, qui ont été bien plus nombreux que les mauvais.

 

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