Vous en conviendrez, s’équiper d’une nouvelle main n’est pas facile. D’autant plus que ça implique qu’il faille en perdre une. Ce qui doit faire mal, même quand on a « beau être matinal », comme dirait Didier Bourdon dans une parodie de Télématin. En revanche, il est possible de changer son « extension ». Au tennis. Parce que, dans ce sport, il est coutume de dire que la raquette est le prolongement de la main. Du moins pour les très bons joueurs. Pour ceux d’un niveau plus « champêtre », c’est parfois davantage un poids supplémentaire qui encombre les mouvements, telle une enclume à cordes. Ce qui n’est pas le cas d’Andy Murray.
Présent à Bordeaux pour le tournoi Challenger BNP Paribas Primrose cette semaine, l’Écossais a fait l’actualité. Lors d’entraînements en amont de son entrée en lice mercredi, il est apparu avec une raquette Yonex. Lui qui, depuis ses débuts sur le circuit principal, avait toujours été chez Head. Des images qui ont fait le tour des réseaux sociaux. Et, s’il est courant que certains joueurs changent de marque en gardant en réalité leur ancien instrument maquillé avec le paintjob de leur nouveau sponsor, Murray n’est pas dans cette situation. Son équipe l’a confirmé au journaliste britannique Simon Cambers.
Pour ses dernières scènes, Murray ne veut pas se contenter de faire de la figuration
L’ancien numéro 1 mondial compte utiliser ce nouvel outil sur la terre battue girondine, et potentiellement au-delà. Le but recherché serait de bénéficier d’un sweet spot - la zone de contact entre la balle et le cordage qui offre le meilleur rendement, pour les profanes - agrandi, et d’un peu plus de puissance. Ce qui montre qu’à 36 ans le natif de Glasgow continue à étudier toutes les pistes pour s’améliorer. Une volonté admirable alors que son palmarès brille déjà de tous les plus beaux trophées, qu’il n’a plus rien à prouver et pourrait se contenter de vivre ses derniers tournois comme une tournée d’adieux, pour les émotions à partager avec le public.
Car, oui, « Sir Andy », est proche de la retraite. « Je ne jouerai probablement pas au-delà de cet été, avait-il déclaré fin février, en conférence de presse après sa défaite contre Ugo Humbert à Dubaï. On me parle de ça (la retraite) après chaque match, je suis lasse de cette question. Je n’y répondrai plus entre maintenant et le moment où j’arrêterai. » Sauf nouvelle blessure, le triple vainqueur en Grand Chelem - US Open 2012, Wimbledon 2013 et 2016 - va disputer, comme évènements importants, Roland-Garros, Wimbledon, et les Jeux olympiques où il a déjà glané deux médailles d’or en simple. C’est d’ailleurs, sans doute, dans l’optique de la préparation des J.O. qu’il va s’aligner également en double à RG au printemps avec son compatriote Dan Evans.
Tout ça, potentiellement, avec une nouvelle raquette. Même si tester un instrument en cours de saison est rarement une mince affaire. En 2013, suite à sa défaite surprise au deuxième tour de Wimbledon contre Sergiy Stakhovsky - nécromancien ressuscitant le service-volée quasi-systématique -, Roger Federer, à l’aube de ses 32 ans, avait choisi d’essayer un plus grand tamis, de 626 cm² contre 580 cm² auparavant. Après un revers en demi-finale à Hambourg contre Federico Delbonis, alors 114e mondial, puis un autre d’entrée contre Daniel Brands, 55e, à Gstaad, il avait rangé ce cadre au placard. Pour le ressortir pendant l’intersaison, et l’adopter définitivement.
Wimbledon et le double des J.O. comme objectifs principaux (a priori)
Un choix salutaire - pour compenser le petit jeu de jambes légèrement moins vif entraînant des erreurs de centrage à la frappe - davantage en phase avec son âge et un tennis moderne de plus en plus puissant, qui a contribué à lui permettre de soulever trois trophées de plus en Majeur et jouer quatre autres finales. Une décision que n'avait pas su prendre Pete Sampras, fidèle jusqu’au bout à sa Pro Staff de 548 cm². « J’étais fermé d’esprit, je pensais que c’était la seule raquette avec laquelle je pouvais jouer, a déclaré, lors d’une exhibition en 2010, celui qui a joué son dernier match professionnel - la finale, gagnée, de l'US Open 2002 - à 31 ans. Je me rappelle en avoir discuté avec de nombreux joueurs, et j’étais totalement contre. Avec du recul, c’est une question sur laquelle j’aurais aimé être plus ouvert. »
« Pete (Sampras) a toujours dit qu’il aurait dû changer de raquette pour passer à un plus grand tamis, a déclaré Greg Rusedski, ancien 4e du classement ATP, sur Sky Sports en 2017. Roger (Federer) a su faire ce changement, et il en avait parlé avec Pete Sampras car ils ont eu un coach en commun, Paul Annacone. » S’il y a peu de chances de voir Andy Murray s’offrir un quatrième titre du Grand Chelem, celui-ci rêve sans doute d’un beau parcours à Wimbledon et en double au J.O. Et qu’il y parvienne ou non, lors de son ultime match, pour tous ses exploits, pour sa détermination à revenir après son opération de la hanche alors que la majorité des médecins lui prédisaient une carrière définitivement foudroyée, il méritera un tonnerre d’applaudissements. Jusqu’à s’en arracher les mains.
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