« Il faut puiser très profond en soi pour trouver les ressources et les solutions, et ça rend plus fier de gagner deux matches en cinq sets de suite.» Après deux duels âpres, les premiers de sa carrière en cinq sets, face à James Duckworth puis Lorenzo Musetti - 28e mondiale, son premier succès contre un top 30 - Luca Van Assche, 19 ans, s’est hissé au troisième tour de l’Open d’Australie. Un nouveau cap pour lui en Grand Chelem, avec un match de prestige à venir contre Stéfanos Tsitsipás, vendredi. Et il n’est pas le seul membre de la Team BNP Paribas Jeunes Talents à s’illustrer à Melbourne.
Diane Parry, elle aussi, s’est qualifiée pour ce même stade de la compétition. Pour tenter de découvrir les huitièmes de finale en Majeur, elle a hérité de la prodige Mirra Andreeva, 16 ans, avec « une revanche à prendre » : elle s’était inclinée face à la Russe au deuxième tour de Roland-Garros l’an passé.
Arthur Cazaux, quant à lui, en progression constante après de multiples blessures, a ouvert son compteur en Grand Chelem. Grâce à une perf’ contre Laslo Djere, 33e mondial - son premier top 60 - pour sa première empoignade en cinq manches et s’offrir le droit de défier Holger Rune au deuxième tour, jeudi.
Dans le sillage de ces figures de proues de la Team Jeunes Talents, d’autres tracent leurs chemins avec le but, eux aussi, de briller sur les plus grands courts du monde d’ici quelques années. Comme Arthur Gea, Ksenia Chasteau et Lenny Couturier, qui ont signés des performances probantes fin 2023.
Arthur Gea
Âge : 19 ans
Classement : 464e mondial (457e le 4 décembre, meilleur classement)
Performances : un finale suivie de trois titres ITF de suite à Héraklion en novembre
En octobre 2023, Arthur Gea, fort d’une très belle saison chez les juniors avec notamment un quart de finale à l’Open d’Australie et une demi-finale à l’US Open, a joué le Masters de cette catégorie d’âge. De quoi gagner deux matchs de plus - une en poule, une pour terminer 7e - avant de boucler définitivement son parcours chez les « garçons » et se consacrer aux « messieurs », au circuit professionnel. Avec succès. Dans la foulée, en novembre, Arthur a joué sa première finale à ce niveau puis a remporté trois titres consécutifs. Tout ça à Héraklion, en Grèce, sur dur extérieur. De quoi passer de la 832e place du classement ATP à la 457e.
Une finale suivie de trois titres consécutifs, 19 victoires en 20 matchs : dans quel(s) domaine(s) penses-tu avoir le plus progressé pour atteindre ce niveau ?
Là où j’ai le plus progressé, c’est surtout physiquement, pour pouvoir enchaîner autant de matchs. C’est vraiment dans ce domaine qu’on on a vu que j’avais progressé. Mentalement, aussi, parce que j’ai réussi à rester très calme tout au long de la tournée, quelle que soit la situation.
As-tu réussi cette série de résultats en jouant ton meilleur tennis tout au long de la tournée, ou est-ce parce que tu as réussi à trouver comment gagner même quand tu n’étais pas dans un bon jour (qualité qu’on dit essentielle au tennis) ?
J’ai réussi à gagner beaucoup de matchs parce que je trouvais toujours la petite brèche, le bon moment pour faire la différence. Et, aussi, je me suis très bien adapté au vent ce qui n'était vraiment pas simple .
Quel a été ton meilleur coup tout au long de cette tournée ?
Mon meilleur coup durant la tournée a été mon service, qui m’a énormément aidé. Surtout quand j’étais fatigué, ça m’a rapporté beaucoup de points.
Lors de la deuxième finale, tu affrontes un ami (Jakub Nicod, qui a malheureusement dû abandonner) : comment gère-t-on le fait d’affronter un ami, qui plus est dans une finale ? Ça ajoute du stress, on y pense pendant le match ?
Ce n’est jamais facile de jouer contre un ami, mais une fois qu’on est sur le court on n’y pense plus. On pense juste à comment faire pour gagner.
Cette année tu as aussi pu jouer des tableaux principaux et des qualif’ de Challenger (grâce à des WC, sauf à Tunis), où tu as fait tes meilleures perf’ sur le plan du classement (Durasovic, 300e en Q1 à Tunis ; Collignon, 235e en Q1 à Pau ; Skatov, 135e au 1er tour à Blois). Ton niveau a-t-il été plus haut sur ces matchs, ou pendant ta tournée à Héraklion ?
Mon niveau a été assez constant toute l’année, mais bien sûr j’ai eu quelques pics. Comme à Blois où j’ai fait ma meilleure perf’ et où j’ai vraiment joué mon meilleur tennis. Sinon j’ai bien réussi à maintenir mon niveau tout au long de l’année, en progressant.
As-tu déjà des objectifs en tête pour 2024 ?
Mes objectifs pour 2024 sont d’essayer d’aller chercher les qualifications de l’US Open et, bien évidemment, ce serait aussi de pouvoir jouer Roland-Garros en recevant une wild card.
Ksenia Chasteau
Âge : 17 ans
Classements : 34e mondiale (33e fin novembre, meilleur classement) en tennis-fauteuil, numéro 1 juniors
Performances : trois titres dames de suite entre octobre et novembre
Certaines progressions sont fulgurantes. Celle de Ksenia Chasteau est encore plus forte. Après avoir commencé le circuit international juniors en mai 2022, elle s’est emparée du trône de cette catégorie d’âge 15 mois plus tard. Tout en se hissant parmi les meilleures de la planète chez les dames : 34e mondiale la semaine du 15 janvier, à 17 ans. Aucune joueuse ne peut se targuer d’être actuellement plus jeune et mieux classée. Grâce, entre autres, à trois titres de suite entre octobre et novembre : Montfermeil, Abingdon et le BNP Paribas International Paratennis Toulouse-Balma.
Tu as gagné l’US Open juniors en septembre, puis, peu après, trois titres de suite chez les dames entre octobre et novembre pour atteindre le 33e rang mondial (meilleur classement) à 17 ans : as-tu joué le meilleur tennis de ta jeune carrière sur cette période ?
Pour être plus précise, c’est durant l’été que j’ai ressenti un changement dans la globalité de mon jeu. Et c’est assez spécial, parce que ça survient lors d’un tournoi et j’ai eu le bon réflexe de beaucoup parler, avec mon équipe, des sensations, des ressentis que j’ai pu avoir durant ce tournoi en particulier. Tout ça m’a permis d’obtenir en effet mes plus beaux résultats par la suite.
Au premier tour de l’Open du Loiret en novembre, après tes trois titres de suite, tu bats ta première top 20 (Jinlian Huang, 18e actuellement) si je ne me trompe pas ? As-tu senti avoir franchi un cap en remportant cette victoire ?
Selon moi, j’ai passé un cap cet été, non pas suite à des victoires mais simplement un ressenti au plus profond de moi-même. La victoire en automne contre une top 20 mondiale à bien évidemment confirmé le cap que j’ai senti avoir franchi en été.
Dans ta carrière, tu as joué contre trois joueuses actuellement top 10. Une fois contre Bernal (en novembre 2022), une fois contre Mathewson (en février 2023) trois fois contre De Greef (la dernière en juillet 2023), sans pouvoir les battre pour l’instant. Que te manque-t-il selon toi, pour le moment, afin de pouvoir gagner contre des joueuses de ce niveau ?
Je crois que je peux gagner contre certaines joueuses du top 10 en travaillant ma légitimité vis à vis d’elles. Tout va très vite, en janvier 2024, ça fera seulement 3 ans depuis mon accident (Ksenia a perdu sa jambe gauche dans un accident de moto, ndlr), en ayant passé un an en hôpital. Et le parcours médical n’est pas encore terminé. J’ai très vite évolué. Le constat est là, j’ai déjà gagné plusieurs titres chez les femmes et je suis capable d’aller plus loin encore. Mais pour ça, il faut que j’intègre que suis légitime à gagner au plus haut niveau, notamment face à des top 10.
Tu as joué ton premier tournoi international en mai 2022, et te voilà déjà proche du top 30 mondial, à 17 ans. As-tu connaissance d’autres progressions aussi rapides dans le tennis-fauteuil ?
Je n’ai pas connaissances de toutes les évolutions des différents débuts de carrières des autres joueuses ou joueurs, mais je peux affirmer qu’un progression aussi rapide est rare, même si je m’en détache particulièrement. Chez les garçons, il y a Tokito Oda qui a le même âge que moi. Il est actuellement numéro 2 mondial sur le circuit masculin (il a été numéro 1 en juin et a gagné Roland-Garros et Wimbledon en 2023, ndlr). Il a évolué très rapidement, en jouant ses premiers tournois sur le circuit à 12 ans.
Étant donné ta progression fulgurante, t’es-tu fixée des objectifs élevés pour 2024 ?
Je suis ambitieuse pour l’année 2024 ; notamment être sélectionnée pour la première fois aux Jeux paralympiques.
Lenny Couturier
Âge : 15 ans
Classements : 712e mondial junior (700e le 1er janvier, meilleur classement)
Performances : vainqueur du J30 de Fujaïrah en novembre, premier titre junior, à 15 ans
En juillet 2022, en mode rouleau-compresseur à Blois, Lenny Couturier avait remporté son premier titre international U16 - après avoir joué deux finales U14 l’année précédente -, en battant Daniel Jade, nouveau membre de la Team Jeunes Talents depuis la dernière rentrée. En novembre 2023, à Fujaïrah, aux Émirats Arabes Unis, Lenny a ouvert son palmarès dans la catégorie supérieure. Chez les juniors. Un mois après avoir fêté ses 15 ans.
Qu’as-tu ressenti après la balle de match de ce premier titre chez les juniors ?
J’ai ressenti une sensation particulière parce que c’est mon premier titre depuis l’été 2022. J’ai mis du temps à gagner à nouveau un tournoi. Chaque fois, c’était demi-finale, mais pas plus. J’étais fier évidemment, mais je me suis avant tout prouvé des choses que je ne pensais pas être capable de faire. Je suis passé par des moments assez durs pendant cette année, mais je me suis accroché et ça a été pour moi comme une récompense de tout ça !
Un titre junior, ça faisait partie de tes objectifs dès cette année, ou es-tu en avance sur tes espérances ?
Oui, ça faisait partie de mes espérances cette année (2023), mais je trouve qu’il est arrivé un peu tard. Mais il est arrivé donc c’est positif ! J’avais eu d’autres occasions bien avant (demi-finales à Honfleur en octobre et à Colomiers en mars, à Saint-Paul en octobre 2022, ndlr) que je ne n’ai pas su concrétiser, pour faire mieux en y parvenant plus tôt. Je ne suis pas en avance et je ne suis pas en retard, mais cette année j’ai compris certaines choses qui sont venues un peu tard. Mais elles sont venues et sont désormais ancrées dans ma tête. Ces choses-là pouvaient, dans le passé, entrer par une oreille et sortir par l’autre.
Quelles sont ces chose que tu as comprises ?
«Les choses dont je parle, c’est le fait de jouer à l’entraînement comme je joue en match, de jouer pour progresser, d'arrêter de me focaliser essentiellement sur le score du match, et aussi de la manière dont je m’entraîne. Ça me permet de me sentir mieux, je donne de plus en plus de sens à l'entraînement, qu’il soit physique ou tennis, parce que tout passe par l’entraînement.
Tu es de 2008, et tu bats notamment trois joueurs de 2006 sur ta route à Fujaïrah. À une époque où la puissance est de plus en plus importante dans le tennis, te décrirais-tu comme un joueur malin sur le court pour battre des joueurs plus matures physiquement ?
Je ne sais pas trop, mais ce qui est sûr, c’est que j’utilise toutes les choses que je sais faire et que je travaille pour pouvoir battre des joueurs plus puissants et plus grands que moi. Il faut arriver, en tout cas, à être, à un moment, évidemment plus malin qu’eux dans le jeu et ne pas rentrer dans ce combat de puissance.
Lors de nos dernières questions en fin de saison dernière, tu nous avais expliqué avoir surtout progressé dans « la rigueur et l’investissement sur le court, la stabilité émotionnelle et la prise de confiance en [t]on jeu et [t]es coups ». Quel bilan fais-tu de ta progression sur l’année 2023 ?
Le bilan est positif et les choses vont dans le bon sens, mais pas assez vite à mon goût. En tout cas, j’aimerais que ça aille plus vite. Tout cela part de moi et comme je le disais avant, sur les derniers mois, j’ai compris certaines choses que je n’accumulais pas avant, et qui m’ont fait encore plus de bien dans la façon de m’entraîner, sur les petits détails d’un joueur de haut niveau. Je pense que c’est ce qui m’a permis d’aller chercher ce premier titre chez les juniors. Je trouve que je progresse plus vite depuis septembre, et j’espère que ça va continuer dans ce sens pour 2024.
Lors de la rentrée 2022/2023, tu as fait ton entrée au CNE de Poitiers, en quittant le foyer familial. Après un peu plus d’un an maintenant, comment s’est passée ton adaptation, la vie loin des proches ?
Mon adaptation a pris, je dirais, à peu près, 3 mois. Au début ce n’était pas évident car c’était un gros changement, mais ça m’a permis de me retrouver seul, en autonomie et de bien prendre mon projet en main même si, évidemment, les coachs étaient aussi là et sont top ! Ça a été un choix pas évident, mais je pense que c’était la meilleure option pour moi et pour mon projet. Aujourd’hui, je me sens très bien à Poitiers et dès que je peux rentrer, je rentre. Parce que la famille, c’est important pour moi !
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