Il fallait remonter à Varsovie en juillet dernier pour trouver la trace d’une victoire en tournoi d'Iga Swiatek. Pour la grande majorité des joueuses, deux mois et demi sans gagner un tournoi est tout sauf catastrophique. Au contraire, si une joueuse gagnait un tournoi tous les soixante-quinze jours, elle serait ravie. Mais là, il ne s’agit pas de n’importe quelle joueuse, car c’est bien d’Iga Swiatek dont on parle. Et pour la numéro deux mondiale, deux mois et demi sans le moindre titre, c’est une éternité.
Et c’est d’autant plus une éternité que, sur cette période, il y a eu des moments de défaites importants, notamment en quart de finale à Wimbledon face à Elina Svitolina et, surtout, en huitième de finale à l’US Open, où elle était tenante du titre, face à Jelena Ostapenko. C’est le problème d’être très forte. On oublie ce que c’est de perdre et la défaite devient encore plus violente qu’elle ne l’est déjà pour cette catégorie de personnes qui en ont une haine profonde, et pour qui perdre est définitivement la pire des choses.
« j’aime les chiffres et les records »
Rappelons tout de même qu’au tennis, on perd chaque semaine. Bien que ce soit douloureux, on s’y habitue donc un peu. Sauf lorsqu’on domine le circuit et qu’en entrant dans un tournoi, on s’attend à en repartir avec le trophée du vainqueur. Evidemment que toute autre place est équivalente à un échec pour ces gens-là. C’est pourquoi renouer avec le doux goût de la victoire a été pour Swiatek un réel soulagement.
Néanmoins, cette explication n’est, à mon goût, pas suffisante pour justifier des larmes après à une victoire dans un vulgaire WTA 1000 (attention, je préviens toute personne un peu mal lunée ou à fleur de peau que lorsque je parle de « vulgaire WTA 1000 », il s’agit de sarcasme). En effet, durant cette « traversée du désert », il s’est passé un fait lourd de signification pour la Polonaise et qui amplifie la douleur subie pendant toute cette période de disette. Début avril 2022, Iga Swiatek devient numéro une mondiale. Cette place, elle ne l’a ensuite plus jamais lâchée jusqu’au dernier US Open durant lequel elle se l’est fait chiper par Aryna Sabalenka. Cette perte du trône a été douloureuse pour Swiatek. Suite à cette « descente aux enfers » jusqu’à la deuxième place, Iga a admis qu’elle était triste d’abandonner le sommet de la hiérarchie mondiale du tennis féminin : « Je sais que je ne dois pas me focaliser sur les chiffres et me concentrer sur les tournois comme le font Roger, Novak ou Rafa. Mais le problème est que j’aime les chiffres et les records. ».
La perte de cette place si convoitée était finalement peut-être un mal pour un bien. C’est en tout cas ce que pense Mats Wilander, qui va jusqu’à dire que « perdre la place de numéro 1 est la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Elle va désormais pouvoir se concentrer sur autre chose que défendre des points. Elle va pouvoir travailler son jeu de manière à trouver des solutions face aux grandes frappeuses, comme Sabalenka ou Rybakina ».
« capable de jouer librement, une sensation que je n’avais pas ressentie depuis longtemps »
Et il semble qu’en effet quelque chose a changé chez Iga Swiatek suite à sa défaite à l’US Open. Peut-être que ce match perdu face à Ostapenko lui a permis de se rappeler qu’elle était dans une situation privilégiée et que plutôt que d’en souffrir comme elle en donnait l’impression à chaque fois qu’elle parlait ou jouait, il fallait se concentrer sur du positif. Il est essentiel de savourer, de profiter et de savoir reconnaître que votre vie est incroyable, plutôt que de vivre dans la peur et la crainte permanente de la défaite.
Après avoir battu Coco Gauff en demi-finale à Pékin, la Polonaise a admis que, pour la première fois depuis longtemps, elle avait été « capable de jouer librement, une sensation que je n’avais pas ressentie depuis longtemps ».
Iga Swiatek a donc retrouvé le chemin de la victoire et est clairement passée par une remise en question. Maintenant, il s’agit de ne pas retomber dans ses travers. Pour cela, il faut continuer à profiter et à montrer ses émotions sur le court. Je me permets deux conseils :
- Se débarrasser de la casquette, ce qui permettrait aux gens de voir ses yeux et donc son émotion.
- Arrêter de rentrer sur le court avec un casque vissé sur la tête, se coupant ainsi du public qui l’acclame.
Iga Świątek n'a que vingt-deux ans. Il lui reste potentiellement une quinzaine d’années à jouer, et pourquoi pas, à dominer. Mais surtout à savourer, alors régale-toi Iga.