Ereinté par les blessures, David Nalbandian a mis la semaine dernière, à 31 ans, un terme à sa carrière professionnelle. Pour le plaisir, il disputera deux matchs d’exhibition contre Rafael Nadal fin novembre. En attendant, retour sur le parcours d’un des meilleurs joueurs de la décennie, entre courses de rallye et parties à pêche.
1/ Sa date de naissance falsifiée ?
Unquillo. C’est dans cette petite ville du nord de l’Argentine, connue pour sa grande biodiversité et ses reliefs montagneux, que David Nalbandian est né en 1982. Un 1er janvier. « Avec ma naissance, j’ai empêché ma famille de faire la fête cette année-là », s’amuse-t-il plus tard lors d’une conférence de presse. Malheureusement, depuis des lustres, l’exactitude de son année de naissance fait débat auprès de certains journalistes sud-américains. Une rumeur tenace : Nalbandian aurait en fait un an de plus que ce qu'affiche sa fiche ATP. Une fiche de renseignements trafiquée durant ses jeunes années afin qu'il puisse augmenter ses chances de succès dans les catégories juniors. Oui, être bien classé chez les jeunes était un enjeu majeur à une époque où les difficultés économiques commençaient à frapper le pays. Surtout pour ses oncles et ses cousins qui travaillaient d’arrache-pied pour lui financer ses voyages et payer les frais lors des tournois. #effetsdelacrise
2/ « Onnous regardait comme des extraterrestres »
Dans la famille Nalbandian, le papa est d’origine arménienne, la maman italienne et les trois garçons sont nés en Argentine. Le grand-père paternel a fui l’Europe pour Buenos Aires peu avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. D’ailleurs, c’est ce dernier, avec l’aide de quelques amis, qui a construit de ses mains le terrain de tennis de Cordoba sur lequel David a commencé à taper la balle. Un terrain… en béton cimenté ! « On avait l’impression de jouer dans une décharge automobile, confesse David, qui s’entrainera ici toute son adolescence. Dans un pays où la terre battue est reine, les gens nous regardaient comme des extraterrestres. » Une espèce étrange qui a toujours préféré les coups de butoir des cogneurs sur herbe aux glissades ocres de ses illustres compatriotes à Roland Garros. Question d’éducation : « À la maison, nous regardions beaucoup de tennis. Tout gosse, j'ai été ébloui par les prestations de Becker à Wimbledon. Ce mec avait un tel caractère, il sautait partout, il plongeait... Depuis, je rêve de remporter ce tournoi. »
3/ Disqualification à Wimbledon
Un rêve à moitié exaucé, lorsqu’il se présente en finale de Wimbledon face à Lleyton Hewitt en 2002. Cette année-là, Nalbandian est encore invaincu sur herbe. En effet, lors de sa seule participation londonienne chez les juniors trois ans plus tôt, l’Argentin s’impose en double, tandis qu’en simple, il est disqualifié en demi-finale… pour s’être présenté en retard sur le court ! À sa décharge, les organisateurs du tournoi ont modifié l’horaire de la rencontre au dernier moment. « S’il le faut, je dormirais en tribunes, jure-t-il alors au Guardian, avant sa finale de 2002. Tout de suite après l’annonce de ma disqualification, j’échangeais des mails avec mes amis en Argentine alors que je devais être en train de jouer. Un grand moment de solitude. »
4/ Pluie, télévision et Nicolas Lapentti
« Une finale sur gazon, ça ne se joue pas… ça se gagne », assure-t-il avant ce match face à Lleyton Hewitt. Seulement voilà, il s’incline sèchement en trois petits sets, lui qui s’est pourtant entrainé au club de cricket de Buenos Aires (où on lui a tracé sur le gazon des lignes de court de tennis) quelques semaines plus tôt. Au pays, ses proches ont d’ailleurs beaucoup de mal à suivre ses exploits. Lors de son quart de finale face à Nicolas Lapentti, et puisqu’aucun match n’est diffusé en direct, un voisin de la famille est contraint de sortir sa télévision en pleine rue pour que tout le quartier suive le parcours de l’enfant prodigue : « Tout le monde regardait mon match, lorsque une averse est tombée, explique-t-il dans The Observer. La pluie a électrocuté la télévision et personne n’a vu mon dernier set. Apparemment, ma mère était tellement sur les nerfs qu’elle aurait pu tuer quelqu’un ! »
5/ Il blesse un arbitre (involontairement ?)
« Le pire moment de ma carrière ». Le 17 juin 2012, David Nalbandian est disqualifié de la finale sur gazon du Queen’s qui l’oppose au Croate Marin Cilic pour avoir donné un coup de pied de rage dans le coffre de la chaise d’un juge de ligne. En colère après avoir perdu son service, la protection basse de la chaise vole en éclats, et entaille la jambe de l’arbitre. La police anglaise, sous l’impulsion de quelques dirigeants ATP, juge alors nécessaire d’ouvrir une enquête pour « agression » et « conduite antisportive ». Et inflige une amende de 9 500 euros à l’accusé, qui contre-attaque quelques semaines plus tard : « C’était un acte involontaire, je me suis excusé. Que puis-je faire de plus humiliant encore ? »
6/ « Il n’y a pas beaucoup de requins en Argentine »
Pêche, golf, équitation, plongée et même des courses de rallye. S’il voue une affection certaine pour Dame Nature et les sports en plein air, David Nalbandian aime tout autant le bruit des moteurs qui vrombissent. En 2007, il pousse le vice des pneus en gomme jusqu’à monter une écurie de rallye avec son ami pilote Marcos Ligato : la Tango Rally Team. L'équipe concoure en championnat du monde WRC, catégorie voitures de production. Mieux, Nalbandian participe lui-même occasionnellement à des compétitions de moindre niveau. Un hobby dangereux ? Alors que dire de ce mois de janvier 2002 où en marge de l’Open d’Australie, l’Argentin ne trouve rien de mieux à faire que d’organiser une nage au milieu d’un banc de requins. Des gros, apparemment : « J’aime les voitures mais plus encore les requins. Alors peut-être qu’après ma carrière, j’étudierai la biologie marine, ou quelque chose dans le genre. J’ai pas mal de livres sur le sujet. Mais bon, il n’y a pas beaucoup de requins en Argentine… »
7/ Les trois premiers mondiaux out
L’une des performances les plus anecdotiques de sa carrière. À Madrid en 2007, Nalbandian entre dans le cercle très fermé des trois seuls joueurs de l’histoire à avoir réussi l’exploit de battre les n°1, n°2 et n°3 mondiaux, les uns après les autres, lors du même tournoi. Boris Becker signe cet exploit en premier à Stockholm en 1994, puis Djokovic l’imite à Montréal en 2007.
8/ « J’avais déjà sorti les cannes à pêche »
Mi-novembre 2005. À quelques jours des Masters de Shangai, tournoi réunissant les huit meilleurs joueurs du monde, rien ne va plus : Lleyton Hewitt est sur le point d’être papa, Andy Roddick souffre du dos et Marat Safin doit se faire opérer, tandis que Nadal est blessé au pied. Les organisateurs du tournoi sont en pénurie de bonnes raquettes alors ils appellent des remplaçants. Et devinez quoi ? « Je n’imaginais pas qu’il puisse y avoir autant de forfaits pour qu’on m’appelle, j’avais déjà sorti les cannes à pêche… », confesse le géant blond en vacances en Argentine. En urgence, il se coltine trois vols et deux transferts pour rallier la mégalopole chinoise. Résultat : David signe la plus belle victoire de sa carrière, en domptant Roger Federer en finale, et récolte au passage un chèque de 1,4 millions de dollars et une Mercedes CLK 250. Well done!
9/ « La Coupe Davis par BNP Paribas dans le sang »
Physique fragile, émotivité, manque de conviction ou de confiance en soi. Autant de raisons pour expliquer pourquoi David Nalbandian n’a jamais remporté un seul tournoi du Grand Chelem. Au jeu des hypothèses, lui préfère évoquer l’excuse du « duo d’exception comme Roger Federer et Rafael Nadal qui a freiné l’ascension de beaucoup de bons joueurs comme moi. » Pourtant, c’est doté d’un tempérament fort qu’il se fâche en 2008 en Coupe Davis par BNP Paribas avec Juan Martín del Potro, occasionnant le départ de ce dernier de la sélection. Cette année-là, en finale face aux Espagnols, il reçoit une même amende de 7 500 euros pour son refus de comparaître en conférence de presse après une ultime défaite en double. « J’ai la Coupe Davis par BNP Paribas dans le sang. Cela a toujours été ma plus terrible obsession. »
10/ « En fait je suis un peu fou »
Vous l’aurez compris, David aime les sensations fortes. Plus aérienne cette fois-ci, il expérimente en 2004 le saut à l’élastique du haut de la tour du Danube, à Vienne, lors du premier jour de repos que lui permet son bon parcours au tournoi ATP local. Hauteur de la manœuvre ? 152 mètres, soit la tour la plus haute du vieux continent. Le lendemain matin, il se qualifie sans entrave pour le tour suivant. Comme si de rien n’était. « C’était incroyable, explique-t-il dans une émission sur ESPN. J'ai toujours pensé que j’avais un côté sauvage, mais en fait je suis un peu fou. Et j’aime plutôt ça. »