De New-Delhi à l’ambassade d’Australie à Paris, il y a partout dans le monde des courts sur herbe mais presque plus de tournois. Heureusement, quelques irréductibles résistent comme à Newport en Nouvelle-Angleterre. Une terre historique du tennis américain qui joue chaque année les prolongations de la saison sur gazon…
Après la victoire historique de Roger Federer à Wimbledon de cette année, retour à l’ordinaire du circuit, perturbé par les Jeux olympiques de Londres à la fin du mois. D’habitude, pour l’élite du circuit, cette période est propice aux vacances, au retour aux sources. Nadal revient en général à Manacor. Djokovic opte pour la Serbie ou des villégiatures festives. Federer transite vers Dubaï ou quelques destinations inconnues. Quant à Murray, il migre vers des latitudes plus estivales. D’autres, en quête de points ATP, optent pour un retour sur terre battue : Stuttgart, Umag, Bastad, Gstaad… Enfin, il y a ceux qui n’ont pas eu assez de gazon et qui reviennent en cinquième semaine. De l’autre côté de l’Atlantique, à Newport, dans le Rhode Island, le plus petit Etat américain, pour une des épreuves les plus improbables de l’année.
Une épreuve située au bout de la saison sur vert, au lendemain de Wimbledon. Depuis 1976, date à laquelle elle appartenait au Grand Prix, c’est une des premières tentatives pour réguler le circuit au début de l’ère Open. La tradition, tout ça. C’est aussi un tournoi qui raconte les fondations du tennis américain. L’influence anglaise sur cette terre du Nord-Ouest, de la surface jusqu’à ces petites bicoques qui évoquent furieusement le Queen’s, Nottingham ou Eastbourne. C’est aussi là, sur l’herbe légendaire de Newport, qu’ont eu lieu les premiers Internationaux des Etats-Unis en…1881. Pendant trente-quatre ans, avant de déménager en 1915 à Forest Hills, dans la banlieue new-yorkaise. D’ailleurs, jusqu’en 1974, l’herbe était la surface de l’US Open. Avant que la terre battue verte puis le decoturf ne prennent le pas…
La malédiction du casino de Newport
Préserver Newport, c’est donc assurer le maintien d’une tradition plus que centenaire. Les dates de ce tournoi paraissent presque déplacées, un peu comme des examens en juillet. Mais on ne transige pas avec le berceau de la petite balle jaune. Chaque année, en parallèle de l’épreuve, on célèbre les nouveaux récipiendaires du Hall of Fame. D’où son nom officiel : Campbell‘s Hall of Fame Tennis Championships, et sa présence : une sorte d’extension de la saison du vert, hors du temps et de l’espace. Un tableau de trente-deux joueurs seulement, un tournoi 250 doté de 398 250 dollars avec un palmarès à la hauteur de sa singularité. L’Indien Vijay Amritraj, un des meilleurs joueurs du monde sur herbe dans les 70’s, l’a emporté trois fois (1976, 80, 84) tout comme l’Anglo-Canadien Greg Rusedski (1993, 2004, 05). Longtemps, on parlait de malédiction du casino, où se tient le Mur des célébrités tennistiques, à propos des lauréats de Newport. Heureusement, ces dernières années, Philippoussis (2006), Fish (2010) et Isner (2011) ont donné quelque lustre à l’épreuve qui se plaît à cultiver un charme suranné venu de la campagne anglaise.
Newport demeure donc une exception dans tous les sens du terme, un peu comme l’omniprésence du blanc chez les joueurs qui foulent les courts du All England Lawn Tennis and Croquet Club à Wimbledon. Une incongruité dans le monde 2.0 mais une manière de bonheur pour les puristes. On ne peut le rayer de la carte (tradition, berceau), ni le déplacer (avant Wimbledon, impossible)… Mieux : d’une certaine façon, il inaugure la période américaine du circuit qui commence à Los Angeles et Memphis et s’achève à l’US Open, en passant par les deux Masters Series nord-américains, Toronto (ou Montréal) et Cincinnati. Et cette année, il peut même contribuer à préparer ses participants aux J.O qui auront lieu sur herbe… Cette semaine, outre Gustavo Kuerten, Jennifer Capriati, Randy Snow et Manuel Orantes, la star espagnole des 70’s, qui intègreront le Panthéon du tennis, on verra aussi à l’œuvre Isner, Nishikori, Raonic, Hewitt, Istomin, Tomic, Rochus… La perspective du tournoi olympique à la fin du mois aura boosté la participation. En tout, ce sont quatorze tennismen qui sont engagés en simple sur les Jeux, sans compter les doubles. Inespéré. De quoi redonner du souffle à une épreuve et à un lieu à l’origine d’innombrables vocations depuis plus d’un siècle. Autre temps, autre façon de faire mais toujours le même esprit…
Par Rico Rizzitelli