Nadal éliminé au premier tour et Federer au deuxième… Niveau surprises, ce Wimbledon 2013 a d’ores et déjà frappé très fort. Mais ça n’a rien d’une première dans l’histoire de l’institution londonienne : habitué à s’offrir aux plus grands, le tournoi ne fait pourtant pas dans la demi-mesure quand il décide de sourire aux outsiders. Histoires.
1973 : C’est la lutte finale
Ouvert depuis 1968 aux professionnels, le tennis se syndicalise. Afin de montrer leur solidarité envers Niki Pilic, suspendu suite à un refus de jouer en Coupe Davis par BNP Paribas, plus de 80 joueurs décident de boycotter ce Wimbledon 1973. Et non des moindres : Stan Smith, tenant du titre, John Newcombe, triple vainqueur, Arthur Ashe ou encore Ken Rosewall. Parmi les vedettes de l’époque, seuls Nastase et Jan Kodes font le déplacement. Si le Roumain n’en profite guère, Kodes, lui, tire parfaitement profit de la situation : plutôt réputé pour ses qualités de terrien – il a remporté deux fois Roland-Garros – le Tchécoslovaque bat un lucky loser en quarts, Roger Taylor en demies, avant de prendre le meilleur en finale sur Alexander Metreveli, premier Soviétique à disputer une finale majeure. A défaut d’être solidaire, Kodes a bien fait d’être opportuniste.
1983 : Chris Lewis ne perd jamais (ou presque)
Dans la famille des finalistes surprises de Wimbledon, Chris Lewis préside en bout de table. Bien qu’ancien lauréat de l’épreuve chez les juniors, c’est à la surprise générale que le Néo-Zélandais, 91e mondial, est de la partie le dernier dimanche en cette année 1983. Pionnier sur le plan du matériel (chaussures à picots et raquette surdimensionnée), il profite aussi à plein d’un tableau où les outsiders synchronisent leurs montres pour mieux préparer la colossale surprise : tandis que Lewis se charge d’entrée de Steve Denton (n°9), le Nigérian Nduka Odizor s’occupe du vieillissant Guillermo Vilas (n°4) et surtout le bombardier sud-africain Kevin Curren sort dès les huitièmes le tenant du titre et n°1 mondial Jimmy Connors. Et comme Curren a la mauvaise habitude de ne jamais profiter des opportunités qu’il se crée (voir plus bas), il laisse de bon cœur Lewis se faire laminer par un John McEnroe aérien en finale. Aucun problème : l’aventure était belle.
1991 : Le one-man-Stich
Unique. Michael Stich n’a triomphé qu’à une seule reprise en Grand Chelem. Mais il y a mis la manière. En 1991, l’échassier allemand, révélé au public – et à lui-même – grâce à une demi-finale à Roland-Garros, réalise un parcours de feu à Wimbledon. Encore 42e mondial en janvier, le talentueux Allemand se permet d’éliminer en enfilade le n°4 mondial Jim Courier, récent vainqueur de Roland-Garros, le n°1 Stefan Edberg, tenant du titre, et en finale le n°2 Boris Becker, triple vainqueur du tournoi. Sortir trois des quatre premiers à l’ATP lors d’un même Grand Chelem : tout simplement du jamais vu. L’exploit est d’autant plus mythique que, malgré deux autres finales futures à l’US Open et à Roland-Garros, cet aboutissement restera le seul de Stich dans le cadre du Grand Chelem.
2001 : Le conte de fée de l’invité
Goran Ivanisevic en avait les larmes aux yeux au moment de servir pour le titre. Le Croate revient alors de nulle part. Triple finaliste à Londres dans les années 1990, il paraissait broyé par les échecs passés et par une épaule en papier mâché. Retombé au 125e rang mondial, échoué en qualifications lors de l’Open d’Australie, ce n’est que pour services rendus qu’il obtient une wild-card pour ce Wimbledon qui l’a tant fait rêver… et tant fait souffrir. Mais le propre des rêveurs est de ne pas se mettre de limites : anciens n°1 (Safin, Moya), gros serveurs (Rusedski, Roddick) et idole des foules (Henman), Goran les bat tous et décroche une quatrième finale sur le Centre Court. La plus inattendue de toutes : jamais un invité ne s’était hissé en finale de Wimbledon. C’est pourtant celle-là qu’Ivanisevic va – enfin – gagner, 9 jeux à 7 au cinquième set face à Patrick Rafter. Non sans être passé à deux points d’une nouvelle défaite. Il y a une bonne fée pour les fous géniaux.
2002 : « Black Wednesday »
Et le titre revient au n°1 mondial Lleyton Hewitt. Alors 2002, édition sans histoires ? Bien au contraire. L’un des Wimbledon les plus fous jamais vu, en raison notamment du « mercredi noir ». Ce jour-là, dès le deuxième tour, disparaissent à la suite : Marat Safin, n°2 mondial, terrassé en cinq manches par Olivier Rochus ; Pete Sampras, n°6 et septuple vainqueur de l’épreuve, en déroute face à l’obscur George Bastl, lucky loser ; et Andre Agassi, n°3, sonné par l’émergent Paradorn Srichaphan, 67e mondial. Suivent bientôt Kafelnikov, n°5, battu par Xavier Malisse, et Roddick, n°11, par Greg Rusedski. En quarts, il ne reste que deux joueurs classés parmi les 16 premiers, Hewitt et Tim Henman ! L’affaire profite notamment à un Brésilien inconnu, Andre Sa ; à un vétéran au classement protégé après 20 mois sans jouer, Richard Krajicek ; et surtout à deux jeunes prometteurs nommés Malisse et Nalbandian. Opposés en demies, c’est l’Argentin qui sort vainqueur du duel et passe en finale. Où Lleyton Hewitt se charge enfin de ramener un semblant de logique dans un tournoi décidément sans queue… ni tête (de série).
Par Guillaume Willecoq