Avant d’inscrire leur nom au tournoi de Roland-Garros, certains champions ont vécu porte d’Auteuil des débuts chaotiques. Parce que la première fois, c’est toujours la meilleure, retour sur quelques souvenirs oubliés, entre premiers baisers, accident de voiture et calvitie précoce. Curiosité.
Les fleurs de Monica Seles
En 1989, le central de Roland-Garros découvre une jeune joueuse yougoslave âgée de quinze ans qui fait ses tout débuts dans le circuit professionnel. Toute pimpante, Monica Seles, opposée au 3ème tour à Zina Garrison, tête de série numéro 4, fait alors une entrée sur le court pour le moins originale en distribuant, sur les conseils de son coach Nick Bollettieri, des fleurs aux spectatrices des premiers rangs. Oui, seulement les femmes. Courtoise, elle tend un ultime bouquet à son adversaire, qui, semble-t-il agacée par cette mise en scène, le refuse avant de se faire étriller 6/3 6/2 par la nouvelle coqueluche du public parisien. Par la suite, Seles se hissera jusqu’en demi-finales où elle sera éliminée par la N°1 mondiale Steffi Graf.
Hicham Arazi et son drapeau marocain
Mai 1997. Pour sa première participation au tournoi senior de Roland-Garros, Hicham Arazi créée l’exploit de battre Marcelo Rios en huitième de finale. Le matin précédent la rencontre, son père, qui a pour habitude de le suivre partout, rencontre par hasard Jacques Le Mené, responsable de l’intendance des courts, et lui confesse une anecdote. « La première fois que je suis venu à Roland-Garros, Hicham avait 5 ans. Il a regardé un peu autour du Central, et il a dit : ‘Papa, pourquoi il n’y a pas le drapeau marocain ici’. Je lui ai répondu : ‘Non, mais peut-être qu’un jour toi tu le mettras’. » Fort de cette historiette, les services du stade contactent immédiatement l’Ambassade du Maroc, envoient un coursier chercher la bannière à la représentation diplomatique et l’accrochent dix minutes avant le match. Clin d’œil réussi. « On est allés ensuite voir Hicham dans les vestiaires pour lui annoncer la nouvelle, poursuit Jérôme Le Mené. Et il fut très touché de cette attention ».
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Rafael Nadal en béquilles
Tout le monde connaît la chanson : Rafael Nadal a remporté son premier Roland-Garros en 2005 pour sa toute première participation. Mais qui dit que cet empire majorquin n’aurait pu se construire deux ans plus tôt, si l’Espagnol n’avait pas abandonné quelques semaines avant la compétition pour deux blessures successives, au coude (2003) puis à la cheville (2004). Ses premiers pas porte d’Auteuil ? En touriste, avec la famille, lunettes de soleil sur le nez et béquilles à la main. Finalement, pour ses grands débuts chez les seniors l’année suivante, Nadal se fera lyncher par le public parisien lors d’un match contre Sébastien Grosjean. Sifflets, insultes et déconcentration, l’arbitre devra interrompre la rencontre pendant neuf minutes…pour le résultat qu’on connaît tous.
Premiers baisers de Yannick Noah
« Le Camerounais ». Voici la boulette que commet le quotidien français l’Equipe en 1978, lors du premier match de Yannick Noah à Roland-Garros. Socquettes hautes, polo cintré et short court, ce jour-là, le Français (!) est à l’aise avec son style. « C’est le digne représentant de la France des 70s, remarque Frédéric Godart, sociologue française de la mode. Rien n’est ringard, c’est l’illustration français du succès français ». Trois ans auparavant, alors qu’il est pensionnaire dans l’enceinte du tournoi parisien, Yannick, au volant de son Abarth Bianchi, recule en même temps que son pote de chambrée, Pascal Portes, dans le parking de l’enceinte et leurs deux voitures s’accrochent. « Je crois que c’est le seul accident de voiture dans le site de Roland, s’amuse-t-il. Je le dis comme ça mais à mon avis, Pascal n’a jamais eu son permis. Il a dû l’acheter ». Pour Noah, la véritable toute première fois à Roland remonte encore plus tôt, à l’âge de 14 ans, lorsqu’il dispute ici encore les championnats de France minimes. Un souvenir amoureux : « Mon premier baiser fut sous le Central de Roland. Une petite de la ligue du Languedoc, superbe. Elle s’appelait Mylène ».
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Les cartes téléphoniques de Gustavo Kuerten
Avant de tracer des cœurs sur le Central de Roland-Garros, de soulever trois fois le trophée et de s’amouracher du public parisien, Gustavo Kuerten a remporté l’édition juniors en 1994, pour sa première participation. Durant quinze jours, le Brésilien use d’un droit offert par l’organisation : une seule carte téléphonique par semaine pour contacter sa famille, pas plus. « Gustavo lui venait me voir tous les jours, se souvient Martine Letouzé, ancienne intendante de Roland-Garros. Ça a duré deux semaines puisqu’il a remporté le tournoi ». Après sa victoire, Gustavo ira s’excuser et présenter sa grande famille, venue pour l’occasion, à celle qui lui aura permis de « garder le moral ». Classe.
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La perruque d’Andre Agassi
Quand, au printemps 1988, Andre Agassi déboule pour la première fois de sa vie à 18 ans à Roland-Garros, on n’a jamais vu de joueur avec une crinière décolorée aussi longue, encore moins avec un short en jean et qui frappe aussi fort du fond du court. Il faudra cette année-là un Mats Wilander injouable pour l’arrêter en demi-finale. Plus surprenant encore, le Kid de Las Vegas révèle dans son autobiographie que cette année-là, sa légendaire coiffure peroxydée est en réalité une perruque pour parer à sa calvitie précoce : « Chaque matin, je me réveillais avec une partie de mon identité sur l’oreiller ou dans le lavabo ». Dur.
John McEnroe ne dort jamais
Au printemps 1977, lorsque John McEnroe débarque à Paris pour disputer Roland-Garros, ce rouquin frêle et emprunté cache sa timidité sous ses airs de teigneux. A tout juste 18 ans, la colère l’accompagne déjà comme une seconde nature. Comme il est fauché, l’Américain prend ses quartiers dans un hôtel bon marché. Son dernier match des qualifications, il doit le jouer au petit matin. Le concierge de son gourbi refuse de se lever à 6 heures pour John McEnroe, qui n’a pas de réveil, ni aucun autre moyen de se réveiller. Il décide donc de rester éveillé. N’ayant pas fermé l’œil de la nuit, il se pointe aux aurores devant les grilles du stade, qui ne sont pas encore ouvertes. Ecrasé de fatigue, il s’impose quand même. Mieux, le grand tableau offre soixante dollars par jour à ses participants : McEnroe ira s’empresser de flamber son pécule dans une chambre d’hôtel convenable et de dormir 24 heures. « Les plus belles de toute ma vie », avouera-t-il. Résultat de cette escapade parisienne : 15 matchs en un peu moins de trois semaines, un avertissement pour mauvais comportement, et deux victoires finales en juniors et en double mixte. A star is born !
Et Marat Safin devint professionnel…
Sexy, fêtard, quadrilingue, tennisman, caractériel – « j’ai cassé 1055 raquettes en dix ans » - et désormais homme politique : Marat Safin est un trésor national soviétique. En 1998, il se fait connaître aux yeux du monde à Roland-Garros, où il bat Agassi et Kuerten avant que Pioline ne l’arrête au terme d’un match marathon en huitième de finale. Cette expérience parisienne, c’était surtout sa dernière chance de devenir professionnel. « La première fois que je suis venu à Roland-Garros, j'avais 17 ans et 500 dollars en poche, se souvient-il. Le dernier financement de ma famille. Tous les sponsors m’avaient lâché. Heureusement que j’ai fait un beau parcours, sinon jamais je ne serais devenu joueur de tennis ».
Par Victor Le Grand