MAIS D'OU VIENT L'IDEE DE SIGNER LA CAMERA A LA FIN DU MATCH ?

30 mai 2013 à 00:00:00

MAIS D'OU VIENT L'IDEE DE SIGNER LA CAMERA A LA FIN DU MATCH ?
Depuis le début des années 2000, les joueurs de tennis ont pour coutume, à l’issue de leur rencontre, de lâcher un autographe sur l’objectif des caméras de télévisons. Le phénomène, aussi futile qu’amusant, serait né en France. Mais qui en

Depuis le début des années 2000, les joueurs de tennis ont pour coutume, à l’issue de leur rencontre, de lâcher un autographe sur l’objectif des caméras de télévisons. Le phénomène, aussi futile qu’amusant, serait né en France. Mais qui en fut son inventeur, comment et pourquoi ? Tentative de réponse, entre paparazzi et marqueur indélébile.

 

« P….., mais quelqu’un peut me dire quel fut le premier joueur de tennis à signer sur ces foutues caméras ? » Sur de nombreux forums américains dédiés au tennis, un internaute s’énerve. Son pseudo ? PeteSampras. Dans un langage souvent châtié, cet inconnu tente depuis quelques années déjà de connaître l’origine de cette mode étrange : la signature d’autographes apposée sur l’objectif des caméras de télévisons à la sortie du court. Internautes, journalistes, simples curieux ou athlètes eux-mêmes : sur le World Wide Web, nombreux sont ceux à le suivre dans cette quête de l’inconnu. Et c’est peu dire que les réponses sont maigres. « Je dirais que ça existe depuis 5-6 ans, pas beaucoup plus. Mais honnêtement je n’en suis pas certain, tente Nelson Monfort, célèbre journaliste français pour France Télévisions, diffuseur officiel du tournoi de Roland-Garros. En revanche j’en connais la raison. C’est fait pour marquer la fin du signal international. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les interviews sont faites après le match. Puisque jusqu’à la signature, la réalisation est internationale, ensuite la retransmission redevient française. Symboliquement, ça sonne donc un peu comme un ‘clap de fin’ de cinéma, ça permet de bien marquer la fin du match ». Assistant réalisation et collègue de Nelson, Frédéric Tabourin appuie aussi la théorie du label bleu-blanc-rouge. Facile, c’est lui qui valide sur les écrans français ce plan de l’autographe : « Pour moi, ça a été expérimenté en France à Bercy dans les années 90. A Roland, ça a été mis en place en 2002 ou 2003. Sur le Central les joueurs signent sur le Plexiglas de la camera isolée et fixe, manipulée en sortie de cours ». En effet, au diable la légende, les joueurs ne signent pas au marqueur indélébile directement la caméra mais sur une petite plaque en polyméthacrylate de méthyle (nom scientifique du Plexiglass, qui est une marque déposée) fixée sur l’objectif. Pour chaque joueur, on garde le même appareil, mais on change ensuite de support. « Je suis arrivé en 2002 sur la réalisation de Roland en tant qu’assistant de Fred Godard et à l’époque, ça se faisait déjà, confirme Fred Accorsi. Ça fait aussi partie du rituel du match, c’est très attendu par certains supporters. On est alpagué par énormément de gens qui veulent la plaque quand on passe dans les tribunes ensuite. Après la signature, la chaine les récupère puis elles sont vendues pour des associations caritatives - surtout des associations pour les enfants - lors de ventes aux enchères ». Finalement, ne serait-t-il pas là le sens donner à ce rituel symbolique : un petit geste pour le joueur, un grand pour l’humanité ?

 

« Moi aussi, papa, je veux faire ça »

Pour la plupart des protagonistes du circuit, cela n’a pas vraiment d’intérêt. En revanche, personne ou presque n’a jamais affirmé publiquement ses réticences, son agacement ou son refus d’y participer. Alors, l’autographe caméra, un sujet presque tabou ? « Franchement, pourquoi se rebeller contre cela, s’interroge le journaliste américain Jon Wertheim, dans Sport Illustrated. Je suis très cynique, il y a une frontière très fine entre ‘tradition’ et ‘banalité’. Je trouve cela ridicule. Et pourquoi ce ne sont que les vainqueurs qui ont le droit de signer, hein ? » En effet, la règle est impitoyable : il y a toujours un perdant et un gagnant au tennis, et seul le vainqueur a le droit de signer. Elémentaire selon Nelson Monfort : « Il y a des joueurs qui trouvent ça systématique et un peu fatigant. Je me souviens de certains qui avaient ‘oublié’ de signer et se faisaient poursuivre par l’assistant ‘réal’ qui lui tendait le feutre. C’est arrivé plusieurs fois et souvent le joueur n’est pas revenu signer. En même temps, le fait que ça ne se fasse qu’après la victoire fait mieux passer la pilule. Ça serait bien plus compliqué de faire signer les perdants ». Si les athlètes n’en tirent aucun bénéfice, il y a ceux que ça amuse. Le Français Michaël Llodra par exemple, grand amateur de vin et de football, détourne la banale griffe administrative en un petit mot plus personnel. « Il préfère signer ‘Allez Paris’, c’est devenu une habitude pour lui », se souvient Fred Accorsi. Aussi, depuis que Maria Sharapova a ouvert un compte Twitter, elle est devenue la reine dans ce domaine. En mars dernier à Indian Wells, « Tweet me » fut son premier clin d’œil caméra. Un battement de cils qui lui permet de récupérer 3000 followers en quelques heures. Plus rationnelle, elle s’est ensuite interrogée sur l’intérêt du changement d’heure, été comme hiver. « Qui comprend ? », gribouille-t-elle un soir de victoire. Puis il y a quelques semaines, un paparazzo l’a photographié en compagnie de son nouveau petit copain, le joueur bulgare Grigor Dimitrov. « Comment nous as-tu trouvé ? », annote-elle encore au tournoi de Madrid. Et de se justifier en conférence de presse : « Mes petits mots sont pensés à la dernière minute. Je m’ennuyais avec les signatures, et en fait je ne sais même pas pourquoi nous avons toujours fait ça ? Je veux dire, la signature c’est quelque chose d’impersonnel, juste du copier-coller répétitif. Donc j’ai commencé à faire quelque chose de différent ». Mieux, le phénomène ferait des émules parmi la jeune génération. Au Canada, Preston Norris, prodige de 4 ans et vedette de Youtube, tient sa passion pour le tennis d’un autographe de Roger Federer ‘sur’ son écran de télévision. « Papa, moi aussi un jour je veux faire ça », lance-t-il un soir, lors d’un repas familial. Aussi amusante que futile, et c’est peut-être là tout son charme, la coutume est aujourd’hui reproduite (sauf Coupe Davis par BNP Paribas) dans le monde entier : du Canada à l’Europe en passant par les Etats-Unis. N’en déplaise à PeteSampras

 

Par Victor Le Grand et Arthur Jeanne

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