Neuf mois sur douze, ils terrorisaient le circuit. Et puis venait l’heure de la terre battue, et ils redevenaient soudain vulnérables, super-héros en slip, tombés sur leur kryptonite. Top 10 des numéros 1 mondiaux pour qui le rouge de la terre battue n’était pas sans évoquer l’enfer.
10- Marat Safin
Un cas particulier. Marat Safin n’était pas à proprement parler fâché avec la terre battue. Quiconque l’a découvert à Roland-Garros en 1998, ou a assisté à son show sur la brique pilée posée à l’intérieur de Paris-Bercy pour la finale de Coupe Davis par BNP Paribas en 2002, pourra en attester. Pourtant, le génial Russe n’a pas tenu toutes ses promesses sur la surface, et ses campagnes à Roland-Garros ont souvent accouché de déceptions : une seule demi-finale (2002), un quart (2000), et puis des éliminations en première semaine, beaucoup (5 en 11 participations). S’étant par ailleurs contenté de deux finales au Masters 1000 d’Hambourg – il n’a même jamais dépassé les huitièmes en dix tentatives à Rome ! – seul son titre au prestigieux Godo de Barcelone, en 2000, vient éclairer un bilan de terrien finalement rachitique.
9- Venus Williams
« A cow on ice. » C’est ainsi que Maria Sharapova a longtemps défini son rapport à la terre battue. Ecartée de ce classement après sa victoire à Roland-Garros l’an dernier, la grande blonde cède du même coup ce statut à Venus Williams. L’aînée des sœurs terribles du tennis mondial n’a jamais été très à l’aise à Paris. Si sa finale de 2002 a des airs de minimum syndical pour sa domination à l’époque, l’image qui restera de Venus sur terre est plutôt celle d’une girafe empruntée, incapable de glisser du haut de ses interminables segments, en difficulté à force de voir son service trop souvent revenir, et désabusée d’être en proie à des passings assassins à la moindre montée au filet.
8- Boris Becker
Un maudit de la terre, prototype du joueur tellement complet qu’il n’a jamais su quel plan de jeu y adopter, tentant trop souvent de défier les spécialistes à leur propre jeu, du fond du court. Les résultats de Becker n’y sont pourtant pas ridicules, mais il manque « la » pièce maîtresse à son œuvre ocre. Malgré deux finales à Monte-Carlo – dont une que Thomas Muster lui a chipée sous le nez en sauvant deux balles de match –, une autre à Rome et une dernière à Hambourg, « Boum-Boum » n’a pas accroché le moindre tournoi sur terre à son palmarès. Et ce ne sont pas ses trois demi-finales à Roland-Garros qui le consoleront, tant celle perdue contre Stefan Edberg en 1989 lui a laissé un goût amer. Dans la famille des albatros embourbés en terre, c’est bien lui le plus malheureux, plus encore qu’Edberg ou même que...
7- Pete Sampras
Pete Sampras et la terre battue, une histoire de méfiance jamais dissipée et parsemée de défaites infâmantes face à Thierry Champion, Gilbert Schaller ou Ramon Delgado à Roland-Garros. Il faut dire que si pour certains Paris vaut bien une messe, Sampras n’a, en ce qui le concerne, jamais sacrifié son Wimbledon chéri sur l’autel du Philippe-Chatrier. La seule année où l’homme aux 14 tournois du Grand Chelem déploie ses ailes jusqu’aux demi-finales de Roland – avec à la clé un parcours mémorable pour écarter Bruguera, Martin et Courier en cinq sets – est aussi la seule année de règne où il ne remporte pas Wimbledon. Simple hasard ? Sampras, lui, ne le croyait pas. Et ce n’est pas son titre chapardé à Rome en 1994, aux dépens de… Becker, qui suffira à le faire changer d’avis.
6- Lindsay Davenport
La même que pour Venus Williams, avec un déplacement encore plus calamiteux. En 11 participations, l’Américaine, pourtant monstre de régularité par ailleurs, n’a atteint qu’une seule fois les demi-finales à Paris. Un mot pour battre Davenport sur terre : variations. Faire courir son mètre quatre-vingt-dix, le courber à force de balles basses, le déséquilibrer à coups de contrepieds et d’amorties… Autant d’instruments de torture que maîtrisaient si bien Conchita Martinez, Arantxa Sanchez et autres Kimiko Date.
5- Patrick Rafter
« Aussie » n°1. Les états de service de Patrick Rafter sur terre battue sont maigres. Et pourtant, le double vainqueur de l’US Open frappe sur la surface à deux reprises : à Roland-Garros en 1997, d’abord, signant ici la première demi-finale en Grand Chelem de sa carrière ; à Rome en 1999 ensuite, où il aligne coup sur coup Ivanisevic, Gaudio, Agassi, Lapentti et Mantilla pour ne s’incliner qu’en finale face à Gustavo Kuerten. Sorti de ces deux performances, RAS. Sur la fin de sa carrière, l’Australien ne se donnait même plus la peine de jouer les tournois de préparation à Roland Garros.
4- Lleyton Hewitt
« Aussie » n°2. Mauvais sur terre battue, Lleyton Hewitt ? Trop léger, surtout. Car sur le plan du jeu, de la stratégie, du quadrillage du terrain, le double vainqueur en Grand Chelem avait tout pour réussir sur brique pilée. Tout, sauf la puissance de frappe. Voir jouer Hewitt sur terre, c’était voir un maître tacticien balader son adversaire, mais sans jamais parvenir à conclure par le coup qui fait mal. Bilan : Lleyton Hewitt n’a jamais été ridicule sur terre sans briller pour autant. A l’image de son bilan en carrière à Roland-Garros, finalement : un bon tournoi ? Quart de finale. Un mauvais ? Troisième tour. Tout dépendait du moment où il rencontrait son premier « client » sur la surface.
3- John Newcombe
« Aussie » n°3. Du lourd. John Newcombe, c’est trois Wimbledon, deux US Open, deux Open d’Australie et… deux quarts de finale à Roland-Garros. Famélique pour celui qui fut l’un des plus grands champions du début de l’ère Open. En 1973, le n°1 mondial, récent lauréat en Australie, s’est pourtant présenté à Roland-Garros fort d’un objectif déclaré : réaliser le Grand Chelem calendaire, comme Laver cinq ans plus tôt. Sauf qu’une fois sur le court, il a sombré au premier tour face au Tchécoslovaque Milan Holecek, 7/5 6/1...
2- Caroline Wozniacki
Elle n’a pas encore 23 ans, mais du haut de 7 années passées sur le circuit, Caroline Wozniacki a déjà eu le temps d’étaler ses manques sur la surface. Mobile mais peu puissante, endurante mais d’une créativité limitée – on se souvient de ses 10 tristes points gagnants dans une demi-finale de Melbourne pourtant longue de trois sets, face à Li Na en 2011 – la Danoise a souvent fait des visites éclairs à Roland-Garros, ne passant qu’une seule fois le cap du troisième tour. Ses bourreaux à Paris ? Cirstea, Hantuchova ou, l’année dernière, Kanepi. Si elle continue à ce rythme ces prochaines années, on tiendra là une excellente candidate pour prétendre détrôner le n°1 de ce classement…
1- Andy Roddick
Hors concours. Neuf matchs gagnés en dix participations à Roland-Garros, et des défaites face à des terreurs comme Sargis Sargsian, Teimuraz Gabashvili et même Nicolas Mahut, pourtant bon « terraphobe » lui aussi. A ses débuts, entraîné par le Français Tarik Benhabilès, Roddick était pourtant loin d’être mauvais sur ocre, au point de remporter très vite quatre tournois sur la surface (trois sur le har-tru américain et un en Europe, à Sankt Pölten) et de signer une demi-finale à Rome dès sa première participation. Mais le choix stratégique de son entraîneur suivant, Brad Gilbert – maximiser les points forts plutôt que s’occuper des points faibles – a certes permis à l’Américain de briller dix ans durant à Wimbledon et à l’US Open, mais lui a fermé toutes les portes sur terre, où son revers en particulier faisait peine à voir. Andy Roddick, ou le dernier n°1 en date à avoir affiché des déséquilibres aussi flagrants dans son jeu… et dans son palmarès.
Par Guillaume Willecoq