#WeAre10nis Federer-Nadal : Wimbledon 2019, le dernier chapitre

19 déc. 2021 à 06:00:00 | par Florian Cadu

Roger Federer et Rafael Nadal
Lors de la dernière décennie, We Are Tennis by BNP Paribas a évolué au rythme de la rivalité entre Roger Federer et Rafael Nadal, laquelle s'est (sans doute) clôturée le 12 juillet 2019, à Wimbledon, au terme d'une demi-finale épique. Retour sur un ultime duel en Grand Chelem au final monumental.

Sous les applaudissement nourris du Centre court, deux légendes se tapent dans la main avant de se murmurer quelques mots au milieu d’un rapide mais sincère enlacement. L’accolade, teintée de respect, fera certainement partie des images fortes de l’histoire du tennis dans quelques années, même si personne n'a envie de croire qu'il s'agit du dernier goûter en short entre les deux hommes. Reste qu'à 20h42 précise, le 12 juillet 2019, lors des demi-finales du tournoi de Wimbledon, Roger Federer a sûrement remporté son tout dernier affrontement avec Rafael Nadal en Grand Chelem : le 40e Fedal d'une longue et inimaginable série entamée en 2004, à Miami, qui s'est hissé à la hauteur de toutes les promesses.

Mais comment se préparer à un tel rendez-vous sans totalement s'épuiser ? Federer, lui, a choisi de retrouver le gaucher français Michaël Llodra dans le site fermé au public d'Aorangi Park. « Leur longévité m'impressionne vraiment et je suis admiratif de les voir à ce niveau à leurs âges, surtout que ce n’est pas comme s’ils faisaient de la figuration, hallucine le sparring-partner de luxe. On les sent épanouis, heureux d’être encore là. J’ai eu l’honneur de pouvoir commenter leur demi-finale à Roland-Garros quelques semaines plus tôt, en pensant que c’était peut-être la dernière fois qu’ils s’affrontaient. Et finalement, ils sont encore là... Ils se tirent vers le haut, il y a de la concurrence pour savoir qui va écrire l’histoire du tennis. Ces gars jouent sur leur planète, comme des extraterrestres. On est dans Avengers. C’est à savoir qui sera le plus fort, chacun dans leur style. J’adore le jeu de jambes de Roger, on dirait qu’il marche sur des œufs. Sur l’herbe, je pense qu’il a plus de chances de gagner. Mais Rafa est fort depuis le début du tournoi, alors c’est du 50–50. »

Ce jour de l'été 2019, la météo et le soleil sont comme les célébrités : excités par ce classique. « Il fait chaud, il fait beau et le Pimm’s coule à flots sur les pentes de la Henman Hill où de nombreux spectateurs ont pris place devant l’écran géant. Dans la Royal Box, les cols sont plus serrés. David Beckham, Jude Law ou encore Hugh Grant, tout le monde a mis sa plus belle cravate. L’horloge affiche 16 h 39 quand Roger Federer lance les hostilités avec un ace. Le Centre Court est plein, of course, mais il règne un silence de cathédrale avant le début des échanges, il ne faudrait pas déranger les artistes », écrivent Christophe Perron et Rémi Bourrières, dans leur livre intitulé Fedal : Federer - Nadal 40 matchs, 2 légendes, 1 mythe (Flammarion), sorti le 6 octobre 2021. Les cheveux ont raccourci et les bougies soufflées se sont multipliées depuis 2008 - année de leur dernier duel à Londres, mythiquement gagné par l’Espagnol en finale -, mais les jambes paraissent effectivement en méga forme malgré leurs 71 piges cumulées (33 ans pour l’un, 38 pour l’autre).

Et les têtes, alors? Outre l’envie de graver encore un peu plus leurs noms dans le marbre des Grands Chelems (le roi de l’ocre en est à dix-huit avec le dernier Roland-Garros glané haut la main, son adversaire est toujours un recordman perché à vingt titres), existent-ils des tensions, voire de la haine entre les meilleurs ennemis ? « Il y a eu des hauts et des bas tout au long de leur rivalité mais au fil du temps, il semble qu'ils aient été de plus en plus proches. Avec des gestes forts, comme Federer qui vient à l'ouverture de l'académie de Nadal ou Nadal qui vient jouer la Laver Cup (la compétition créée par Federer, ndlr). En 2019, on peut donc raisonnablement penser qu'ils sont en bons termes, remet Christophe Perron. De plus, ils se sont vus pendant Indian Wells pour faire front commun dans les débats qui agitent la gouvernance du tennis. Novak Djokovic, qui est aussi président du Conseil des joueurs, veut à cette époque faire tomber le président de l'ATP Chris Kermode alors que Federer et Nadal sont opposés à cette décision. »

 

Sur le court, les bonhommes ne se font en tout cas aucun cadeau. Surtout pas au service, cinq points seulement étant perdus sur leur engament sur… les sept premiers jeux. Serré, le choc ne perd pas ses bonnes vieilles habitudes : Rafael Nadal défend comme un mort de faim et se permet des temps de pause (passage aux vestiaires, rechaussage…) en testant la patience de l’adversaire, pendant que Roger Federer applique sa chorégraphie tennistique, frôlant la perfection esthétique. Ce qui change, comparé au début du siècle, en revanche, ce sont les approches tactiques proposées. Celle du Suisse, surtout. « Ce match symbolise bien la nouvelle version de Federer, qui est apparue en 2017 à l’Open d’Australie, confirme Christophe Perron. Ce Federer qui prend la balle plus tôt et qui parvient à avancer dans le court. Il est très impressionnant. En face, Nadal est perdu stratégiquement parlant. Parce qu’il est pris de vitesse et parce que ce qui marchait contre Roger pendant de si nombreuses années ne fonctionne plus. C’est encore plus vrai au troisième set, qui incarne ce renversement inattendu et où Federer ne fait en plus aucune faute. »

Résultat ? 6-3. Auparavant, le patron de Wimbledon (huit titres, personne n’a jamais fait mieux) s’est emparé de la première manche au tie-break avant de voir son rival accélérer en agressivité pour dévorer la deuxième 6-1 (dix points d'affilée pour le Majorquain, huit fautes directes pour l’Helvète). Le plus impressionnant reste de voir, même si le gazon s’y prête mieux que la terre battue, l’aîné tenir des échanges de dix ou quinze frappes et ne plus subir les coups de marteau l’ont tant fait souffrir par le passé. « Là, en mode ultra solide et de manière spectaculaire, Federer montre qu’il a complètement trouvé la clé pour retourner le truc. Avant, le coup droit croisé lifté de Nadal qui trouve des angles impossibles le mettait totalement au supplice. Ici, au lieu de reculer et choper, il rentre dedans en tapant à plat. Bref, c’est un mur, admire encore Christophe Perron. D’ailleurs, tout au long de la partie, il ne montre pas grand-chose dans son expression. Il est encore moins expressif que de coutume et pour avoir vu l’intégralité des Fedal, je le trouve étonnant de concentration. »

Il est alors temps pour les artistes de monter encore le niveau d’un cran et d’utiliser leurs armes si caractéristiques qui ont permis de transformer tant de ''Fedal'' en chefs d’œuvre. Car l’ultime set de l’ultime ''Fedal'' réserve une dramaturgie que seuls les Federer-Nadal peuvent garantir. La foule présente dans le stade, au même titre que les amateurs de petite balle jaune devant leurs écrans, le sentent. « L'excitation globale liée au Fedal n'a cessé de croître avec le temps, et on le sent particulièrement bien dans l'ambiance de ce dernier match, note Christophe Perron. Le public et les fans de tennis prennent conscience que la fin approchant, il est obligatoire de se régaler sans en laisser une miette. Comme un délicieux repas qu'on savoure pour la dernière fois... » Retour au jeu, donc : porté par ses aces (quatorze en tout contre dix pour Nadal, son meilleur résultat contre RF) et sa manche d’avance, Federer sait pertinemment que le plus difficile arrive. S’il se sent en confiance et transpire moins que le taureau de Manacor, cela ne lui a en effet jamais garanti la victoire. Il n’empêche, le Suisse domine toujours… Jusqu’aux deux derniers jeux, qui durent plus de dix minutes chacun. Qu’importe, en réalité, puisque le temps vient de s’arrêter. Sublime, le serein Roger a breaké pour un 5-3 qui lui trace la voie royale. Magnifique, l’obstiné Rafael refuse la défaite et sauve deux balles de match pour revenir à 5-4… avant d’en sauver deux autres.

« Federer ne loupe quasiment rien, mais Nadal a l’air imbattable. Cette fin de match est digne de leurs plus grands affrontements. À 5-4, 30/A, Federer a le point en main, Nadal défend d’un lob un peu désespéré, le smash de Federer termine… directement dans la tribune. Balle de 5-5 pour Nadal, qui vient s’empaler sur un des rares slices, décrivent les pages de l’ouvrage Fedal : Federer - Nadal 40 matchs, 2 légendes, 1 mythe. Attachez vos ceintures, la suite est renversante : un échange de 24 coups façon grand huit à vous déclencher des haut-le-coeur et des cris d’effroi, surtout quand une balle de Nadal touche la bande du filet. Mirka, les deux mains sur le visage, préfère ne pas regarder. Malmené tout le point, Nadal défend comme un damné et parvient à renverser la vapeur d’un coup droit rageur. La quatrième balle de match vaut aussi le détour, avec un nouvel exploit du taureau de Manacor, auteur d’un passing de revers venu d’ailleurs. Le Centre Court bascule dans l’hystérie. Et Federer ne se démonte toujours pas pour aller chercher une cinquième balle de match. Cette fois-ci, c’est la bonne, Roger Federer délivre son clan et les 15 000 spectateurs, l’attraction est terminée, tout le monde descend. »

Bilan : un succès d’anthologie pour Federer (la seule après avoir perdu une manche sur un score aussi aussi large que 6-1), un 24-16 pour Nadal (14-2 sur terre, 1-3 sur herbe) et l’impression qu’un livre se referme. La réaction de l’Espagnol ? Exclusivement portée sur le match en lui-même, et sur son bourreau du jour : « Il se déplace à l’intérieur du court plus rapidement que n’importe quel autre joueur, il a cette capacité à prendre la balle plus tôt que n’importe qui. Il ne vous donne pas le temps de vous organiser pour vous ouvrir le court, il était dans sa zone de confort aujourd’hui et je n’ai pas réussi à l’en déloger. » Celle de l’Helvète n’est pas beaucoup plus trépidante : « Je suis épuisé, c'était dur à la fin. Il a joué des coups incroyables pour rester dans le match, mais c'est toujours spécial de jouer contre Rafa. J'ai eu de bons moments, quand j'ai bien servi. Les points importants ont été pour moi et prendre le premier set, c'était énorme. Prendre les devants, c'était très important. » Comme si eux non plus ne souhaitaient pas admettre que l’encyclopédie ''Fedal'' avait rendu sa conclusion et qu’on ne pourrait désormais contempler sa beauté que sur des vidéos du passé.

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