Avec sa carrière s’étirant à l’infini et ses 23 titres du Grand Chelem, Serena Williams est d’ores et déjà entrée au panthéon du tennis. Peut-être est-elle même déjà la plus grande sportive de toute l’histoire. Mais la désormais quadragénaire reste obsédée par un record, un dernier : les 24 tournois majeurs remportés par Margaret Court. Une quête qui se transforme en chimère à mesure que se rapproche l’inéluctable moment d’enfin remiser les raquettes au placard. Retour sur la dernière décennie de la championne, passée à toucher du doigt le Graal sans jamais parvenir à l’atteindre.
2011 : la fin d’une ère, le début d’une autre
Lorsque le site We Are Tennis est lancé au début de la saison 2011, Serena Williams – qui a alors remporté treize Grand Chelem – et sa sœur Venus voient deux de leurs plus grandes rivales stopper leur carrière : Justine Henin d’abord, puis bientôt sa compatriote belge Kim Clijsters. « Le tennis féminin est en train de vivre une période charnière, juge Eli Weinstein dans un billet datant du 21 janvier. Même si elles n'ont pas dit leur dernier mot, les sœurs Williams sont clairement plus proches de la fin que du début. » Pourtant, après une hospitalisation due à une embolie pulmonaire, la cadette termine l’année sur un parcours encourageant à l’US Open, stoppé seulement en finale par Samantha Stosur. « Serena a le potentiel et les attributs pour être la meilleure joueuse de tous les temps, analyse alors Monica Seles. Elle a un grand service, un bon retour, un mouvement fantastique et une incroyable puissance. Aucune joueuse n'est aussi forte qu'elle. »
2012 : Mouratoglou, année une
« Serena Williams est-elle la meilleure tenniswoman de tous les temps ?, s’interroge Rico Rizzitelli dans un article publié sur We Are Tennis en octobre 2012. La plus puissante, sans doute. Une des meilleures athlètes toutes disciplines confondues, à n’en pas douter. Sur les fondamentaux techniques, c’est plus confus. La réserve porte sur son jeu de jambes parfois approximatif et son manque de patience sur terre battue. » L’Américaine a certes été éliminée dès le premier tour à Roland-Garros par Virginie Razzano, mais elle s’est ensuite rattrapée, que ce soit sur le gazon de Wimbledon ou à Flushing Meadows, pour conquérir deux nouveaux tournois du Grand Chelem. Cette année 2012 est surtout marquée par le début de la collaboration fructueuse entre la championne et l’entraîneur français Patrick Mouratoglou.
2013 : retour au sommet
Douze ans séparent Serena Williams de Sloane Stephens. À Melbourne, l’Américaine de 20 ans donne un premier coup de vieux à sa compatriote en l’éliminant en quart de finale de l’Open d’Australie. Pas de quoi faire douter la championne qui se reprend à Roland-Garros, remportant les Internationaux de France pour la première fois depuis 2002. Un triomphe sans fausse note, avec un grand show en finale face à Maria Sharapova, concluant sur un ace à 198 km/h. Service surpuissant, jeu de jambes retrouvé, le niveau de l’Américaine est qualifié de « presque parfait » par le journaliste du Daily Telegraph Simon Briggs. La saison se conclue avec un 17e majeur acquis à l’US Open au détriment de Victoria Azarenka et une place retrouvée de numéro 1 mondiale. Un rang qu’elle va garder 186 semaines d’affilée, jusqu’en septembre 2016.
2014 : une sportive à l’apogée
Si elle coince dès le 4e tour à Melbourne (battue par Ana Ivanovic), dès le 2e tour à Paris (défaite face à Garbine Muguruza) et dès le 3e tour à Londres (dominée par une certaine Alizé Cornet !), l’insubmersible Serena Williams se reprend à l’US Open en conservant son titre acquis l’année précédente, prenant le dessus sur Caroline Wozniacki. Au début de la décennie, beaucoup voyaient la Danoise comme une potentielle rivale. Mais ni elle, ni les autres rivales de l’époque (Ivanovic, Azarenka, Radwanska, Sharapova, Li Na, Petkovic…) ne parviennent à détrôner durablement Serena Williams, alors élue sportive la plus influente du monde.
2015 : un Grand Slam qui se dérobe
Deux matchs. Il a manqué cette année-là deux matchs seulement à Serena Williams pour réussir le premier Grand Slam du tennis féminin depuis Steffi Graf en 1988. L’Américaine doit se contenter d’un ''quatre à la suite'' à cheval sur deux saisons (elle l’avait déjà réussi entre 2002 et 2003) en additionnant son US Open 2014 avec ses victoires de 2015 à l’Open d’Australie, à Roland-Garros et à Wimbledon. Triple tenante du titre et immense favorite à Flushing Meadows, elle s’incline à la surprise générale devant son public en demi-finale, dominée par Roberta Vinci qui n’était même pas tête de série. Mais l’Italienne contourne intelligemment l’habituelle épreuve de force par une variété de coups qui déstabilise son adversaire, rattrapée par l’émotion et la nervosité.
2016 : et la machine se grippe...
Une bascule s’opère à partir de la saison 2016 : Serena Williams commence à perdre des finales, ce qui ne lui arrivait plus depuis longtemps. Après huit victoires de rang en autant de finales de Grand Chelem disputées, voilà qu’elle en rate deux de suite, à Melbourne (défaite contre Kerber) puis à Roland-Garros (contre Muguruza). Subrepticement, la machine se grippe… A Wimbledon néanmoins, elle prend sa revanche sur Angelique Kerber pour remporter son 22e majeur, égalant le record établi par Steffi Graf. Mais c’est la jeune Allemande qui finit l’année au rang de numéro 1 mondiale.
2017 : une dernière danse
2017 est-elle une année décisive pour Serena Williams ? Sans aucun doute. Sur le plan sportif déjà, la championne décroche à Melbourne son 23e titre du Grand Chelem, devenant officiellement la joueuse la plus titrée de l’ère Open. Devant Graf, Navratilova, Evert et les autres. Dans l’histoire du tennis féminin, il ne lui reste plus qu’à battre le record de 24 titres majeurs remportés par Margaret Court entre 1960 et 1973, année de création du circuit WTA. Mais 2017 est aussi l’année de la maternité pour Serena Williams qui stoppe sa carrière pour donner naissance à sa fille, Alexis Olympia Ohanian. C’est aussi l’année de son mariage avec Alexis Ohanian. Le début d’une nouvelle vie.
2018 : deux belles occasions manquées
Elle est désormais maman, mariée et l’une des femmes les plus riches de la planète, mais Serena Williams a encore faim de victoires sur les courts. « Je pense que beaucoup de choses sont déterminées par son appétit, avait commenté Steffi Graf en novembre 2017. De ce que j'ai entendu, elle a l'air de revenir au tennis. Vous savez, tout ce qu'elle a montré pendant sa carrière vous fait croire que si elle a ça dans son viseur, alors elle va poursuivre son objectif et le remplir. » Et effectivement, la reine Serena revient à la compétition le couteau entre les dents. Mais à Wimbledon comme à l’US Open, elle butte en finale, respectivement face à Angelique Kerber, encore elle, et face à une petite nouvelle nommée Naomi Osaka, qui conquiert en Amérique une popularité inédite depuis l’avènement des sœurs Williams vingt ans plus tôt…
2019 : bis repetita
Deux nouvelles finales perdues, encore à Wimbledon et à l’US Open : tel est le bilan frustrant pour Serena Williams de cette saison 2019. Les bourreaux se nomment cette fois Simona Halep et Bianca Andreescu, première joueuse des années 2000 à remporter un tournoi majeur. La Canadienne n’était même pas née quand la cadette des Williams, sourire juvénile et tresses blanches, dominait Martina Hingis et faisait chavirer le public new-yorkais en 1999. Le vent serait-il en train de tourner ? Depuis 2016, l’Américaine a disputé 8 finales et n’en a remporté que deux… Surtout, cinq des six défaites l’ont été en deux sets.
2020 : dans le tourbillon de la WTA
Serena ne fait désormais plus peur à ses adversaires. Sans complexe, une nouvelle génération de joueuses – incarnée notamment par la prodige Cori Gauff – fait tourbillonner la WTA. La vétéran semble désormais se noyer dans cet océan d’incertitudes. A l’US Open, elle parvient tout de même à se hisser jusqu’au dernier carré mais butte sur une autre ancienne du circuit, la Biélorusse Azarenka. « Tout le monde espère au moins une victoire de plus (pour Serena). Il est évident qu’elle a le jeu pour y parvenir, mais ce ne sera pas facile car il y a beaucoup de filles qui jouent bien, commente alors la jeune retraitée Caroline Wozniacki. Même si elle ne le gagne pas, elle a déjà montré qu’elle était la meilleure joueuse de tennis de l’histoire. Nous pouvons nous sentir chanceux de l’avoir vue jouer de nos jours. » Une analyse qui sonne déjà comme un hommage à une carrière qui s’éternise à l’infini.
2021 : 40 ans, et maintenant ?
Le 26 septembre 2021, Serena Williams a fêté ses 40 ans. Elle n’a plus disputé un match depuis son abandon au premier tour de Wimbledon. Sa saison se résume à 18 matchs disputés (contre 59 en 2015, année de sa dernière saison pleine), pour un maigre bilan d’une demi-finale à Melbourne et un quatrième tour à Roland-Garros. L’Américaine arrivera-t-elle un jour à atteindre ce fameux record de Margaret Court ? Rien n’est moins sûr. Et après tout, est-ce si important ? Patrick Mouratoglou, qui la connaît mieux que personne, a indirectement répondu à cette interrogation, estimant récemment en interview : « Margaret Court jouait à une époque où les trois quarts n'allaient même pas en Australie, où le tennis était un sport amateur, où les tirages au sort étaient de 16 joueurs. Je ne veux pas manquer de respect à Margaret Court, mais ce fut une autre époque. Oui, ce serait mieux si Serena battait son record mais, si elle ne le fait pas, elle restera la plus grande joueuse de tous les temps. » Un point de vue partagé par Chris Evert, qui avait déclaré cet été : « Pour moi, son héritage est déjà scellé. Si elle ne gagne jamais un autre Grand Chelem, cela n’a pas d’importance. Elle est toujours la plus grande. »
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