Monstre à trois têtes insatiable, le Fedalovic engloutit tout ce qui se trouve sur son passage. La bouche grande ouverte, il s'enfile des bancs de trophées comme une baleine le fait avec du plancton. Les adversaires se contentent des restes. Trois titres majeurs par-ci pour Andy Murray, trois par-là pour Wawrinka, un à gauche pour Marin Čilić, un à droite pour Juan Martin del Potro, un dernier pour Dominic Thiem... Sur les 63 levées du Grand Chelem jouées à partir de Roland-Garros 2005, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic en affichent 54 à leur palmarès. Mais, depuis 2016, une part du gâteau résiste à leur appétit. La cinquième plus importante au menu du tennis mondial. Le Masters.
Stéfanos Tsitsipás, Alexander Zverev, Grigor Dimitrov et Andy Murray. Tels sont les quatre derniers vainqueurs du “Tournoi des Maîtres”. Au cours de cette période, Novak Djokovic est l’unique membre du trio infernal à atteindre la finale. Une disette qui tranche avec les 13 saisons précédentes. De 2003 à 2015, seuls Nikolay Davydenko (2009) et David Nalbandian (2005) parviennent à retirer le trophée des dents de la bête helvético-hispano-serbe. Ou plutôt helvético-serbe. Car l'une des raisons expliquant les résultats de la concurrence est l'absence de succès de Nadal. Son jeu étant moins efficace sur dur intérieur, le Majorquin court toujours après son premier sacre aux ATP Finals.
"J'ai toujours joué le Masters sur la pire surface pour moi" - Rafael Nadal
Depuis ses débuts sur le circuit principal, le gaucher des Baléares ne compte que deux titres en salle. Un sur terre - ATP 250 de São Paulo 3013 - et un sur dur - Masters de Madrid 2005. "J'ai toujours joué le Masters sur la pire surface pour moi, regrette-t-il en novembre 2015 pour le Daily Mail. Le disputer systématiquement sur dur indoor, je ne suis pas sûr que ce soit 100 % juste. On se qualifie en jouant toute l'année sur gazon, dur, terre et en salle. Jouer en intérieur à l'O2 Arena, très bien, c'est un endroit fantastique. Mais rien n'empêche d'y mettre de la terre battue." Outre ce peu d'amour pour la surface, Nadal, le corps éreinté par une longue saison et l'exigence physique induite par son style de jeu, est souvent au bout du rouleau en novembre.
En 2005, 2008, 2012, 2014, 2016 et 2018, il déclare forfait avant la grand-messe. En 2017, il se retire après son premier match. L'an passé, il débarque encore diminué après sa blessure aux abdominaux contractée à Bercy. La combinaison de ces différents facteurs fait les affaires des chasseurs du Fedalovic. L'une des trois têtes du monstre étant plus facile à couper, la route est un peu plus dégagée. Roger Federer, lui, adore l'indoor. Mais l'âge avançant, la tâche est logiquement plus ardue pour enchaîner les gros matchs face aux sept autres meilleurs joueurs de la planète. Historiquement, le Masters ne réussit pas aux anciens.
"Nous ne rajeunissons pas" - Roger Federer
Le Bâlois est d'ailleurs le seul homme à y compter un sacre une fois la trentaine passée. C'était en 2011, année où il soulève le trophée pour la 6e fois et s'empare du record de la compétition. Absent cette saison, comme en 2016, Federer restait sur trois demi-finales consécutives, perdues face à Tsitsipás, Zverev et Goffin. "Nous (le Big 3) ne rajeunissons pas, répond le Suisse en conférence de presse après son élimination en 2019. Donc les chances augmentent pour la nouvelle génération. Pas parce que nous devenons moins bons, mais parce qu'ils progressent." De quoi rendre une deuxième tête plus "facile" à trancher. Sur les quatre dernières éditions, la troisième reste la plus difficile à éliminer. Celle de Novak Djokovic.
Sorti dès la phase de groupe l'an passé après des revers contre Thiem et Federer - les têtes peuvent aussi se manger entre elles -, Djokovic affiche 5 couronnes de "maître des maîtres" à son palmarès. Forfait en 2017, il s'incline en finale des éditions 2016 et 2018. Respectivement face à Andy Murray alors au sommet de son art, sur le toit du monde, et un Alexander Zverev en pleine confiance. Cette année encore, le Serbe fait office de favori. Mais les jeux sont ouverts. En plus de s'améliorer saison après saison, la concurrence est aidée par le format des ATP Finals. Si la domination des trois ogres y est moins écrasante qu'en Grand Chelem, c'est aussi parce que les matchs se jouent en deux manches gagnantes.
"En trois sets gagnants, c'est quand même différent" - Novak Djokovic
"En Grand Chelem, c'est quand même différent, explique Djokovic, questionné sur le potentiel d'un Diego Schwartzman tombeur de Rafael Nadal à Rome. Vous devez être vraiment prêt à rivaliser physiquement en trois sets gagnants." Vaincu par un Ibère revanchard trois semaines plus tard à Roland-Garros, l'Argentin confirme : "Physiquement et mentalement, c'est très dur. Pour battre ces gars (Nadal, Djokovic, Federer) au meilleur des cinq rounds, vous devez jouer votre meilleur tennis pendant trois, quatre ou cinq heures." Des paroles vérifiées par les chiffres. Depuis la date de sa première qualification pour le Masters, chaque membre du Big 3 est plus vulnérable en deux manches gagnantes.
Cette saison, le Big 3 est amputé de Roger Federer. En cas de sacre, son 6e, Novak Djokovic égalerait le record du Suisse. Pour Rafael Nadal, ce serait une première malgré trois demies et deux finales - toutes perdues contre Federer et Djokovic - en neuf participations (dont un abandon en poule). Parmi les forces en présence, Stéfanos Tsitsipás et Alexander Zverev, qui visent un deuxième triomphe, s’affirment comme de sérieux prétendants. Tout comme Dominic Thiem, finaliste sortant, et Daniil Medvedev en confiance après son succès à Bercy. Concernant les nouveaux venus Andrey Rublev et Diego Scwhartzman, ils auront presque besoin d'être dignes de la puissance d'Hercule. Pour eux, le tournoi s'apparente à un combat face à une hydre à six têtes.
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