"Je ne comprends pas qu'elle soit encore là." "Elle", c'est Maria Sharapova. Après avoir subi les missiles de Donna Vekic au premier tour de l'Open d'Australie, "la Tsarine" a pris un "scud" de la part de Pauline Parmentier sur lequipe.fr. "Quand tu as gagné des tournois du Grand Chelem... Il y a un temps pour tout, il faut savoir passer à autre chose, a poursuivi la Française interrogée au sujet de l'ancienne reine du circuit. C'est une grande championne, mais... Si elle avait dégagé une autre image que cette star blonde, russe, intouchable, elle aurait été plus appréciée."
Certes, l'image publique renvoyée par Sharapova, ses réponses cassantes, sèches, son regard polaire capable de transformer n'importe quel être vivant en glaçon, n'est pas des plus appréciable. Rares sont ses amies sur le circuit. Mais ne pas comprendre pourquoi elle continue à jouer, c'est peut-être lui dénier ce qui fait l'essence d'une grande championne. Ce qu'elle est. Même si ce statut est "un tantinet" écorné depuis "l'épisode Meldonium", son palmarès est éloquent. 6 titres du Grand Chelem, Grand Chelem en carrière, numéro 1 mondiale... La Moscovite a connu l'ivresse des plus grands succès.
Et, une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer. Questionné par La Tribune de Genève sur ce qui le fait encore courir à 34 ans malgré "un palmarès exceptionnel, une fortune considérable et un corps usé", Stan Wawrinka a parlé de "grand titre". "Pas pour le palmarès", non. Comme celui de Sharapova, le sien est déjà bien fourni. "Mais pour les émotions que ça procure. Un titre, c'est un peu une drogue." D'un genre qui n'entraîne aucun contrôle positif... Quand il arrêtera "la compétition, ce sera dur." Pour lui, "sans vouloir vexer personne, les sensations que procure le haut niveau n'existent pas ailleurs."
"Un titre, c'est un peu une drogue"
Alors, pour atteindre son objectif, il s'entraîne. Dur. Tel un acharné. "Toutes ces journées [à se faire] mal" pour préparer "un grand coup sont une drogue, il est difficile de s'arrêter." C'est pour ça, ce trophée en "GC", que Sharapova, regard toujours aussi déterminé, use encore ses pompes jusqu'à en trouer les semelles. Pour mettre ses tripes sur le court lors d'un duel dantesque, épique, et sentir une bulle intérieure éclater après la balle de match. Celle qui libère un mélange de joie, bonheur, fierté et sentiment d'accomplissement en récompense à l'incommensurable dévouement nécessaire pour arriver aussi haut.
"Gagner le dernier point d'un match, particulièrement en finale de Grand Chelem, c'est un moment extraordinaire, a confié Sharapova à CNN en avril 2018, un après son retour de suspension pour dopage. Quand vous avez vécu les titres en Grand Chelem, c'est absolument naturel d'avoir ce but (en gagner d'autres) en tête. C'est ce que je veux à nouveau ressentir. Je continue de travailler pour ça." Quelques semaines plus tard, elle se hisse en quart de finale de Roland-Garros. Depuis, elle ne parvient pas à faire mieux. Pis, elle reste sur trois éliminations d'entrée en Majeur.
Régulièrement freinée par des problèmes récurrents à l'épaule droite, celle qui "l'enquiquine" depuis de nombreuses années, elle ne cesse de chuter au classement. Après l'Open d'Australie, elle sera dans les abysses du classement WTA. Pourtant, elle n'abdique pas. Le mental, cette capacité à croire en elle, suer sang et eau à l'entraînement pour se donner les moyens de grimper jusqu'au sommet visé est la grande force de Sharapova. En 2009, après 8 mois sans le moindre simple en raison, déjà, d'une blessure à cette satanée épaule droite, elle tombe à la 126e rang de la hiérarchie internationale.
"Je suis sûre que beaucoup ne m'en sentaient pas capable"
Trois ans plus tard, elle redevient numéro 1 mondial en remportant son premier Roland-Garros. Le seul titre du Grand Chelem qui manquait à son tableau de chasse. Malgré un déplacement sur terre longtemps digne, de son propre aveu, "d'une vache sur une patinoire", elle n'avait jamais cessé d'y croire. "Je suis sûre que beaucoup ne m'en sentaient pas capable, que beaucoup d'entre vous pensaient même que je n'atteindrais jamais la finale, lâche-t-elle aux journalistes après son sacre. Moi, j'y croyais. Je me suis battue." Cette force mentale, c'est l'apanage des champions d'exception.
"La force mentale joue probablement le rôle le plus important", explique Novak Djokovic dans la foulée de son titre à Melbourne en 2015. Djokovic, Serena, Federer, Nadal... Tous travaillent cet aspect. "Le tennis, c'est 70 % de mental", estime d'ailleurs l'Américaine. Référence dans ce domaine, le Serbe pratique méditation et visualisation. Garnement colérique et friable à ses débuts, le Suisse est désormais un roc grâce à un énorme boulot pour changer son état d'esprit. Quant à Nadal, il s'entraîne depuis l'enfance à se battre sur chaque balle comme si sa vie en dépendait, quoi qu'il arrive, même à 6/0 5/0 40-0 contre lui.
Aujourd'hui, à l'image de Pauline Parmentier, beaucoup pensent que Maria Sharapova est "finie". Peut-être. À moins d'avoir volé la DeLorean du "Doc" Emmett Brown, nul ne peut informer ou confirmer. Mais si la Russe n'est pas elle-même persuadée de pouvoir ajouter un 7e Majeur à sa collection, elle n'a aucune chance d'y parvenir. À 32 ans, si sa volonté et son épaule ne fléchissent pas, elle peut encore avoir de belles années devant elle. Avant ses 18e, 19e et 20e triomphes "grand-chelemiens", Federer, bredouille de Wimbledon 2012 à l'Open d'Australie 2017, avait été annoncé bon pour l'EHPAD a de nombreuses reprises.
