Richard Gasquet le remarquait avant d’affronter Grigor Dimitrov au second tour de Roland Garros : les jeunes ont disparu du haut du classement ATP. Mais pourquoi ? Niveau élevé, manque de maturité, pression ou simple manque de talent. Tentative d’explication.
« Là, tu as la génération Tsonga, Monfils, Gasquet… Et après, tu as une sorte de vide jusqu’à la génération 1994. » Entraîneur bavard de l’atypique Benoît Paire, Lionel Zimbler dresse là un bien triste bilan. Un constat franco-français valable à l’échelle mondiale : où sont passés les jeunes pousses du tennis planétaire ? A une heure où les basketteurs, les footballeurs et bien d’autres, débarquent dès leur plus jeune âge sur les pelouses ou les parquets, les tennismen, autrefois aussi précoces, paraissent marquer le coup depuis l’éclosion de la génération Nadal, Murray et Djokovic. Attendu au plus haut niveau par la vox populi depuis « qu’il est dans sa poussette », Richard Gasquet fait partie des derniers jeunes joueurs à être parvenu à se hisser rapidement dans le top 100. Puis dans le top 20. C’est fort de cette expérience et avant sa rencontre contre le talentueux Grigor Dimitrov, 21 ans, que le Biterrois balance un pavé dans la marre : « Aujourd’hui, c’est encore plus dur pour les jeunes.» Oui, mais pourquoi ?
Le tennis, c’est dur
Le tennis est également une filière bouchée. Beaucoup de prétendants et peu d’élus, dans un sport qui, contrairement à d’autres, est populaire aux quatre coins du globe. Pour Nicolas Pietrowski, coach de la jeune Russe Daria Salnikova, cette difficulté d’insertion est logique : « Le niveau moyen a augmenté. C’est plus compliqué pour une joueuse du circuit de passer les étapes ». Plus de joueurs, plus de concurrence et donc, une certaine densification du niveau, même à l’échelle inférieure. « De nos jours, même les tableaux challengers sont difficiles » insiste Richard Gasquet. Conscient de cette densité, Lionel Zimbler, qui a vu passer Fabrice Santoro, Paul-Henri Mathieu et bien d’autres joueurs du top 100 entre ses mains, pense que l’évolution constante du monde du tennis amène les joueurs à éclore plus tard : « Pour percer dans le tennis et intégrer le top 100 avec le niveau actuel, il faut être mature. Etre talentueux, bon physiquement, travailleur et sérieux sont des choses cruciales pour réussir. Mais aujourd’hui, il faut surtout être mature. Savoir travailler, savoir comment s’entourer…»
Les lois de la génétique ?
Plus difficile donc, plus dense, le tennis mondial vit également une période creuse en terme de production de nouveaux talents. « C’est peut-être la vie qui veut ça », rajoute l’entraîneur actuel d’un des rares joueurs de 23 ans ou moins à être dans les 100 meilleurs mondiaux. « La raison à ce manque de jeunes n’est pas forcément explicable, tant la génération actuelle est exceptionnelle…» Même son de cloche chez un coach américain, visiblement de bonne humeur, mais qui a préféré garder l’anonymat : « C’est vrai qu’il y a un trou générationnel. Le niveau adulte est trop fort. Il est plus intense, plus exigeant.» Réglementée de manière très précise, la planète tennis pénalise peut-être elle-même ses jeunes pousses. Nicolas Pietrowski dénonce par exemple le fait que pour des jeunes de 16 ans, le nombre de tournois séniors soit limité à 12 par saison.
Le tennis, sport collectif
Un niveau exceptionnel, des joueurs bluffants, mais également une appréhension différente du monde du tennis. Aujourd’hui, tous s’accordent à dire qu’intégrer le gotha du tennis mondial n’est plus qu’une simple affaire de raquette et de balle jaune. Gros sous, entraîneurs, attachés de presse, kinés, plus que sa seule personne, un joueur représente aujourd’hui un team. Une pression financière supplémentaire qui, selon Lionel Zimbler, pénalise les jeunes joueurs non encadrés par la Fédération. Un avenir sombre qui n’empêche pas un David Goffin, 21 ans, de s’offrir un huitième de finale à Roland Garros face à son idole Roger Federer. Le tennis peut changer, il fera toujours rêver.
Par Swann Borsellino et Victor Le Grand