Top 5 : les hippies

3 avr. 2013 à 14:43:33

Dans les années 1960-70, entre le festival de Woodstock et le papier peint orange, le mouvement du flower power a aussi gagné le monde du tennis. Comment ? A travers la présence sur le circuit de plusieurs joueurs...

Dans les années 1960-70, entre le festival de Woodstock et le papier peint orange, le mouvement du flower power a aussi gagné le monde du tennis. Comment ? A travers la présence sur le circuit de plusieurs joueurs aux comportements marginaux. Les journalistes les regroupaient même sous le terme générique de « bande hippie ». Mais chacun avait ses spécificités. Tour d’horizon de ces énergumènes qui ont beaucoup plu au public féminin…

 

1/ Torben Ulrich

Une moue dubitative. C’est l’expression que tous les fans de Metallica font quand quelqu’un leur apprend que le père de Lars Ulrich, créateur et batteur du groupe américain de heavy metal, fut un très grand joueur de tennis. Avant d’hurler dans un micro, le petit Lars a passé son enfance dans les allées chics des plus grands country-club du monde. Plus qu’une bonne raquette, daddy est du reste un véritable hippie danois, qui refuse tout autant de s’entrainer que d’aller chez le coiffeur ou de se raser la barbe. La légende raconte qu’à son apogée, elle a mesuré 50 cm. Après un séjour en prison pour avoir déserté sa caserne durant son service militaire, Torben ne vient pas à Roland Garros en 1958 car son père (le grand-père de Lars Ulrich donc), alors directeur de la Fédération danoise, n'a pas apprécié le discours du général de Gaulle sur la crise d’Alger. Pis, ce couche-tard refuse catégoriquement de jouer au tennis le matin. Tout début 1968, lors d’un petit tournoi australien, alors que son match est programmé à midi, il arrive dans le coaltar et se retrouve vite mené 6-0 5-0 ; avant de finalement remporter la rencontre. Aussi, à cette époque, on le voit très souvent traîner du côté de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, à sillonner les clubs de jazz où il propose de jouer du Boogie-woogie pour pouvoir entrer sans payer. « Suis-je donc un homme qui rêvait d’être un papillon de nuit, ou suis-je maintenant un papillon de nuit rêvant que je suis homme ? », rêvasse-il un jour. Clarinettiste de génie, l’un des meilleurs d’Europe, Torben touche aussi à la philosophie, à l’écriture, à la peinture, au journalisme, à la télévision, et même au cinéma. En 1969, il apparait dans un court métrage de Jorgen Leth, chantre danois de l’underground qui a beaucoup influencé Lars Van Trier. Bref, un joueur complet.

2/ Raymond Moore

« Chacun est libre de faire ce qu’il veut avec ses cheveux ». De tous les joueurs hippies, le Sud-Africain Raymond Moore est le plus insolent, le plus arrogant, celui qui se fout le plus ouvertement du protocole et l’assène à longueur d’interview : « Je fais ce que je veux, quand je veux, où je veux ». Comme Ulrich, Moore déteste jouer le matin. Il prétend même sortir du lit une heure avant l’horaire auquel il est convoqué, pas avant. Gros fumeur de marijuana, ce n’est pas son style de vie qui est décrié. Mais son look : crinière rousse ou teinture blonde, moustache ou favoris, ce fan des Rolling Stones arbore à l’envie un tee-shirt avec la mention « Rebel » ou « Humpty Dumpty », un personnage imaginaire en forme d’oeuf issu d’une comptine anglaise. Un certain anticonformisme qui ne l’a pas empêché d’être 34ème mondial en 1976, de jouer deux finales en simple et de glaner 8 titres en double. « Je crois en une certaine philosophie hippie, déclare-t-il un jour. Il y a du fric dans le tennis mais je n’y peux rien. C’est la chose que je fais le mieux et il faut bien manger trois fois par jour ».  

3/ Thomaz Koch

Peut-être à tort, le gaucher brésilien Thomaz Koch fut longtemps fiché dans la catégorie « hippie ». En cause : ses cheveux longs, son bandana et son impressionnante érudition. Dans les années 1960, c’est lui qui initie son ami Guillermo Vilas à la grande littérature. Mauvais élève, l’Argentin n’en retiendra que les cours de mode. « Je me planquais dans les vestiaires pour scruter la façon dont il marchait et surtout s’habillait, explique-t-il. Question style, je dois bien avouer que je lui dois tout ». Moins flamboyant et excentrique que son disciple, Koch fait néanmoins les titres des journaux en 1972, lorsqu’il s’enfuit malgré l’opposition de sa belle-famille avec une Brésilienne de 18 ans. Peace & Love.  

4/ Ray Keldie

Juin 1973. Pour avoir refusé sa sélection en Coupe Davis par BNP Paribas, le Yougoslave Nikola Pilic est sanctionné par la Fédération internationale qui le suspend pour le tournoi de Wimbledon. Par solidarité, la quasi-totalité des meilleurs professionnels et amateurs se déclarent eux-aussi forfaits. Sauf trois d’entre eux : Ilie Nastase qui craint de se faire radier par sa fédération ; Roger Taylor qui en tant qu'Anglais prétend respecter avant tout son public ; et, pour des « raisons personnelles », le modeste australien Ray Keldie : hippie jusqu’au bout des cheveux et sosie sportif de Jésus-Christ. Paradoxal, non ? « Je suis le seul fondateur de l’ATP à s’être vu refuser ses pensions de retraite, révèle-t-il en 2006. Quarante ans plus tard, je paie encore ce foutu boycott que je n’ai pas souhaité respecter ».  

5/ Harold Blauer

Tennisman, enseignant, célibataire et dépressif, l’Américain Harold Blauer pousse un matin de décembre 1952  la porte de l’Institut psychiatrique de l’état de New York. Pour soigner ses troubles mentaux, l’établissement lui propose l’injection par intraveineuse d’une toute nouvelle substance révolutionnaire. Harold hésite un peu, décline même franchement, jusqu’à ce que les infirmières le menacent de l’envoyer dans la clinique de Bellevue. Un établissement dirigé par le Docteur Lauretta Bender, pionnière du traitement des troubles mentaux par chocs électriques… Finalement, Harold accepte les perfusions. Le 8 janvier 1953, Harold Blauer décède d’une cinquième injection de mescaline consécutive (hallucinogène puissant extrait de certains cactus, ndlr). Il faut dire que la dernière dose était seize fois plus forte que les précédentes. Joueur discret, Harold devient ainsi la première victime du MK-Ultra, un programme d’étude du comportement initié par la CIA. Un projet censé appréhender la complexité de l’être humain : hypnose, torture et prise de drogues diverses. « Le gouvernement américain a choisi Mr. Blauer parce qu’il menait le train de vie de ce qu’on appellera plus tard un hippie, explique une source proche du dossier en 1987. C’est dramatique, mais pour nous ce n’était qu’un cochon dinde ».   Par Victor Le Grand et Julien Pichené

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