Mais diable, comment font les arbitres pour rester assis pendant cinq heures ?

26 mars 2013 à 16:10:53

Assis (moyennement confortablement) dans leur chaise à 1m80 du sol et à 50 cm du court, les arbitres de chaises sont aux premières loges pour apprécier une rencontre. Mais à la différence du spectateur et du...

Assis (moyennement confortablement) dans leur chaise à 1m80 du sol et à 50 cm du court, les arbitres de chaises sont aux premières loges pour apprécier une rencontre. Mais à la différence du spectateur et du téléspectateur, ils ne peuvent ni trifouiller leur smartphone, ni changer de chaîne. Zoom sur un métier à part.

  On peut occuper le meilleur spot parmi la dizaine de milliers de sièges que compte un stade de tennis, au point de rendre jaloux les Belmondo, Bruel and Co dans leur carré VIP, et ne pas apprécier un Nadal-Ferderer à sa juste valeur. Voilà tout le paradoxe de la vie d’arbitre professionnel. « Sur notre chaise, on est certes aux premières loges pour assister aux matchs, mais c’est un privilège nuancé par l’effort psychologique que ce métier demande. Au final, on ne prend pas du plaisir sur toutes les rencontres », résume le Français au nom tout trouvé, Alexandre Juge, arbitre sur les circuits ATP et WTA depuis 1994. Et pour cause, le moindre relâchement peut-être fatal. Combien de joueurs avec le match en main ont sombré mentalement suite à une faute d’arbitrage en leur défaveur ? « Un danger qu’il faut minimiser à tout prix », selon Alexandre Juge. Que le match dont il a la charge soit expédié en 1h30 ou dure plus de 11 heures comme le fameux Isner-Mahut de Wimbledon 2010, un arbitre se doit donc d’être concentré en permanence. Et ne pas croire que les courts laps de temps qui séparent la fin d’un point de la mise en jeu du suivant sont prétextes à la distraction, si l’on en croit Franck Sabatier, sorte de grand manitou de l’arbitrage à la Fédération Française de Tennis : « Un arbitre ne peut pas se permettre de penser à sa liste de courses ou autre entre les points, ni même lors des changements de côté. Il faut rester en alerte : vérifier qu’un joueur ne reçoit pas de conseil du coach, gérer le trop plein d’enthousiasme du public, s’assurer de la qualité des balles etc. Au final, il n’appréhende pas du tout le match comme un spectateur. »  

Mannequin en tribune et dossier SNCF

Un travail qui demande certaines qualités aussi bien physiques que psychiques et une hygiène de vie relativement soignée. Mieux vaut également prendre ses précautions, car si un arbitre a pleinement le droit de s’absenter pour aller satisfaire une envie pressante, « le faire s’apparente à une faute professionnelle selon moi, ose Alexandre Juge. On évite donc de boire du café dans les deux heures précédant un match ». D’autant que certains duels peuvent durer plus longtemps que prévu, occasionnant quelques problèmes logistiques. « Il m’est déjà arrivé de réserver un train pour 17 heures et d’être encore sur le court à 17h30. Une pratique courante dans le milieu est de glisser discrètement un mot au ramasseur de balles avec les références du voyage, pour qu’il aille prévenir le juge arbitre afin qu’il se charge de modifier la réservation », s’amuse l’arbitre Jérôme Layer.   Dans les faits, difficile toutefois de ne faire preuve d’aucun moment d’égarement. « Je vous mentirais si je disais que ça n’arrive jamais. Si un mannequin s’installe en tribune, on ne va pas non plus s’interdire de la regarder pendant 5 heures. Mais on redouble de vigilance lors des moments charnières, à 4-4 par exemple », détaille Jérôme Layer. Souvent utilisé comme un moyen pas très clean de casser le rythme de l’adversaire lorsqu’un joueur est en difficulté, l’appel au kiné est également une sorte de délivrance pour le juge arbitre, qui peut enfin déconnecter, même s’il ne doit pas sortir du match. « De même, descendre de sa chaise pour aller confirmer qu’une balle est faute ou non est un bon moyen de se dégourdir les jambes et de casser la routine. C’est pourquoi je ne rechigne jamais à m’exécuter quand un joueur conteste une décision », précise Layer. Reste toutefois une question : quid de la lassitude ressentie lorsque deux joueurs donnent le sentiment de ne jamais vouloir en finir ? « Détrompez-vous, on fait tous ce métier pour arbitrer des matchs en 5 sets. Ce sont ceux qui passent le plus vite, et la concentration vient d’elle même », avance Alexandre Juge. La durée d’une rencontre serait donc inversement proportionnelle à l’ennui qu’elle suscite, de par le caractère exceptionnel des matchs à rallonge et le challenge qu’ils offrent. Un avis que partage Franck Sabatier : « Sur les 230 matchs qu’un arbitre fait par an, seulement une dizaine excèdent les quatre heures. Et puis, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas eux qui souffrent le plus ».  

Par Marc Hervez

Avantages

Découvrez les avantages WE ARE TENNIS

En savoir plus