Bientôt une décennie que le tennis masculin est dominé par trois noms : Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic. Cette époque un peu particulière ne doit pas faire oublier l’instabilité des années précédentes, quand le leadership virait chaque semaine ou presque à la foire d’empoigne. Top 10 des tennismen aux règnes les plus courts.
Patrick Rafter – 1 semaine
En 1999, Patrick Rafter entre doublement dans l’histoire. D’abord pour avoir été le premier à affronter – et battre – Roger Federer en tournoi du Grand Chelem. C’était à l’occasion des Internationaux de France de Roland-Garros. Puis pour être encore à ce jour le numéro 1 mondial au règne le plus court : une seule petite semaine, entre le 26 juillet et le 1er août. L’Australien croit pourtant pouvoir asseoir sa domination lors de l’US Open de ce même été 99. Il faut dire qu’il l’aborde en tant que double tenant du titre. Mais blessé au genou, il s’incline dès le 1er tour face au Français Cédric Pioline. Un sacré coup d’arrêt, puisqu’il ne remporte plus un seul tournoi majeur par la suite et prend sa retraite trois ans plus tard. Tant pis pour « Pat », qui a quand même eu droit à son quart d’heure de gloire warholien.
Carlos Moya – 2 semaines
S’il ne devait retenir qu’une année dans sa carrière, Carlos Moya choisirait certainement 1998. A 21 ans, l’Espagnol surprend son monde à Roland-Garros et se voit remettre la coupe des Mousquetaires des mains du mythique Pelé, et alors que la Coupe du monde s’apprête à débuter en France. Mais ce n’est que 10 mois plus tard qu’il parvient à bouter Pete Sampras hors de son fauteuil de leader du classement ATP. Dans la foulée, Moya s’incline dès le 4e tour à Roland-Garros, face au futur vainqueur Andre Agassi. Puis c’est la blessure à l’US Open. Il ne le sait pas encore, mais ses plus beaux moments de sportif sont déjà derrière lui.
Marcelo Rios – 6 semaines
C’est après une finale disputée lors de l’Open d’Australie en 1998, enchaînée avec une victoire à Indian Wells, que Marcelo Rios double Pete Sampras au classement ATP. Au journaliste lui demandant si cette place de n°1 mondial le rapproche de la légende du tennis sud-américain Guillermo Vilas, le ténébreux chilien se permet de chambrer : « Vilas ? Qui c’est Vilas ? Il n’a jamais été numéro un. » Vrai, mais Rios ne l’est pas beaucoup plus : 6 semaines seulement au total, avant que Sampras ne reprenne son bien. La faute notamment à une énième contre-performance à Wimbledon, un tournoi qui ne lui a jamais réussi. Pas assez gentleman, certainement…
Thomas Muster – 6 semaines
Il fut un temps que les moins de 20 ans n’ont pas connu. Un temps où deux Américains dominaient le tennis mondial : l’un atteint de calvitie précoce, Andre Agassi, l’autre doté de sourcils broussailleux, Pete Sampras. En 1996, les deux larrons n’ont laissé que des miettes à leur seul adversaire crédible, un bucheron autrichien qui parvient à se taper l’incruste en haut du classement l’espace de quelques semaines. Il aura fallu que Thomas Muster conquiert pas moins de 19 titres ATP en deux ans pour ravir cette place plus que méritée de numéro un mondial. Trop d’efforts pour une gloire éphémère : dès le printemps 1997, après un dernier gros titre acquis à Miami, il décline et rétrograde irrémédiablement au classement.
Ievgueni Kafelnikov – 6 semaines
Nom : Kafelnikov ; prénom : Ievgueni ; nationalité : russe ; profession : joueur de tennis pro ; profil : glouton. Et l’on ne parle pas là de ses généreuses bajoues ni de l’embonpoint qu’il alimente depuis sa retraite en 2003 mais bien de sa fâcheuse tendance, du temps de sa splendeur, à ne pas savoir dire non au moindre tournoi. D’où sa réputation de courir un peu trop les cachets. D’où aussi son palmarès, certes honnête mais qui aurait pu être nettement plus conséquent s’il avait su mieux gérer ses saisons. En 1999 néanmoins, il parvient à devenir numéro 1 mondial durant un mois et demi, dans la foulée de sa victoire à l’Open d’Australie. Une gloire éphémère avant de retrouver sa place d’éternel outsider des circuits. Dommage…
John Newcombe – 8 semaines
Gloire au senior : John Newcombe possède assurément le plus beau palmarès de ce top 10, avec pas moins de sept tournois du Grand Chelem remportés au cours de sa carrière. Problème : cinq de ces sept victoires datent d’avant l’instauration du circuit ATP en août 1973. Dommage aussi pour lui qu’il ait évolué à l’époque où la carrière d’Ilie Nastase était à son apogée et où un certain Jimmy Connors commençait son ascension. Entre les deux, huit petites semaines seulement à occuper le fauteuil de leader. Très exactement entre le 3 juin et le 28 juillet 1974. Sinon extra-sportivement, le fait-marquant de John Newcombe reste d’avoir été le compagnon de beuverie du jeune George W. Bush, futur président des Etats-Unis, lorsque ce dernier fut arrêté pour conduite en état d’ivresse en septembre 1976.
Juan Carlos Ferrero – 8 semaines
Le 8 septembre 2003, c’est Juan Carlos Ferrero qui a mis fin au dernier règne d’Andre Agassi, grâce au duel entre les deux hommes remporté par l’Espagnol en demi-finale de l’US Open. La fin d’un règne, le début d’un autre ? Pas exactement, puisque seulement deux mois après, c’est Andy Roddick, vainqueur final de l’US Open, qui ravit la première place du classement ATP à Ferrero. Dommage pour le bon Juan Carlos, qui n’a pas vraiment eu le temps de capitaliser sur sa victoire à Roland-Garros, acquise au printemps précédent…
Marat Safin – 9 semaines
Plus fort encore que Ferrero mettant fin au règne d’Agassi, Marat Safin fait tomber de son piédestal l’empereur Pete Sampras en novembre 2000, après un total de 286 semaines en tête des charts. Vainqueur de l’US Open cette année-là, Safin est tout de suite gêné dans son ascension par Gustavo Kuerten, qui convoite le même trône. Le Russe et le Brésilien vont alors se livrer un mano a mano pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que « Guga » ne prenne un avantage définitif au printemps suivant. Safin le tsar a manqué de constance pour vraiment s’imposer sur le circuit, mais il laisse le souvenir d’un joueur aussi attachant qu’imprévisible. La preuve avec cette étonnante et néanmoins récente reconversion dans la politique en tant que député sous l’étiquette de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine !
Boris Becker – 12 semaines
Le seul Allemand n°1 mondial chez les hommes a atteint les sommets du tennis qu’une fois son pays réunifié, suite à la chute du Mur. C’était en 1991, grâce à une victoire à l’Open d’Australie – son 5e tournoi du Grand Chelem – puis une finale à Wimbledon. Mais bien vite, son éternel rival Stefan Edberg reprend sa domination. Il lui faudra attendre cinq ans et un nouvel Open d’Australie pour ravir son 6e et dernier tournoi du Grand Chelem. A l’époque cependant, un nouveau duel fait déjà rage : celui que se livrent Sampras et Agassi…
Andy Roddick – 13 semaines
Le Yankee est le seul des dix à avoir terminé une saison en tant que n°1 mondial. C’était en 2003, après sa brillante victoire à l’US Open. Roddick n’a alors que 21 ans et beaucoup pensent qu’il est là pour longtemps. C’est sans compter sur l’irrésistible ascension d’un certain Roger Federer, qui gagne en Australie à l’hiver 2004 son deuxième tournoi du Grand Chelem et monte pour la première fois de sa carrière tout en haut de la hiérarchie mondiale. Un poste qu’il ne va plus lâcher pendant plus de 4 ans, avant que Rafael Nadal ne vienne contester son leadership. Le début d’une nouvelle ère en somme, et Roddick ne s’en relèvera pas : par quatre fois ensuite, il se hissera jusqu’en finale d’un tournoi du Grand Chelem et par quatre fois il échouera, toujours face au même homme : Roger Federer. Implacable.
Par Régis Delanoë