Blessé après s’être pris les pieds dans une bâche lors du troisième tour de Roland-Garros, David Goffin ne s’en remet pas : la bâche n’avait rien à faire là et la surface de recul serait trop petite pour assurer la sécurité des joueurs. Une fausse polémique ?
C’est ce qu’on appelle une blessure bête. Dominé dans l’échange par Horacio Zeballos, David Goffin ne lâche rien. Quitte à aller chercher des balles loin, très loin des zones intérieures du terrain. Sur un revers de son adversaire, le Belge, complètement dépassé et condamné à faire l’essuie-glace, parvient tant bien que mal à remettre la balle… Sauf qu’il y laisse sa cheville droite, venue se coincer sous la bâche prête à être dégainée en cas de pluie et placée tout au fond du court. Résultats : une chute, un bel œdème qui fait fortement penser à une entorse, un forfait qui l’élimine de Roland-Garros dès le troisième tour, deux semaines d’absence au minimum et des doutes sur sa présence à Wimbledon. Sans oublier une polémique concernant l’espace offert au joueur en fond de court réduit par la présence de la bâche, sachant que Gilles Muller a connu la même mésaventure sur le Court 1 quelques jours plus tôt, devant renoncer au double.
Après la partie, Thierry Van Cleemput, entraîneur du douzième joueur mondial, a ainsi mis le sujet sur la table en conférence de presse : « La question de la bâche, elle existe... Je pense que le staff de Roland-Garros est professionnel et qu'il se pose les questions nécessaires. Il va sûrement y avoir des mesures qui seront prises pour améliorer la sécurité des joueurs sur le court. » Une question qui n’a absolument pas lieu d’être pour Jacques Simeon, dirigeant des Courts Simeon (entreprise spécialisée dans la création et la rénovation des courts de tennis) : « Susciter une polémique parce qu’il a chuté sur une bâche, c’est ridicule. L’explication est simple : le tennis a beaucoup évolué depuis vingt ans, on a maintenant affaire à des athlètes qui sont assez extraordinaires et qui essayent de rattraper des balles improbables, quitte à sauter sur des murs. Goffin a essayé, il a chuté, tant pis pour lui. Ça aurait pu arriver à Melbourne ou ailleurs. Les critiques ne sont pas recevables. Il prend un risque, à lui d’assumer s’il se fait mal. Il n’a aucune critique à formuler. » Surtout que sur le plan réglementaire, le terrain du Suzanne-Lenglen (où Goffin s’est blessé) est irréprochable. La surface de recul, constituant la distance entre la ligne de fond de court et les panneaux publicitaires des tribunes, doit mesurer 6,40 mètres au minimum. Si cette distance augmente pour les grands tournois, comme ceux du Grand Chelem, celle du Suzanne-Lenglen fait huit mètres. La bâche, elle, croque environ un demi-mètre. Goffin a donc cogné sur un objet situé 7,5 mètres derrière lui. Argument repris par Guy Forget, directeur du tournoi, pour répondre aux critiques face à la presse : « Le joueur doit aussi composer avec les limites du terrain, et David le sait. C'est la faute à pas de chance (…) Un stade de tennis a ses limites, à New York, à Londres, à Melbourne, partout, ce n'est pas un terrain de foot. Aujourd'hui, la qualité de déplacement de certains joueurs est telle qu'ils ramènent des balles impossibles. »
« C’est pareil que se cogner dans une chaise d’arbitre »
Rafael Nadal, lui, s’est également immiscé dans le débat en soutenant Goffin. « J'ai toujours trouvé que cette bâche était dangereuse et pas placée au bon endroit », a-t-il lâché. Sauf qu’on ne « peut pas la mettre ailleurs, rétorque Jacques Simeon. Ou alors, il faudrait inventer un système complètement délirant avec une trappe qui s’ouvre quand il y a de la pluie. » Même son de cloche du côté de Forget : « Les bâches, il faut bien les stocker quelque part, que ce soit au fond du court, ou sur les côtés comme à Wimbledon. Tout le monde est content quand on peut les dérouler très vite s'il pleut (…) Certes, les bâches sont encore positionnées un peu plus loin sur le Central, mais aussi beaucoup plus près sur plein d'autres courts moins importants. » Et Simeon d’ajouter : « De toute façon, si les terrains sont si grands à Roland, c’est justement pour placer le mobilier dans de bonnes conditions. Ce n’est pas le premier joueur à se prendre une gamelle sur quelque chose. C’est pareil que se cogner dans une chaise d’arbitre, hein. » Car c’est bien là que la futilité de la discussion sur la bâche apparait : en réalité, la bâche fait partie du mobilier, au même titre que les panneaux publicitaires ou les chaises de juges de ligne. Faire de la bâche un cas à part n’est donc pas recevable.
Dans ces conditions, pourrait-on envisager d’agrandir les courts, tout simplement ? Interrogé sur l’accident par la presse, Roberto Bautista-Agut signerait des deux mains pour cette solution. Surtout à Roland : « Jouer sur terre battue nécessite davantage de mètres carrés. Cette bâche est placée là en cas de pluie mais du coup, on perd de l'espace. » Reste que Jacques Simeon coupe court à la discussion : « Aujourd’hui, il n’est pas du tout question d’agrandir les terrains sous prétexte que le jeu a évolué. Vous avez des joueurs qui évoluent par équipe sur des petits terrains, et ils s’en contentent complètement. Cette idée n’est pas recevable. Agrandir les terrains ne règlerait pas le problème : les joueurs iraient toujours se cogner sur des trucs en fond de court. » Aux plus fantasques de mieux juger les risques auxquels ils s’exposent.