Ils sont fous ces Roumains !

13 nov. 2012 à 17:00:06

Quel accueil le public tchèque va-t-il réserver aux joueurs espagnols le week-end prochain à Prague ? Un accueil bouillant sans doute. Mais toujours moins que le « monument d'anti-sportivité » vu il y a tout juste 40...

Quel accueil le public tchèque va-t-il réserver aux joueurs espagnols le week-end prochain à Prague ? Un accueil bouillant sans doute. Mais toujours moins que le « monument d'anti-sportivité » vu il y a tout juste 40 ans, lorsque la Coupe Davis par BNP Paribas avait fait escale à Bucarest. Les 13, 14 et 15 octobre 1972, les Roumains avaient fait vivre un week-end cauchemardesque aux Américains.

Une armée de spectateurs roumains ivres d’excitation, des juges de ligne n’osant même plus annoncer les fautes, une équipe américaine dans la psychose à cause de la tuerie des Jeux Olympiques de Munich qui venait d’avoir lieu quelques jours plus tôt… Jamais la Coupe Davis par BNP Paribas, cette vieille dame de 112 ans, n’avait vécu finale aussi folle. Octobre 1972, dans un Bucarest tout émoustillé d'accueillir pour la première fois une grande manifestation sportive, Ion Tiriac et Ilie Nastase, héros géniaux mais politiquement incorrects de tout un peuple, ont bien failli rompre la supériorité des Etats-Unis, alors invaincue depuis 1967. Ces derniers, emmenés par Stan Smith, tenant du titre à Wimbledon, et Tom Gorman, demi-finaliste à l’US Open un mois plus tôt, ont arraché la victoire 3 à 2. Mais ici le résultat importe peu ; ce qui compte c’est la manière. Dans ce pays qui recense alors à peine 5.000 licenciés, « on était à 1.000 lieues du tennis gentleman qui a cours partout ailleurs », écrira la presse française, qui y voit « un monument d’anti-sportivité » et pour qui « la Coupe Davis nous a rappelés les heures les plus sombres de la coupe d'Europe de football ou de rugby. » Rien que ça !  

Il boude sur le siège d’un juge de ligne

Retransmise à l’époque sur la première chaîne (pas encore TF1), la rencontre est impossible à commenter. Derrière son micro, Christian Quidet a bien du mal à trouver les mots pour décrire l’enfer de Bucarest. « Le juge-arbitre ne sait plus où donner de l’intervention. Ralston, le capitaine américain n’ose plus se plaindre de quelques fautes d’arbitrage flagrantes de peur d’envenimer la situation. Les Américains, qui n’ont jamais joué un match dans ses conditions, sont saoulés de fatigue, de chaleur et de bruit » écrira-t-il plus tard dans sa Fabuleuse histoire du tennis. Si toutes les rencontres se jouent dans une ambiance enfumée indescriptible, quelque part entre la fête de l’Huma et le tripot sarrasin, LE match le plus désopilant de ces trois jours est sans nul doute celui qui voit la victoire, le premier jour, du « vieux » Ion Tiriac (et de ses improbables coups droits chopés) sur le sémillant Tom Gorman (et de son efficace jeu de service-volée). Encore meilleur acteur que joueur, Tiriac, maitre-ès chapardage sur un court et devenu aujourd’hui l’un des hommes d’affaires les plus riches du monde, joue l’arbitre sur chaque point. Encore plus bavard que Woody Allen dans Annie Hall, le Roumain engage des discussions interminables dès qu’une balle se trouve près de la ligne, afin de casser le rythme adverse. A la fin du quatrième set, il s’en va bouder pendant six minutes (!) sur le siège d’un juge de ligne, refusant catégoriquement de reprendre le jeu.  

« J'ai perdu l'estime que j'avais pour vous »

En rentrant au bercail, Stan Smith, l’impeccable leader de l’équipe américaine - et le monsieur des fameuses chaussures - donne une leçon aux deux vilains garnements : « J'ai perdu l'estime que j'avais pour vous. Je vous respecte toujours en tant que joueur, mais plus en tant qu'homme. » Tom Gorman, lui, s’interroge : « Chez nous, j'ai toujours trouvé que les spectateurs ne nous encourageaient pas assez. Maintenant, je me demande si je le souhaite encore. » Œil pour œil, dent pour dent. L’année suivante, lors d’une rencontre « retour », le public américain réserve un accueil glacial à Nastase, à Alamo. On est même obligé d’interrompre le jeu pour supplier le public d'être courtois. L'histoire de l’arroseur arrosé.   Par Julien Pichené

Avantages

Découvrez les avantages WE ARE TENNIS

En savoir plus