« L’histoire n’est-elle qu’un éternel recommencement ? ». Souvent proposé au bac à l’épreuve de philo, le sujet a désormais trouvé un merveilleux cas d’école dans le domaine sportif avec Roger Federer, auteur à 35 ans d’un début d’exercice 2017 digne de ses plus grandes saisons. Pourtant, depuis 10 ans, le monde entier a déjà annoncé sa mort au moins une fois. Top 10 des plus beaux enterrements de Federer.
Miami 2007, battu en huitièmes de finale par Guillermo Canas 7/6 2/6 7/6
Alors qu’il marche sur les traces de la série record de Guillermo Vilas (46 matchs gagnés de suite en 1977), Roger Federer est stoppé à 41 par Guillermo Canas, 60è mondial. Tout juste revenu d’une suspension de quinze mois consécutive à des soupçons de dopage, le marteau argentin sort le numéro 1 mondial dès son premier match à Indian Wells, avant de bisser dix jours plus tard en Floride, cette fois en huitièmes de finale et devant un public en partie acquis à la cause de Canas. Un énorme coup dur pour Federer, dont les mots en conférence de presse sont inhabituels. « Je m’attendais vraiment à gagner. C’est l’un de ces matchs que je n’aurais pas dû perdre ». La fin d’un règne tranquille ?
Wimbledon 2008, battu en finale par Rafael Nadal 6/4 6/4 6/7 6/7 9/7
Un quart de siècle après l’un des plus grands exploits du tennis, Roger Federer se retrouve à un match de faire mieux que Björn Borg : gagner Wimbledon six fois de suite. Mais un mois après l’avoir étrillé en finale de Roland-Garros, Rafael Nadal lui chipe la part de gâteau à l’issue d’un chef d’œuvre de 4h48, conclu à la tombée de la nuit. Pour Federer, peu importe d’avoir participé là à l’un des plus grands moments de l’histoire de son sport. « Rafa est le pire des adversaires sur le meilleur des courts. » Pour la première fois de sa vie, il parle d’une « catastrophe ». Et selon Mats Wilander, s’il ne fera pas un « burn out » à la Borg, il pourrait développer un complexe Nadal. « A partir de maintenant, dans la tête de Rafa, il sera le favori de chacun de leur match. Quel que soit la surface ! ». Une page se tourne ?
Roland-Garros 2010, battu en quart de finale par Robin Söderling 3/6 6/3 7/5 6/4
Dur de se (re)fixer des objectifs quand on a tout réussi. « La défaite fait moins mal qu’autrefois, parce que j’ai tellement gagné ! ». Avant de comprendre que c’était une parole en l’air, (Federer ne cache pas aujourd’hui qu’il aimerait aller jusqu’aux 20 titres majeurs), on a cru que le Suisse allait s’ennuyer après avoir (enfin) remporté Roland-Garros en 2009, dernier majeur qui manquait à son CV. Cette fausse impression est confortée en 2010 lorsqu’il perd son titre parisien en quart de finale contre le « boxeur » Robin Söderling qui le met K.O en quatre sets. Depuis Roland-Garros 2004, « Fed » avait toujours atteint le dernier carré en Grand Chelem, soit vingt-trois fois de suite. Le soir même, France Soir demande sur son site internet « pourquoi Federer est fini ? ». Et pour encore moins bien faire passer la pilule, il cède de nouveau sa place de numéro 1 mondial à Rafael Nadal...
Wimbledon 2013, battu au deuxième tour par Sergiy Stakhovsky 6/7 7/6 7/5 7/6
Triple humiliation. En 2012, Sergiy Stakhovsky fustige l’attitude de Roger Federer lorsque les joueurs font bloc pour exiger l’augmentation des gains lors des premiers tours, « Lui n’a rien dit. Il a trop peur pour son image. » Un an plus tard lors du deuxième tour de Wimbledon, le Suisse est incapable de se venger raquette en main et enregistre sa pire défaite en majeur depuis 2002... Même son grand pote Jürgen Melzer se permet de le tacler en sortant l’Ukrainien deux jours plus tard en quatre sets. « Mon objectif dans ce match, c’était de montrer à Stakhovsky que je ne suis pas Federer, et que je suis capable de retourner son service et de lui faire jouer des volées difficiles. » Le début de la fin ?
Gstaad 2013, battu en huitièmes de finale par Daniel Brands 6/3 6/4
Quelle est la plus mauvaise idée de Roger Federer ces dernières années ? Aller se consoler sur terre battue après une défaite prématurée à Wimbledon, ou changer de raquette en cours de saison ? Durant l’été 2013, le numéro 5 commet les deux erreurs en même temps, et le paie tout d’abord sur la terre lourde et humide d’Hambourg, où Federico Delbonis devient le premier joueur né dans les années 90 à battre le maître. Six jours plus tard sur les hauteurs de Gstaad, il remplit la Roy Emerson Arena pour sa première visite dans l’Oberland bernois depuis 2004, mais se fait humilier d’entrée en 1h06 par le forçat Daniel Brands (6/3 6/4). « Cette nouvelle défaite dévoile toutes les limites d’un joueur désormais en panne de confiance, lit-on alors dans Le Matin. Ce détour vers les hauteurs de Gstaad l’enfonce encore plus dans la crise. » Bientôt le dépôt de bilan ? En voyant cela, Nick Bollettieri lui conseille même de reprendre un revers à deux mains... « Si Federer veut revenir dans le big 4, il n’a plus d’autre choix. »
US Open 2013, battu en huitièmes de finale par Tommy Robredo 7/6 6/3 6/4
L’une de ses plus grosses croutes. Deux mois après l’échec de Wimbledon, le Suisse sombre contre un Tommy Robredo qu’il avait rossé jusqu’ici dix fois sur dix. L’Espagnol en état de grâce ? « Non, il n’a rien fait de différent. Pas de surprise. Il a joué son jeu, très simple » Programmé sur le court Louis-Armstrong pour la première fois depuis 2006, Roger Federer commet 43 fautes directes et gribouille un tennis d’attaque qui fait carrément de la peine au journal L’Equipe. « Son jeu de jambes à l’agonie quasiment dès le début du match, il a tenté de jouer le tout pour le tout au filet mais on ne s’improvise pas Patrick Rafter d’un jour à l’autre. » Sur RMC, Patrice Dominguez ne reconnait plus le joueur : « Il est plus lent qu’auparavant, il excentre ses frappes, il est en retard sur son côté droit. Il sert moins bien. Il y a moins de confiance dans tout ce qu’il fait. »
Roland-Garros 2014, battu en huitième de finale par Ernests Gulbis 6/7 7/6 6/2 4/6 6/3
« Toute l’intelligence de Gulbis est d’avoir su tirer profit du manque de jambes de Federer » analyse L’Equipe après cette preuve criante que le Suisse ne peut plus tenir la distance des cinq sets sur terre battue. « Cette défaite est le signe que sur une surface aussi difficile physiquement, le Suisse n’a plus les armes. » Dans l’ultime manche, le noceur et ex-fumeur letton (il prétend avoir arrêté début 2014) est clairement au-dessus de l’homme aux 17 titres majeurs. Et même face à celui qui l’avait élu « joueur le plus chiant du monde en conf’ de presse » un an plus tôt, Roger est incapable du moindre sursaut d’orgueil. Le monstre est-il devenu trop gentil ?
Open d’Australie 2015, battu au troisième tour par Andreas Seppi
Son plus mauvais début de saison depuis 2001. En quatorze années, jamais Federer n’avait perdu aussi tôt à Melbourne. Et surtout, personne ne pensait l’Italien capable de le sortir en quatre sets. Lors de leurs 10 premières rencontres, Seppi n’avait pu prendre qu’un seul set à la légende... Déboussolé, le Suisse ira chercher des excuses improbables après le match. « C’était difficile au niveau des conditions, il y avait de l’ombre. » La saison de trop ?
Wimbledon 2015, battu en finale par Novak Djokovic 7/6 6/7 6/4 6/3
Hors de question de classer cette défaite dans la même catégorie que la finale 2008 contre Rafael Nadal. Mais pour la deuxième fois de suite, le Suisse bute sur la dernière marche à Londres, de nouveau dominé par Novak Djokovic après une quinzaine remarquable, qui l’a notamment vu faire une prestation hors-norme en demi-finale contre Andy Murray. Pour beaucoup, Federer n’a plus les moyens physiques, à près de 33 ans, pour tenir le coup contre un autre membre du « Big 4 » quand la partie dépasse les 3 heures. Rôti, le « vieux » ?
Halle 2016, battu en demi-finale par Alexander Zverev 7/6 5/7 6/3
Contraint de zapper Roland-Garros, Roger Federer est méconnaissable à son retour début juin. D’abord sorti par Dominic Thiem en demi-finale à Stuttgart, il est dépassé une semaine plus tard dans « son » tournoi de Halle. Toujours en demi-finale, le « gamin » Alexander Zverev devient le premier joueur de moins de 20 ans à le battre depuis Andy Murray à Cincinnati en 2006. Octuple vainqueur de l’épreuve, Federer n’avait pas perdu avant la finale en Allemagne depuis 2002. Sur les sites sportifs, les commentaires des fans sont sévères... « J’ai comme l’impression que Federer a fait son temps ». « S’il continue de jouer alors qu’il ne fait plus peur à personne, c’est sans doute parce qu’il se fait chier chez lui. » « Federer est une sorte de Drucker du tennis. Rien à faire chez lui le dimanche du coup il vient se montrer »... Vaudrait mieux arrêter tant qu’il est encore temps ?