En début de semaine dernière, Wawrinka s'est distingué en frappant une balle qui a rebondi dans les parties génitales de Klizan. Ce que le Slovaque n'a pas franchement apprécié. Alors, peut-on considérer ce coup comme un manque de respect ? Et quelles conséquences peut-il avoir ?
Sur le court, Stan Wawrinka sert les dents. Tête de série numéro quatre, le Suisse galère au premier tour de l'Open d'Australie face à Martin Klizan, 34e mondial. Ce dernier mène 30-15, 4-4 sur le service de son adversaire dans le cinquième set. Si le vainqueur du dernier Open lâche son service, c'est balle de break pour un éventuel 5-4 en faveur de son adversaire. Alors, Wawrinka la joue à fond. Sur un mauvais amorti de Klizan, qui semble abandonner le point, le favori de la rencontre envoie un missile... directement dans les testicules du Slovaque, alors que le reste du terrain est ouvert. Lequel se plie de douleur malgré les excuses de son agresseur. Et perd finalement le set (6-4) en même temps que le match.
Volontaire, ce geste finalement pas si rare au tennis ? « Bien entendu, acquiesce Thomas Giraud, membre de la team Soyez P.R.O, méthode de coaching mental mise au point par Ronan Lafaix, qui collabore avec Gilles Simon et Stéphane Robert. Mais attention : son intention n'est pas de faire mal, mais de gagner le point. D'abord parce que ce n'est pas le genre de Stan, qui n'est pas considéré comme un bad boy sur le circuit. Et ensuite, parce qu'il veut gagner, et le meilleur coup à faire à ce moment-là, c'est de jouer sur le joueur. » Envoyer la balle sur son concurrent serait donc un coup comme un autre, qui ne manquerait absolument pas de respect à qui que ce soit. Il s'agirait même d'une arme à dégainer quand la situation l'impose, selon Thomas Giraud : « Les entraîneurs n'ont aucun scrupule à conseiller ce geste à un joueur. S'il permet de gagner le point, il faut le faire. L'idée, c'est de trouver la zone qui donne le maximum de chances de gêner l'adversaire. » Ainsi, jouer sur Klizan était la meilleure décision à prendre. Surtout dans la situation évoquée : « Quand on est un peu nerveux à 4-4, dans un match serré, on n'a pas forcément envie de prendre le risque de jouer le long des lignes. »
« C'est lui qui fait l'erreur de s'arrêter complètement »
« J'avais arrêté de jouer. Il aurait pu jouer partout ailleurs », s'est pourtant plaint Klizan, visiblement encore énervé en conférence de presse. Sauf que le gaucher, qui reste un joueur imprévisible et créatif capable de coups surprenants, peut très bien feindre l'abandon du point avant de s'y remettre, histoire de surprendre Wawrinka. Celui-ci l'a d'ailleurs bien souligné : « C'est un point très important. Il y a souvent eu le cas de joueurs qui font semblant de s'arrêter et qui mettent tout d'un coup la raquette. Je me suis déjà fait avoir. J'ai déjà raté des coups faciles comme ça. Là, je ne me suis pas posé de question. Je n'ai voulu prendre aucun risque. Et il a reçu la balle là où il ne fallait pas... Heureusement, il allait bien. C'est vrai, c'est rare de voir quelqu'un frapper si fort sur un autre. Mais c'est lui qui fait l'erreur de s'arrêter complètement. » Un joueur qui démissionne, l'autre qui envoie un message de domination : ce coup comporte également une donnée psychologique. « Le geste de Wawrinka, clairement en mode guerrier, ça veut dire : "Je ne te ferais aucun cadeau. Si tu es sur mon passage, tant pis pour toi" », estime Thomas Giraud.
Pour la victime, le geste peut prendre des allures d'humiliation et générer de la colère. Mais pour celui qui a commis l'affront, cela peut également renvoyer à un sentiment de honte. Dans les deux cas, il convient de savoir gérer la situation. Le préparateur mental le résume parfaitement : « Pour Wawrinka, ce n'est pas si facile. Dans sa position, certains se sentent mal à l'aise, et peuvent être déstabilisés. Ici, Stan réagit de la meilleure des manières : il enjambe le filet et va s'excuser. Il a raison, car dans le cas contraire, le public peut se mettre à le huer. Surtout, il parvient à passer à autre chose. Il vient prendre des nouvelles de Klizan et basta, terminé. » Ce qui n'est apparemment pas du tout le cas de Klizan. « Lorsqu'on prend une balle sur soi, il y a souvent de la colère, dans un premier temps. Et derrière, généralement, il y a de la rancœur, avec des pensées parasites qui sont à l'origine d'une dépense d'énergie inutile. On est encore dans le passé. Alors qu'à ce moment-clé du match, l'énergie doit uniquement être concentrée sur le jeu. » Ces propos sont confirmés par ceux du principal concerné face à la presse, qui pour analyser le fait de jeu passe de l'état émotionnel - « Ce n'était pas un accident » - au rationnel - « Si ça a gêné ma concentration ensuite ? Non. Mais je ne veux pas faire de commentaire. Je m'en fous ». Preuve que même après la partie, rien n'est oublié. Et que la victoire de Wawrinka peut partiellement s'expliquer par un geste en apparence anodin.