D’un coté, Serena Williams, Amélie Mauresmo et Andy Roddick. De l’autre, Charles Baudelaire, Didier Van Cauwelaert ou Harlan Coben. Entre le tennis et la littérature, il n’ y a qu’un pas, effectué par la jeune française Alizé Cornet. De retour du tournoi de Stuttgart, la 88ème joueuse mondiale, grande fan de lecture, a bien voulu nous ouvrir les portes de sa librairie personnelle. Chapitre un.
Alizé, à quand remonte votre amour pour la littérature ?
Depuis toujours. Très jeune, vers 3 ans, j’étais déjà très réceptive à la lecture que me faisait ma mère. Je suis quelqu’un d’assez précoce, ce qui m’a permis de savoir lire et écrire très tôt et de sauter deux classes pour me retrouver en CE1, à 5 ans. Encore aujourd’hui, malgré mes études scientifiques, j’ai ce petit côté littéraire. En fait, j’ai toujours aimé cela. Et en règle générale, on peut dire que je lis pas mal de bouquins par mois : en avion, sur une tournée, dans le taxi, dans ma chambre d’hôtel le soir ; plutôt que de regarder la télé (rires) !
Vous souvenez-vous du premier livre que vous avez lu ?
Je dirais le Petit Prince. C’est un livre magnifique que je redécouvre toujours un peu plus à chaque fois. Je l’ai lu à 5 ans, relu à 10 et rouvert à 15 ! Au départ, tu t’attaches à la simplicité et, comment dire, au « premier degré » de cette histoire : un renard, des animaux, un enfant, etc. Et au fil des années, je vous assure : je suis toujours émerveillée qu’avec des mots si simples on puisse exprimer des choses si fortes et profondes.
On dit souvent cela, mais ce sont donc vos parents qui vous ont mis votre premier livre entre les mains…
Ils n’ont pas vraiment eu besoin de me forcer. Ma maison croule sous les livres. La bibliothèque est incroyable. Mon frère (son agent, ndlr), c’est une tête : il a un doctorat en immunologie ! Ma mère est une grande lectrice. Aussi, question bouquin, ce sont mes principaux conseillers. Et moi je suis la petite sportive de la famille…
Que vous conseillent-ils ?
Un peut de tout. Je n’ai pas de genre littéraire affirmé. Je lis aussi bien des romans, des nouvelles, des biographies, des thrillers et des trucs philosophiques… enfin, ça pas trop (rires) ! Les livres, c’est quelque chose d’infini. Une vie ne suffit pas.
Quels sont vos livres de chevet ?
Euh… c’est très compliqué. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir à parcourir Elle s’appelait Sarah de Tatiana de Rosnay, qui fut ensuite adapté au cinéma. Sinon, si, il y a Didier Van Cauwelaert, un Niçois, dont l’écriture est très belle. Son style est assez particulier, je ne vus en dis pas plus. J’aime aussi beaucoup les thrillers d’Harlan Coben mais comme je suis un poil chauvine, je vais dire Guillaume Musso et Marc Levy qui, certes pondent des romans faciles, mais me permettent de passer un bon moment. Comme un apéritif !
Jamais de grands classiques ?
Très peu. J’aime plutôt ce qui est moderne, les livres de mon temps, de mon époque. Enfin, là, je suis sur Albert Cohen. Ca, c’est du classique de chez classique…
En littérature, ne privilégiez-vous pas le style au fond ?
Exactement. Je suis toujours impressionnée quand quelqu’un sort un livre très bien écrit, avec élégance, maitrise et fluidité. Quand je tombe sur une belle plume, je me dis toujours : « Comment l’auteur est-il arrivé à faire cela ? ». L’art des mots, c’est le plus important. C’est exactement comme en musique : vous avez d’un côté de belles mélodies entrainantes et de l’autre de grands textes. Si vous retrouvez les deux ensemble, vous êtes tombés sur un chef-d’oeuvre.
Vous ne lisez jamais de bouquins de tennis ?
Je vis, je mange et je dors tennis ! Je ne vais pas en plus en lire. Bon si, j’ai lu les deux bouquins de Yannick Noah – le premier plus spirituel –, la biographie de Fabrice Santoro et celle de Serena Williams, que je ne n’ai encore pas ouverte… je ne sais pas pourquoi (rires).
Vous arrive-t-il de dévorer quelques lignes d’un roman avant d’entrer sur le court ?
Je me souviens d’une anecdote. En 2005, j’étais à fond dans les Harry Potter. J’en lisais un durant une longue attente avant un match, c’était en Espagne ! Quand je suis entrée sur le court, et bien j’étais encore dans son monde, dans les sacrilèges, les sorts, des trucs dans le genre… Je jouais contre Voldemort ! Je n’étais pas là mentalement et je ne suis jamais rentré dans mon match. J’ai pris une taule et depuis, j’essaie de ne plus lire quelque chose de trop prenant avant une confrontation.
Ca cause littérature sur le circuit de la WTA ?
Une chose est sûre : les autres joueuses étrangères du circuit WTA sont fans de la langue française. Elles la trouvent très jolie. Les mots s’enchainent et sonnent si bien… Mais vous savez, bien plus que chez les hommes, le tennis féminin est un monde de rivalité. Pour celles qui lisent, nous le faisons chacune dans notre coin. Je suis quelqu’un qui a du mal à se confier, je suis parfois renfermée sur moi-même. Et personnellement, je n’ai pas vraiment d’amies sur le circuit : si, une ou deux. Mais les discussions sont pour la plupart légères, disons! On cause un peu politique, mais en réalité, ce n’est pas forcément en compagnie d’une joueuse que j’ai envie de discuter. Il ne faut jamais se livrer à une potentielle adversaire…
Propos recueillis par Victor Le Grand