Alors que vient de se tenir l’Open WTA de Moscou, retour sur la fulgurante carrière d’Anna Kournikova, restée plus célèbre pour sa plastique que pour ses résultats sportifs. Histoire d’une fille talentueuse lâchée trop vite dans le monde des adultes et qui s’est perdue dans les artifices de la jet set.
« Si Capriati a été pendant longtemps la gamine la plus hype du circuit, Kournikova peut devenir le nouveau phénomène du tennis féminin. » Telles sont les prédictions du New York Times en août 1996, au moment où se dispute l’US Open. A l’époque, la première nommée vient tout juste de revenir à la compétition après deux ans hors du circuit pour vol à l’étalage et possession de marijuana, alors que la seconde est effectivement en pleine éclosion.
Anna Kournikova, 15 ans seulement à l’époque, arrive sur le circuit professionnel avec une excellente réputation. Née à Moscou de parents sportifs, elle est, grâce à son mental de fer, rapidement considérée comme un grand espoir du tennis. « D’autres filles couraient et sautaient mieux qu’elle, mais Anna était la plus déterminée, elle refusait la défaite », se souvient sa première prof au Spartak, Larissa Preobrazhenskaya. Repérée par Paul Theofanous de la prestigieuse agence IMG lors d’un tournoi junior, la gamine est enrôlée à 10 ans dans l’usine à champions de Nick Bollettieri en Floride. Au revoir la Russie – ou plutôt la Communauté des Etats Indépendants à l’époque –, bonjour les Etats-Unis, pays qu’elle découvre accompagnée de sa mère.
Génération 1998 et défilés de mode
La formation intensive porte ses fruits. En 1995, à l’âge de 14 ans, la petite Anna est l’une des meilleures mondiales sur le circuit junior. Elle remporte l’Orange Bowl, le tournoi de référence chez les jeunes champions, et fait ses débuts en Fed Cup. C’est dans ce contexte qu’elle dispute son premier tournoi du Grand Chelem à Flushing Meadows l’année suivante. La star en devenir ne déçoit pas, passant trois tours avant de s’incliner logiquement contre Steffi Graf, son idole, de 12 ans son aînée. Meilleure progression de l’année, elle passe de la 299e à la 56e place. En 1997, « Kourni » se hisse jusqu’en demi-finale à Wimbledon, battue par Martina Hingis. Son ascension semble irrésistible. Anna Kournikova continue d’ailleurs de progresser l’année suivante, se hissant jusqu’à la 8e place mondiale et dominant des adversaires du calibre de Hingis, Graf et Davenport, ce qui se fait de mieux à l’époque.
Elle ne le sait pas encore, mais cette année 1998 marque le pic de sa carrière sportive. Son jeu agressif et physique a tout pour réussir. Pourtant, un incident va venir perturber le fil d’une carrière jusque-là linéaire. Confrontée en quart de finale du tournoi d’Eastbourne à Steffi Graf, elle l’emporte à l’arrache mais se casse malencontreusement le pouce, ce qui l’oblige à observer une période de convalescence. Eloignée des courts, la belle commence à se rapprocher dangereusement des podiums… de mode. Car Kournikova a tout du canon de beauté : grande blonde sportive au visage rayonnant. Les sollicitations extra-sportives se multiplient. Revenue à la compétition en 1999, elle stagne, fatalement. Son jeu à risque lui fait commettre trop de fautes directes, d’autant qu’elle ne parvient plus à servir comme avant sa blessure.
« Je suis comme un menu dans un grand restaurant »
Incapable de gagner en simple, elle se tourne vers le double, où la réussite est plus au rendez-vous : Open d’Australie en 1999 et 2002 avec, entre les deux, une année 2000 faste et six trophées remportés. Dont un avec Julie Halard la Française, qui s’inquiète du rythme de vie de sa partenaire. « Si Anna veut franchir un nouveau cap, dit-elle à l’époque, il lui faudrait un meilleur programme, avec des périodes de repos à 100 %. » C’est loin d’être le cas. On la voit dans le film Fous d’Irène des frères Farrelly, en couverture de Sports Illustrated, dans les bras d’un hockeyeur pro, puis d’un autre, et enfin dans ceux d’Enrique Iglesias. La folie Kournikova est en route et la jolie Anna commence à avoir la tête qui tourne. « Je suis comme un menu dans un grand restaurant, vous pouvez regarder mais vous n’avez pas les moyens de vous le payer », s’amuse-t-elle.
La jeune Russe est en 2001 la joueuse de tennis la mieux payée au monde, avec plus de 10 millions de dollars. Sportivement, elle amasse moins de 1 million, le reste provenant des multiples et généreux sponsors : Adidas, Yonex, Berlei… C’est aussi l’une des premières grandes stars d’Internet, son nom apparaissant en tête des recherches Google. Anna Kournikova, femme la plus sexy au monde d’après le classement FHM de 2002, multiplie les blessures et les entraîneurs, plonge au 305e rang mondial en simple l’année suivante, avant de ranger définitivement les raquettes en 2004. A même pas 23 ans.
Par Régis Delanoë