Le jour où le public français a véritablement découvert Mansour Bahrami

2 nov. 2016 à 00:00:00

Le jour où le public français a véritablement découvert Mansour Bahrami
En 1987, Mansour Bahrami n’est que 253e à l’ATP quand il rencontre Yannick Noah au deuxième tour du tournoi de Bercy. Un match qui va réellement le révéler aux yeux des supporters français et qui symbolise bien son état d’esprit affiché tout

En 1987, Mansour Bahrami n’est que 253e à l’ATP quand il rencontre Yannick Noah au deuxième tour du tournoi de Bercy, pas encore appelé BNP Paribas Masters. Un match qui va réellement le révéler aux yeux des supporters français.

 

Premier set sur le court du BNP Paribas Masters, appelé à l’époque tournoi de Bercy. Mansour Bahrami est au service. Sans qu’on ne comprenne bien comment, l’Iranien d’origine sort une espèce de service à la cuillère qui surprend totalement Yannick Noah, régalant le public au passage. Le retour est suivi d’un passing gagnant. Point Bahrami, sous les applaudissements nourris. « Ce n’était pas un service à la cuillère classique, comme Chang a pu le faire à Roland Garros. Ça, c’est trop facile ! Moi, je lançais la balle au-dessus de ma tête, pour faire croire à un service normal, je mimais la frappe, puis je passais ma raquette sous la balle pour réaliser un amorti revers. Ça, Chang ne peut pas le faire ! J’ai réalisé le même service en finale du double de Bercy 1986, contre John McEnroe, devant 15 000 personnes. Ça a donné un ace. Tout le monde était plié de rire, sauf McEnroe : ‘Espèce de connard, tu crois que c’est marrant ?’. Ce à quoi j’ai répondu : ‘Ta gueule, regarde les gens autour de toi si tu n’es pas content !’ » En un geste, Bahrami a donc mis le public de Bercy dans sa poche, et montré quel genre de joueur il était. C’est-à-dire un gars qui n’est là que pour le kiff. Et qui s’en fout un peu de la compétition.

 

 

« Vas-y, dégage Mansour ! »

 

Car malgré la décontraction du 253e mondial, déjà âgé de 31 ans à l’époque, c’est tout de même un quart de finale de la deuxième édition de l’épreuve qui est en jeu. Et même si Noah, numéro un français, et le moustachu - pas encore célèbre - sont amis, l’enjeu est d’importance. Sauf que Bahrami n’est pas un tennisman comme les autres. Insensible à la pression, il continue de faire le show. Notamment quand c’est à son adversaire de servir. Là, le trublion se permet d’avancer, avancer, avancer… jusqu’à quelques centimètres du carré de service. « Yannick me regarde alors avec des yeux du genre : ‘Vas-y, dégage Mansour ! Remonte, je ne peux pas servir !’ Je ne bouge pas. Il attend peut-être une minute, il sert et je reprends d’une demi-volée qui me donne le point. Je regarde Yannick… il est mort de rire. Les supporters voyaient nos gueules, ils rigolaient bien aussi. Le public était content d’assister à un truc qui sortait de l’ordinaire. J’ai refait ça deux ans plus tard face à Boris Becker, quand il était numéro 1. Il ne savait pas quoi faire non plus ! »

 

Après un beau spectacle, marqué par quelques lobs, smashs et volées d’exception, Noah finit finalement par l’emporter sur le score de 7-6, 6-4. Tout sourire, les deux hommes se font l’accolade et le vainqueur de Roland Garros 1983 rend publiquement hommage à son concurrent du jour : « C'est bien d'avoir ce genre de joueur qui met un peu de soleil. » Le public de Bercy ne pense pas autrement. Avec Bahrami, il s’est trouvé une nouvelle bête de scène. Certes, le créateur du Trophée des Légendes actuel n’est pas un illustre inconnu en France – il ne pratique son sport que dans l’Hexagone car aucun visa ne lui est délivré pour jouer à l’étranger –, mais sa performance remarquée reste dans toutes les mémoires. « C’est vrai que le public m’a un peu découvert avec ce match. Qui était d’ailleurs diffusé à la télévision sur une chaîne nationale, rembobine-t-il. Quelques heures après la partie, en soirée, je me suis arrêté au McDonald's des Champs-Élysées, et des gens sont venus me voir pour me féliciter. Les gens m’ont beaucoup plus reconnu dans la rue à partir de là. »

 

Le regret Schapers

 

Un beau cadeau pour celui qui, lors de sa rencontre face à Noah comme dans toute sa carrière, a toujours cherché à faire plaisir au public. Quitte, peut-être, à ne pas aller aussi haut que son talent lui aurait permis. « Contre Yannick, je me suis éclaté. Yannick, lui, était extrêmement sérieux, remet-il encore. J’ai fait quelques conneries, comme d’habitude. J’aurais sûrement pu gagner si j’avais davantage fait attention sur les balles importantes. J’ai d’ailleurs eu une belle de set dans la première manche, durant laquelle j’ai fait n’importe quoi. » La raison ? « Je n’ai jamais pu m’empêcher de faire plaisir au public en le faisant rire. C’était mon premier objectif. J’ai toujours privilégié la beauté du jeu au résultat. C’était primordial que les gens qui viennent me voir soient heureux d’être là. » 

 

Reste que Mansour Bahrami garde un regret de ce Bercy 1987. Yannick Noah se blesse en effet juste après leur confrontation et ne peut tenir sa place en quart de finale contre Michiel Schapers, que Bahrami ne porte pas dans son cœur et rêve de pulvériser. « J’étais défait quand j’ai appris ça. J’ai toujours adoré Yannick, c’est mon pote, mais voilà, il a tout donné contre moi, et ça l’a empêché de jouer au tour suivant. J’aurais préféré qu’il abandonne et qu’il me laisse une chance. Surtout que j’avais désormais la cote avec le public, donc j’avais vraiment envie de continuer à jouer ! » Les gradins de Bercy n’attendaient sûrement que ça.

 

 

Par Florian Cadu

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