Quand la folie Björn Borg s’est emparée de Wimbledon

29 juin 2016 à 16:07:31

Parmi les éditions marquantes du tournoi de Wimbledon, il y a celle disputée en 1973. Celle de l’émergence d’un ado de 17 ans aux boucles blondes qui rendaient complètement hystériques les lycéennes londoniennes…

Parmi les éditions marquantes du tournoi de Wimbledon, il y a celle disputée en 1973. Pas seulement en raison de l’absence des meilleurs joueurs pour cause de boycott mais en raison de l’émergence d’un ado de 17 ans aux boucles blondes qui rendaient complètement hystériques les lycéennes londoniennes…

 

C’était il y a 43 ans. Le 25 juin 1973, débute le tournoi de Wimbledon dans un climat de confusion totale. Les jours qui ont précédé, quasiment tous les meilleurs joueurs du tableau masculin ont décidé de boycotter le tournoi. La raison de cette protestation collective ? Nikola Pilic, le meilleur joueur yougoslave de l’époque, finaliste de Roland-Garros quelques semaines auparavant (défaite face à Nastase), apprend qu’il est suspendu par sa fédération pour un manquement supposé à une convocation pour disputer un tour de Coupe Davis face à la Nouvelle Zélande. Une sanction confirmée par la fédération internationale, qui réduit néanmoins la sentence en la faisant passer de neuf à un mois. C’est encore trop pour Pilic, empêcher de s’aligner à Wimbledon et qui reçoit le soutien de la jeune Association des joueurs de tennis professionnels, l’ATP, qui voit là un bon moyen d’affirmer sa légitimité face à la fédé. Au total, 81 joueurs du circuit, tous membres de l’ATP, décident de faire l’impasse sur le tournoi londonien en solidarité avec le puni. Le seul top 10 à participer est Ilie Nastase et ce sont d’ailleurs majoritairement des joueurs des pays de l’Est qui décident de passer outre les consignes données par l’ATP. Parmi les joueurs alignés, on trouve aussi un jeune à peine sorti de l’adolescence et qui va vite concentrer l’attention des médias et du public : un certain Björn Borg.

 

« Teen Angel » et « Poster boy »

À l’époque, Borg vient seulement de fêter ses 17 ans et dispute sa première saison sur le circuit pro. Pas encore membre de l’ATP, il saisit sa chance de disputer un tournoi de Wimbledon privé des meilleurs joueurs du moment, dont le tenant du titre Stan Smith, en s’offrant même le luxe de figurer comme tête de série numéro 6 ! Il faut dire que le Suédois a déjà fait parler de lui quelques semaines auparavant, à Roland-Garros, où, pour son premier tournoi du grand chelem, il se hisse jusqu’en 8e de finale en sortant avec les honneurs face à Adriano Panatta après quatre sets accrochés. Le 25 juin lorsque débute le tournoi, le tableau masculin compte un nombre record de 29 qualifiés et 49 lucky losers, tous repêchés pour pallier à la dernière minute les nombreuses défections. Mais dans ce Londres du début de l’été 1973, alors que les radios matraquent les tubes du moment (Slade, 10cc, Fleetwood Mac, T.Rex ou encore le Life on Mars de Bowie), l’attention de la presse et de la foule va se tourner vers un un jeune Suédois tout droit sortie d’une pochette d’un vinyle des Bee Gees : Björn Borg. Celui que la presse anglaise appelle vite « Teen Angel », le premier de ses nombreux surnoms : The Viking God, The Angelic Assassin ou encore Iceborg. Il sera aussi le premier « poster boy » de l’histoire du tennis, un sport professionnalisé depuis seulement quelques années et qui sort de sa relative confidentialité pour gagner le cœur des foules.

 

Une Bjorgmania « un peu effrayante »

Car oui, le Suédois met littéralement en émoi la jeune foule de lycéennes qui fréquentent les allées du All England Tennis Club en quête d’une nouvelle idole en polo blanc. Elles jettent naturellement leur dévolu sur ce gamin au sourire ravageur et boucles blondes qui enchaîne les tours : victoire face à Premjit Lall, puis Patrick Hombergen, Karl Meiler et Szabolcz Baranyi. Propulsé sur le court central dès le deuxième tour, Borg peine à en sortir une fois la victoire acquise : une horde de jeunes filles s’agglutinent vers lui et l’empêchent de regagner le vestiaire, certaines allant même jusqu’à lui arracher des mèches de cheveux ! « C’est vrai que c’était un peu effrayant, reconnaîtra le joueur lorsqu’il sera interrogé sur cet épisode bien des années plus tard pour le compte de l’ouvrage Bjorn Borg, John McEnroe and the untold story of tennis’s fiercest rivalry, signé Stephen Tignor. J’étais littéralement projeté par terre par ces filles. Mais en même temps, c’était assez marrant. »

 

« Des filles avaient trouvé où je logeais »

Celles que l’on surnomme alors les « tenny-boppers » propulsent le jeune Suédois au rang de nouvelle star du tennis en même temps qu’elles propulsent ce sport d’ordinaire guindé et bourgeois dans la culture pop. « A star is bjorn », titrait déjà le journal The Observer début juin lorsque Borg s’était hissé jusqu’aux 8e de finale aux Internationaux de France. Un mois plus tard, les médias britanniques vont jusqu’à parler de « Borgmania », dans la droite lignée de la Beatlemania de la décennie précédente, et même de « Borgasm » pour qualifier l’hystérie entourant les performances de ce Jésus imberbe qui multiplie les coups de raquette géniaux. Pour son premier Wimbledon, l’aventure s’arrête finalement en quart de finale après une défaite face au local Roger Taylor, à l’issue d’un match en cinq sets très accroché. Evacué du court avec l’aide de deux agents de sécurité, le gamin mettra un temps fou à rejoindre sa chambre d’hôtel. « Des filles avaient trouvé où je logeais donc quand j’y suis arrivé, il y en avait des centaines qui m’attendaient, criant et réclamant un autographe. Elles voulaient me parler, me toucher, j’étais comme une pop star. Le monde du tennis n’avait jamais vu ça auparavant », expliquera-t-il lors d’une interview au Guardian en 2007. Vainqueur de Roland Garros dès l’année suivante, il lui faudra attendre 1976 pour conquérir le premier de ses cinq Wimbledon consécutifs. Sous les yeux de ses fans énamourées.

 

 

Par Régis Delanoë

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