Thomas Muster, le mythe du charpentier

3 oct. 2012 à 10:15:58

Thomas Muster, le mythe du charpentier
Vainqueur à Roland-Garros en 1995 et numéro 1 mondial l’année suivante, l’Autrichien Thomas Muster est resté dans les mémoires pour le courage dont il a fait preuve pour revenir à la compétition après le grave...

Vainqueur à Roland-Garros en 1995 et numéro 1 mondial l’année suivante, l’Autrichien Thomas Muster est resté dans les mémoires pour le courage dont il a fait preuve pour revenir à la compétition après le grave accident subi au début de sa carrière. Alors que se dispute ces jours-ci le tournoi de Kitzbühel, retour sur l’itinéraire pas banal de « Musterminator ».

  « J’étais à l’arrière de la voiture, le coffre ouvert et le sac sur les épaules au moment où ce chauffard a foncé sur nous à une vitesse de 100 km/h et m’a projeté d’environ six mètres. » La jambe plâtrée, grimaçant de douleur autant que de colère, Thomas Muster explique aux médias comment un conducteur alcoolisé a bien failli briser sa carrière, alors qu’il s’apprêtait à disputer la finale de l’édition 1989 du tournoi de Key Biscane face à Ivan Lendl. Ils sont alors nombreux parmi les fans du joueur et jusque dans son entourage proche à croire sa prometteuse et brillante carrière déjà terminée.  
« Comme Rocky avec les quartiers de porc »
  Chez ses compatriotes autrichiens, c’est le choc. Jamais dans ce pays de ski on n’avait connu plus grand manieur de raquette. Le journaliste sportif du Der Standard Philip Bauer se souvient : « A 19 ans en 1986, il gagne son premier tournoi aux Pays-Bas, avant de faire son entrée dans le top 20 mondial deux ans plus tard grâce à quatre victoires lors des tournois de Boston, Bordeaux, Prague et Bari ». Toutes sur terre battue. Une surface où ce besogneux peut travailler son vis-à-vis à grands coups de frappes lourdes balancées tantôt à gauche, tantôt à droite. « Si je vois mon adversaire commencer à se tordre de douleur du fait des crampes, il m’arrive de préférer le faire courir encore un peu plutôt que d’abréger le point », a-t-il expliqué un jour. Quand débute le tournoi de Key Biscane 1989, Muster est en pleine ascension. Opposé dans le dernier carré à Yannick Noah, il force l’admiration en arrachant la qualification après avoir pourtant perdu les deux premiers sets. La suite est connue : le chauffard ivre le renverse, la finale annulée, l’hôpital, la grave blessure à la jambe… Fin de l’histoire ? C’est mal connaître ce dur au mal, prêt à tout pour forcer son destin. Les images de sa réhabilitation ont forgé son mythe : on le voit à l’entraînement, la jambe gauche rigidifiée par le plâtre, assis sur une chaise spécialement conçue pour lui, raquette de tennis en main, frapper, frapper et frapper encore dans la petite balle jaune. Philip Bauer a la comparaison juste : « C’était comme Rocky avec les quartiers de porc. »  
« De vrais obsédés »
  Son homologue de Sportmagazin Fritz Hutter ne peut lui non plus cacher son admiration. « Thomas est l’exemple parfait de ce dont est capable un homme s’il veut vraiment changer sa vie, s’il veut vraiment atteindre les objectifs qu’il s’était fixés et s’il veut vraiment mettre tout en œuvre pour réussir. Il m’a dit un jour qu’être tennisman était sa seule alternative dans la vie pour ne pas devenir charpentier la semaine et anonyme joueur de foot amateur le week-end. » Dès lors, une question se pose : comment se fait-il que les plus grands champions autrichiens correspondent tous à ce modèle de courage et de volonté, à la limite du masochisme ? Car avant Thomas Muster, il y a eu le pilote de Formule 1 Niki Lauda, gravement brulé au visage lors d’un grand prix en Allemagne en 1976 et de retour dans un cockpit seulement six semaines plus tard. Et après lui, il y a aussi eu le descendeur à skis Hermann Maier, maintes fois victime de chutes, sur la piste comme en moto, mais qui toujours s’en est remis pour revenir chaque fois plus fort. Philip Bauer a sa petite explication : « L’Autriche n’a pas les structures pour ?produire? des sportifs à la chaîne, donc ceux qui sortent du lot sont de vrais obsédés. » Des compétiteurs hors normes, prêts à tous les sacrifices et toutes les souffrances.   Roland-Garros 1995, la consécration Pour Muster comme pour Lauda et Maier, l’acharnement a payé. Un an après l’accident, le natif de Leibnitz fait un retour fracassant dans le circuit mondial, se hissant jusqu’en demi-finale de Roland-Garros, où il est éliminé par Andrés Gomez, futur vainqueur de l’épreuve. Il faut finalement attendre 1995 pour que « Musterminator » remporte enfin les Internationaux de France, au sortir d’une saison parfaite sur terre battue (victoires à Estoril, Barcelone, Monte Carlo et Rome, Ndlr). Numéro 1 mondial l’année suivante, le gaucher est confronté sur les autres surfaces à la domination quasi sans partage d’un certain Pete Sampras. Handicapé par un service un peu faible et des déplacements trop balourds, ce pur terrien prend sa retraite en 1999, avant un improbable come-back en 2010, à 43 ans, pour une vaine tournée de quelques tournois Challenger. Quoique vaine, pas tant que ça d’après Fritz Hutter : « Ce retour a permis à Tom de se montrer comme un champion humain, loin de l’image d’intouchable héros qu’il s’était forgé. »   Par Régis Delanoë

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