Jamais Rafael Nadal n’avait été absent du circuit aussi longtemps. Ecarté des courts depuis fin juin, l’Espagnol ne sait toujours pas quand il va reprendre. Revient-on plus ou moins fort après ce genre d’arrêt prolongé ? L’histoire récente du tennis offre deux cas de figure : ceux qui ne retrouvent jamais leur gloire passée. Et ceux qui reviennent plus fort.
1/ Rafael Nadal – Absent de juillet 2011 à ?
Pour en savoir plus sur ce syndrome de Hoffa dont souffre l’Espagnol depuis le mois de mars, il faut sortir le dictionnaire médical. Syndrome de Hoffa : inflammation de la boule graisseuse située juste en arrière du tendon rotulien. Depuis son dernier match, une défaite bizarre au deuxième tour de Wimbledon contre le Tchèque Lukas Rosol, le septuple vainqueur de Roland-Garros n’a, dit-il, toujours pas retouché une raquette. Sauf si les organisateurs de Bercy et des Masters décident au dernier moment de se convertir à la terre battue, un retour avant la fin de l’année 2012 parait improbable. De toute façon, Nadal a prévenu qu’il ne reviendrait qu’avec des genoux impeccables. Le seront-ils pour l’Australie ? Pour la tournée américaine ? Lui dit qu’il n’a pas peur et qu’il a été programmé pour résister à tout. Vu le phénomène, on serait tenté de le croire.
2 / Björn Borg – Absent d’octobre 1981 à avril 1982
Fatiguée, la star. A la fin de cette saison 1981 qui voit le génial excité John McEnroe mettre fin à son règne, Björn Borg décide de larguer les amarres quelques mois. A 25 ans, après quinze années entièrement consacrées à son sport, le Suédois jette enfin sa gourme. Salut les copains, vive les soirées ! « C’est la première fois que je me sens comme une personne normale » confie-t-il début 82, tout en détaillant son programme allégé pour les semaines à venir. Après cinq mois loin du tennis, le quadruple tenant du titre de Roland-Garros commence sa saison en avril, à Monte-Carlo. Un Yannick Noah survolté le ridiculise en quart de finale : 6-1 6-2 en moins d’une heure ! Borg sifflote au changement de côté et joue les jean-foutre. L’homme aux six Roland-Garros et aux cinq Wimbledon n’y est pas. Il n’y sera plus jamais. On le comprend tout de suite. En ce 8 avril 1982, son avis de décès fait même la Une des journaux de 20 heures de TF1 et d’Antenne 2. Sans fleurs ni couronnes.
3/ John McEnroe – Absent de janvier à août 1986
6 mois pour souffler. Janvier 1986, écœuré d’être « seulement » numéro 2 au hit-parade de l’ATP après une saison 1984 parfaite, « Big Mac » se prend une pause d’un semestre. Quelques vacances loin du circuit, un mariage à New York avec l’actrice Tatum O’Neal, à qui il donne un premier enfant, et le voilà de retour début août à Stratton Mountain, gonflé à bloc. Il passe quatre tours et perd en demi-finale contre Boris Becker, après avoir eu quatre balles de match et aussi… quelques mots sur le court avec Allemand. « Il avait l’air tellement sûr de lui que ça frisait l’arrogance, je voulais lui montrer qui était le patron. » McEnroe est toujours aussi électrique, mais en son absence, ses principaux rivaux ne l’ont pas attendu pour progresser : de 1986 à la fin de sa carrière, en 1992, l’Américain ne rejoue aucune finale de Grand Chelem. Son congé sabbatique a clairement scindé sa carrière en deux, une première partie marquée par les succès, et la seconde par une vaine recherche du temps perdu.
4/ Thomas Muster – Absent de mars à septembre 1989
« On se croit fort et tout s’écroule en une seconde. » Thomas Muster, 21 ans, vient de se qualifier pour la finale du tournoi Key Biscayne en 1989 lorsqu’une conductrice en état d’ivresse lui bousille le genou sur le parking du stade. Sa carrière est-elle foutue ? Les amateurs de tennis de plus de 30 ans ont tous en tête l’image de cette chaise en bois qu’il se construit pour pouvoir s’entraîner plâtré (et aussi un peu pour épater les photographes, il faut le dire !). Monstre de volonté, Muster est de retour dès le mois de septembre, à Barcelone. Les comparaisons avec RoboCop et autres super-héros des années 80 deviennent inéluctables. Dans L’Equipe, Philippe Maria s’en amuse : « Aux dernières nouvelles, la voiture ne se serait jamais remise du choc et rouillerait dans une décharge de Miami Beach. Muster, lui, va bien … » La suite, vous connaissez sûrement : après son accident, et malgré quelques périodes de doute, Muster remporte 39 tournois dont Roland-Garros en 1995.
5/ Juan Martin Del Potro - Absent de Janvier à septembre 2010
En 2009, l’Argentin remporte l’US Open en battant Roger Federer en cinq sets en finale. Fans et observateurs lui prédisent alors une grande année 2010. On le dit même apte à dresser Rafael Nadal sur terre battue. Mais le poignet droit du colosse est argile. En janvier 2010, il souffre trop pour ne pas se faire opérer. Del Potro ne reviendra qu’en septembre, après moult rumeurs plus ou moins loufoques sur cette longue période d’arrêt : on entend alors dire qu’il est en réalité tétanisé par la pression après sa victoire à New York. Depuis son come-back, l’Argentin a retrouvé le top 10 mais n’a battu qu’une seule fois un membre du « Big four » (le Serbe Novak Djokovic, lors du match pour la troisième place aux Jeux Olympiques, Ndlr). Début septembre, sa blessure fait sa réapparition contre la République Tchéque en Coupe Davis par BNP Paribas. Et c’est reparti pour un arrêt à durée indéterminée. Va-t-on une fois de plus dire qu’il est jeune et qu’il a encore tout son temps ?
6/ Richard Krajicek – Absent de novembre 1993 à avril 1994
Après cinq mois passés à soigner ces allumettes qui lui servent de genoux, le grand Richard Krajicek - 1 mètre 96 - commence sa saison 1994 à Barcelone, sur terre battue. C’est sa pire surface. Il n’attend rien de spécial, si ce n’est de jouer un match ou deux. Énorme surprise : le serveur volleyeur gagne le tournoi après avoir écarté tous les limeurs du tableau, dont Sergi Bruguera et Carlos Costa ! Vainqueur de Wimbledon en 1996, Krajicek refera le même coup en toute fin de carrière lorsqu’en juillet 2002, malgré 20 mois sans jouer et un classement ATP qui ne fait plus peur à personne (1093è), il atteint les quarts de finale à Londres dès son deuxième tournoi de reprise.
7/ Guy Forget – Absent de mai 1993 à avril 1994.
Souffrant d’arthrose à la cuisse droite, Guy Forget reste 429 jours sans gagner un match de tennis. Le Français revient au plus haut niveau. Mais entre son retour et la fin de sa carrière, en mars 1997, il ne rajoute qu’une seule ligne (le tournoi de Marseille, en 1996, Ndlr) à son palmarès de simple.
8/ Mats Wilander – Absent de juin 1991 à avril 1993
Après deux ans de farniente loin du circuit qui ne l’intéresse plus, la vedette suédoise des années 80 tente un retour à Atlanta en 1993, pour le fun. « Ce n’est pas un come-back, je suis venu ici uniquement parce que c’est près de chez moi ». Mais Mats se reprendra au jeu. Avant de raccrocher définitivement en 1996, il rejouera ensuite encore près de soixante tournois …
9/ Richard Gasquet – Absent d’avril à août 2009
En 2009, une sombre affaire de contrôle positif à la cocaïne mine son moral et lui vaut une suspension de deux mois et demie. Pendant cette punition, Gasquet reste chez lui, les bras en croix. « J’ai stoppé complètement. Sans toucher la raquette, sans faire un footing, sans rien faire. » Aujourd’hui, le Français est tout proche de retrouver le top 10 ! Encore un petit effort et on ne parlera plus jamais de sa fragilité mentale ni de son manque d’ambition.
10/ Henri Leconte – Absent de janvier à mai 1986
Mettons de côté ce match pour rien à Bruxelles au mois de mars. En 1986, sa meilleure année, Henri Leconte ne commence à prendre du service qu’au mois de mai. Dans le flou total, rafistolé de partout, attendu nulle part, il gagne 12 de ses 14 premiers matches, et atteint coup sur coup les demi-finales à Roland-Garros et à Wimbledon.
Par Julien Pichené