Alors que footballeurs ou rugbymen, pour ne citer qu’eux, n'hésitent pas à cracher sur le terrain, les tennismen semblent retenir leur salive. Mais est-ce aussi simple que cela? Tentative de décryptage.
« Parfois c'est vraiment limite! Je me souviens d'un jeune joueur qui effectuait son premier match sous les couleurs de Manchester United. Au moment de rentrer, alors qu'il sait très bien qu'il était filmé, il crache devant la caméra pour sa première ‘apparition publique’. » Darren Tulett, animateur sur BeIn Sport, répugne cette manie qu'ont les footballeurs de cracher. D'autant que le mollard sans gêne devient pour le téléspectateur l'apanage du joueur de football. Difficile en effet d'imaginer Roger Federer glavioter cinq fois par jeu sur le vert gazon de Wimbledon. Pour expliquer la retenue des tennismen, un argument est rapidement convoqué: l'éducation. « Je ne vois pas d’autre explication que ‘l’éducation’ ou plutôt ‘l’habitude’, assure Bruno Sesboüé de l’Institut régional de médecine du sport de Caen. Comme les joueurs de foot, les joueurs de tennis produisent une salive épaisse pendant l’effort. Mais le tennis se jouant souvent à l’intérieur, ils ont sans doute pris l’habitude de déglutir plutôt que de cracher. » L’ex-footballeur professionnel Edouard Cissé avance lui une hypothèse complémentaire: « Quand on est sur un terrain de football, on ne fait pas du tout attention à la caméra. En filmant vingt-deux joueurs pendant une heure et demie, la caméra trouvera forcément quelqu'un en train de cracher. Tandis qu'au tennis il n'y a que deux personnes sur le terrain et ils savent très bien qu'ils sont filmés en permanence. Je pense qu'ils ont pris l'habitude de faire plus attention ». 12 000 euros d’amende Une question d'habitude donc, surtout que dans le règlement de l'ATP, rien n'interdit formellement de cracher comme l'explique Franck Sabatier, responsable des arbitres à Roland Garros: « Il n'y a absolument rien de stipulé au niveau règlementaire qui interdise de cracher. Sauf bien évidemment dans le cas d'un mauvais comportement, c’est-à-dire, par exemple, d'un crachat en direction d'une personne ou du public. Le juge de chaise peut alors appeler le juge arbitre, qui peut disqualifier le joueur ». Certains ont d'ailleurs déjà reçu de lourdes amendes pour ça. Victor Hanescu peut en témoigner. Le Roumain a eu la fâcheuse idée de cracher en direction des spectateurs qui critiquaient son service à Wimbledon en 2010. Résultat : il a dû s'acquitter de 12 000 euros d'amende. Alors les tennismen sont-ils vraiment mieux éduqués ? Pas forcément. En tout cas pas pour Jean François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes) à l’Insep. Interrogé par Slate, il voit plutôt dans la taille du stade un élément déterminant : « La physiologie est la même pour tous les sportifs, qu’ils soient footballeurs ou tennismen, mais la disposition des stades a une influence sur le comportement. Au tennis, où les spectateurs sont très proches des joueurs, ces derniers peuvent se sentir gênés de cracher, le regard de l’autre est immédiat. » Ce qui n'empêcherait pas les tennismen d’expulser leur salive en douce, comme l'explique Franck Sabatier: « Les tennismen crachent aussi, sans doute que parfois ils essaient de le faire plus discrètement, peut-être dans leur serviette. » Bruno Sesboüé confirme: « J'ai eu l'occasion d'interroger des tennismen, sur terre battue, ils n'hésitent pas à cracher. » Darren Tulett qui va pas être content. Par Arthur Jeanne