Michael Stich, le calvaire viennois

1 oct. 2015 à 00:00:00

Michael Stich, le calvaire viennois
Il y a tout juste vingt ans au tournoi de Vienne, Michael Stich subit l’une des plus terribles blessures vues sur un court de tennis : une cheville retournée. Et une carrière stoppée prématurément moins de deux ans plus tard donc. Récit d’un te

Il y a tout juste vingt ans à l’occasion du tournoi de Vienne, Michael Stich subit l’une des plus terribles blessures vues sur un court de tennis : une cheville retournée et une carrière stoppée prématurément moins de deux ans plus tard, à même pas 28 ans. Un gâchis pour un joueur d’une classe folle et qu’un certain Pete Sampras considérait comme son plus terrible adversaire.

 

« De tous les gars qui ont un jour été mes rivaux, Stich était celui qui m’effrayait le plus. Je ne l’ai pourtant pas affronté si souvent car il a quitté le circuit assez tôt, ne semblant pas tant que ça y prendre du plaisir. Mais s’il avait joué plus longtemps, s’il avait vraiment voulu s’imposer comme moi je l’ai voulu, il aurait pu être extrêmement fort. » Les propos sont signés de Pete Sampras et sont extraits de son autobiographie. Ils disent tout du gâchis que représente la trop courte carrière pro de Michael Stich, probablement l’un des plus beaux joueurs ATP des années 90. L’Allemand avait tout pour lui : un gros premier service, un second service à peine moins bon lui permettant d’aller très souvent à la volée, un excellent déplacement malgré sa grande taille (1,93m), un revers à une main d’une fluidité folle… Et une capacité d’adaptation à tous les terrains. Ce qui lui a notamment permis de remporter sur une seule saison des tournois sur les quatre surfaces : indoor, ciment, terre battue et gazon. C’était en 1993, sa plus belle année incontestablement, achevée par une victoire en Coupe Davis par BNP Paribas avec l’Allemagne et une victoire aux Masters (en dominant un certain Pete Sampras en finale), pour finir au second rang mondial. Deux ans auparavant, à 22 ans seulement et alors qu’il est encore relativement méconnu et nouveau sur le circuit, le prodige réussit l’exploit de s’imposer à Wimbledon en dominant Jim Courier en quart, Stefan Edberg en demie et Boris Becker en finale ! Un compatriote rendu fou par les enchaînements service-volée de son cadet d’un an, et le début d’une grande rivalité entre ces deux fortes personnalités qui ne s’appréciaient guère…

 

 

« Boom Boom » est alors déjà l’un des sportifs les plus populaires d’Allemagne, un fort en gueule sympa qui n’hésite pas à l’ouvrir même pour des choses qui ne concernent pas la balle jaune. Stich, lui, est un taiseux aux mâchoires serrées, qualifié volontiers d’antipathique par certains adversaires. Les deux larrons devenus d’inévitables rivaux parviennent néanmoins à remporter l’or en double aux Jeux de Barcelone en 92 mais échouent en septembre 1995 à offrir une nouvelle Coupe Davis par BNP Paribas à l’Allemagne. Becker, absent du sacre deux ans plus tôt, accepte cette fois de composer une « dream team » avec Stich, mais ce dernier perd dans le cinquième match décisif de la demi-finale face à la Russie, s’inclinant 12/14 au cinquième set, contre Andreï Chesnokov. Pas de quoi l’aider à se forger un mental. Car le plus gros point faible de Stich réside dans cette incapacité à adopter sur la durée la bonne attitude pour jouer les premiers rôles. Pas assez winner dans l’âme, il a tendance à se frustrer quand un match ne se déroule pas comme il le veut. L’autre problème avec lequel il doit composer durant toute sa courte carrière, c’est sa fragilité physique. Déjà pas épargné jusqu’alors, le grand Michael est victime d’une atroce blessure en plein match à Vienne, moins d’un mois après sa désillusion en Coupe Davis par BNP Paribas face à Chesnokov. En quart de finale d’un tournoi qu’il avait remporté en 1991, alors qu’il est opposé à  Todd Woodbridge et que le score est de 2/2, la cheville gauche de l’Allemand se plante dans le court sur une balle amortie de l’Australien, laissant le pied se retourner dans un angle invraisemblable. Des images qui traumatisent à l’époque une bonne partie des observateurs du tennis.

 

 

Pourtant, Stich se rétablit vite de cette spectaculaire blessure et fait son retour sur le circuit dès le début de la saison 1996. Trop vite peut-être : après avoir remporté le tournoi d’Anvers en février, il rechute dans la foulée à Milan, la douleur à la cheville se réveillant alors qu’il se change dans les vestiaires et qu’il est sur le point d’affronter Forget en 8e de finale. Il réussit néanmoins à se hisser jusqu’en finale à Roland-Garros quelques semaines plus tard (défaite face à Kafelnikov, décidément il n’aimait pas les joueurs russes) mais cette performance est une illusion sans lendemain. Anvers est son dernier titre (le 18e au total), les Internationaux de France sa dernière finale : un an après, à 28 ans, Michael Stich se retire après une demi-finale à Wimbledon, laissant une impression globale de grande frustration. La cheville fragilisée depuis Vienne, le mental en papier crépon, les conditions ne sont pas réunies pour assurer la succession de Becker comme ça aurait dû être le cas. Les derniers mots sont signés Sampras : « C’est tellement dommage qu’il ait quitté le circuit si tôt, même si ça a été pour moi un vrai soulagement. » Un hommage en quelque sorte.

 

Par Régis Delanoë

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