Pour affronter la République Tchèque, l’Argentine a convoqué entre autres Del Potro et Monaco, tous deux originaires de Tandil, une modeste ville d’Argentine pourvoyeuse de nombreux talents. Existe-t-il pour autant une recette « Made in Tandil » ? Éléments de réponse sur place.
Il est des phénomènes inexplicables, des points minuscules à l’échelle de la terre qui sont la source inépuisable de futurs grands champions, sans raison apparente. A l’instar de l’Uruguay, petit pays de trois millions d’âmes dont la superficie est égale au tiers de la France. Double championne du monde de football, quatrième du dernier Mondial, la Celeste a remporté la dernière Copa América, aux dépends des ogres argentins et brésiliens, respectivement 40 et 190 millions d’habitants. A l’instar aussi de Tandil, ville moyenne (123.000 habitants, Ndlr) de la province de Buenos Aires, qui a offert au monde quatre joueurs du Top 100 en 2009. A l’époque Maximo Gonzalez et Diego Junqueira partagent l’affiche avec Juan Martin Del Potro et « Pico » Monaco, respectivement numéro 8 et 11 mondiaux, suivant les pas de Mariano Zabaleta et Guillermo Pérez Roldan et d’une poignée d’ex-Top 100 également originaires de Tandil. Comment expliquer qu’une cité provinciale compte deux joueurs dans le Top 20, soit plus que les Etats-Unis, autant que la Serbie et un de moins que deux puissances tennistiques telles la France et l’Espagne ? Serait-ce l’air des grands espaces de la Pampa qui favoriserait des dispositions « tennistiques » extraordinaires ?
« Ni shopping, ni Mac Do »
Sur place, chacun a son explication. « Je crois que tout a commencé quand Guillermo Vilas est venu ici pour un match exhibition en 1977. A partir de là, le club a décidé de se tourner à fond vers le tennis en accordant plus de moyens à son école », opine Horacio Morrone, le président d’Independiente de Tandil, qui a vu passer tous les joueurs cités plus haut. « Ici, il n’y a pas grand chose pour se distraire. Ni shopping ni Mac Do », relève pour sa part Mario Bravo, le directeur de l’école de tennis du club. Raul Perez Roldan, le pionnier de cette académie « quasi militaire », abonde dans ce sens, sa méthode s’appuyant sur une intense préparation physique, la discipline et la répétition des mouvements à l’infini. Ses enfants, Guillermo et Mariana, se sont convertis en professionnels sous son impulsion, tout comme Franco Davin, l’actuel entraineur de Juan Martin Del Potro. Une méthode également suivie à la lettre par son disciple Marcelo Gomez, qui a lui-même vu défiler sur les cours d’Independiente les futures étoiles Zabaleta, Monaco, Junqueira, Gonzalez et Del Potro. « Notre travail va au-delà du simple aspect tennistique. On insiste sur le mental, le physique et le caractère. C’est une question de sacrifices et de valeurs. Celui qui arrive en retard, il ne s’entraîne pas. Celui qui jette sa raquette, il s’en va », martèle Gomez, désormais surnommé « El Mago » (le Magicien, Ndlr).
Entraînement par 0°C
Juan Monaco himself ne dit pas autre chose : « Independiente nous a inculqué le professionnalisme, l’humilité, le sacrifice. On s’entraînait parfois à zéro degré. Une balle partait sur la route et on se défonçait pour aller la récupérer. Tout petit, nous avions déjà l’objectif commun de devenir pro ». Des souvenirs qui donneraient presque la chair de poule au Magicien. « Quand je vois un de mes anciens joueurs faire un geste qu’on a travaillé ensemble dans un tournoi ATP, comme quand Del Potro fait un revers parallèle, là c’est le comble », confesse Marcelo Gomez. Depuis la victoire de son poulain à l’US Open 2009, des gamins des quatre coins du pays et de tout le continent affluent vers Tandil pour suivre ses conseils. Et rêvent que la magie opère.
Par Florent Torchut, à Tandil