« Le village paralympique, c’est Euro Disney »

4 sept. 2012 à 15:28:03

Médaillés d’or aux Jeux paralympiques de Pékin en 2008, Michaël Jeremiasz et Stéphane Houdet, double tricolore de wheelchair tennis, n’ont désormais qu’un seul désir : décrocher la petite sœur. L’occasion rêvée...

Médaillés d’or aux Jeux paralympiques de Pékin en 2008, Michaël Jeremiasz et Stéphane Houdet, double tricolore de wheelchair tennis, n’ont désormais qu’un seul désir : décrocher la petite sœur. L’occasion rêvée d’échanger quelques mots sur David et Jonathan, le protestantisme anglo-saxon et l’érotisme du village olympique. Rencontre.

  Comment était l’accueil à votre arrivée à Londres ?   MJ : Super ! Il  y a ici un engouement exceptionnel autour de l’événement. Le village est moins clinquant qu’à Pékin. Plus petit, mais à taille humaine, beaucoup plus chaleureux et avec un pub sans alcool au milieu du village. On pourrait y vivre, sortir voir les potes de la résidence d’en face, boire un verre, se retrouver.   C’est-à-dire moins clinquant ?   MJ : Pékin c’était juste immense ! Tout était parfait, trop peut-être. Trop aseptisé. SH : J’ai un avis un peu plus mitigé. Ne cherche pas, c’est son récent mariage qui lui fait dire n’importe quoi… Moi j’ai adoré Pékin ! Je ne sais pas si l’idée des Chinois était de nous montrer à quel point ils savaient organiser mais on avait, pour prendre un exemple tout bête, du savon, du shampoing, des produits de beauté à gogo. C’est la même chose ici, avec une dose inférieure. D’ailleurs, quand on est arrivé, on a reçu nos trousses de toilettes mais il n’y avait rien à l’intérieur. Surprise ! On a demandé, on a eu. Mais au départ, on nous a quand-même dit d’aller à la superette en acheter…   Médaillé d’or à Barcelone 1992, le Suisse Marc Rosset raconte avec humour le choc que peut ressentir un joueur de tennis qui arrive dans une délégation olympique. Un genre de « zoo humain, dit-il. Le lutteur c’est le gorille, la volleyeuse c’est la girafe, la gazelle de l’athlétisme, le petit, le gros… »   SH : (Il coupe) C’est encore plus le zoo chez les paralympiques… Les différences sont incroyables. (Rires) Ici, c’est Euro Disney ! C’est un village avec plein de gentils organisateurs, des marionnettes et pas d’argent. Mais pas d’alcool non plus ! Ils sont assez carrés là-dessus : tu as deux athlètes d’une délégation étrangère que je ne citerai pas qui ont pris 418 livres (527 euros, Ndlr) d’amende pour avoir fumé une clope sur leur balcon. MJ : A Euro Disney c’est la même, tu n’as pas le droit de fumer ! SH : Par contre, pour ce qui est du sport de lit– apparemment, c’est le sujet – c’est vrai qu’au bout de deux jours de compétition, certains ont déjà terminé et peuvent alors se lâcher. Une relâche dont Michaël va te parler. C’est un professionnel… MJ : Alors… Pas à Londres parce que je me suis marié récemment. Cela ne fait donc pas partie de mes objectifs.  Mais des Jeux d’Athènes à ceux de Pékin, le côté festif, oui je l’ai vécu. Je me suis éclaté. Comme de nombreux hommes et femmes du monde entier, qui, durant des années, travaillent et sacrifient beaucoup de choses pour en arriver là.  Hier tiens, Christine Schoenn, seule représentante française au tennis, avait des préservatifs. Alors on l’a regardée et on lui a dit : « Attends Christine, tu ne penses que t’es un peu gourmande là ? ». Et non, ça ne vient pas d’elle mais bien des fédérations qui filent des capotes pour chacun de leurs athlètes. Bref, les Jeux, c’est une grande fête.   Plus sérieusement, sentez-vous une différence palpable dans l’intégration des personnes handicapées, ici, en Angleterre ?   MJ : Le traitement des athlètes aux Jeux paralympiques est un peu à l’image de celui des personnes handicapées dans la société. On n’a pas ce regard de méfiance, condescendent, qui existe encore aujourd’hui en France. Ici, ce n’est pas un événement social mais sportif avant tout. Tu sens vraiment une différence dans l’appréhension du handicap.   Comment l’expliquez vous ?   SH : Les cathos contre les protestants… Ou les anglo-saxons contre les latins. MJ : Non je ne pense pas que ce soit un problème religieux. Mais les anglo-saxons ont un traitement des minorités plus juste que les pays latins. SH : En fait, ils ont une approche pour dynamiser les gens là où nous restons dans du compassionnel.   Tenants du titre après l’or à Pékin en 2008, respectivement numéro 1, Michaël, et 2 mondial en double, Stéphane, la ruée vers l’or vous est toute tracée…   SH : On a une position difficile à gérer mais nous, ça nous fait marrer. On est des petits cons prétentieux (Rires) ! MJ : Surtout toi, d’ailleurs… Mais c’est vrai que c’est un statut très sympa. SH : C’est aussi une manière pour nous de ne pas se prendre au sérieux, de ne pas se dire en permanence qu’on est, entre guillemets, les meilleurs du monde. Cela nous donne une force aussi. Et ça marche avec les adversaires ! MJ : On va surtout essayer de conquérir une seconde médaille d’or consécutive, ce qui n’a jamais été fait chez les paralympiques.   Les journalistes vous surnomment les « frères Bryan » du tennis en fauteuil. Mais ça ressemble plus à un petit couple…   SH : Exactement. Les frères Bryan sont jumeaux et identiques. Nous, on a l’habitude de dire qu’il y a le noir, et le blanc. Notre équipe s’est construite sur des différences de points de vue, sur la discussion : « Ok, toi tu vois les choses comme ça, moi comme ceci. Comment on peut faire pour que notre noir et notre blanc devienne… bah du gris ? ». Du gris doré. Pour une médaille d’or !   Comment décririez-vous votre complémentarité sur le court ?   SH : Sadomaso ! Il y a un décalage entre ce qu’on est dans la vie et sur le court. MJ : (Il coupe) Moi je suis plutôt le type posé… Sur le terrain, je suis très concentré, peut-être trop d’ailleurs pour Stéphane, qui, a contrario, a besoin d’être dans la légèreté. Sa spécialité étant de raconter un maximum de conneries.   Quel genre de conneries ?   MJ : Cette année, nous sommes en Coupe du Monde et nous jouons contre la Hollande en finale. Une équipe qui nous avait battus l’année passée. Nous avions donc à cœur de nous venger. On passe une petite semaine entre les joueurs, notre nouveau coach et le staff.  Et Stéphane, dans un grand délire, donne l’impression d’être dans une colonie de vacances. Tu chantes quoi Stéphane ? SH : « Est-ce que tu viens pour les vacances, moi je n’ai pas changé d’adresse… » MJ : Voilà, il chante ça. Entre les points. Moi je me mets une grosse pression, j’ai envie de bien faire le travail. Lui chantonne, fait le con avec l’entraineur et me provoque…  Moi je suis du genre à me déconcentrer facilement. Lui, ça l’a mis dedans !   Aussi surprenant que cela puisse paraître, tu dis de ton côté Stéphane que l’accident a été « une chance » pour toi. Et pour Michaël, , un « catalyseur, qui me permet de vivre un rêve d’enfant ». Vous parlez bien de tennis, hein ?   MJ : L’accident, en lui-même, personne ne l’envie. Moi devenir paraplégique, Stéphane perdre une jambe suite à un accident, personne ne le souhaite, bien évidemment. Mais si le prix à payer, c’est d’avoir eu un accident, je pense que Stéphane est d’accord, on le referait ! Différemment… Je réfléchirais peut-être à deux fois avant de prendre cette bosse, et Stéphane avant de doubler cette voiture sur l’autoroute mais, oui, la vie qu’on mène aujourd’hui est exceptionnelle. On se la raconte car on est les meilleurs du monde en fauteuil alors qu’en valide, on était de simples joueurs de clubs !   C’est une réflexion un peu bête, mais peut-on évaluer à partir de quel classement battriez-vous un valide ?   SH : Toi t’es combien ?   Par le passé, un truc du genre 30/1…   MJ : Bah tu te prends la raclée contre un numéro un mondial en fauteuil ! SH : J’ai retrouvé un vieux pote d’enfance qui était champion régional de la Loire et qui perf’ aujourd’hui à 15/2. Il m’a ramené un pote qui grimpait lui à 15/1. Et les deux, je les ai battus… Par contre si tu mets le gars debout, en roller, tu peux encore aller chercher plus loin. Des mieux classés. Ce n’est tout simplement pas le même sport.   Propos recueillis par Victor Le Grand

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