"Avantage, public" épisode 2 : Croatie-Argentine, finale de Coupe Davis 2016

4 avr. 2020 à 05:05:00

A l’heure du confinement de plus de la moitié du globe, souvenons-nous de ces matches de tennis où, s’ils s’étaient déroulés à huis-clos, l’issue finale aurait sans doute changé. Deuxième volet de cette série : le troisième simple de la finale 2016 de Coupe Davis, Cilic-Del Potro, remporté par le gaucho, grâce au soutien fou de ses supporters, venus le transcender en Croatie.

À vol d’oiseau, Buenos Aires et Zagreb sont distancés de plus de 11 630 kilomètres. Néanmoins, le 27 novembre 2016 a prouvé qu’il était possible de transformer une ville croate en commune argentine à la seule force de la voix humaine. À moins qu’il ne s’agisse de passion, mélangée à de la folie. Ce dimanche-là, l’Arena Zagreb accueille la finale de la Coupe Davis en indoor. Une finale que dominent les locaux sur le score de 2-1 à ce moment du week-end (une manche pour Marin ?ili? face à Federico Delbonis, une autre pour la paire Ivan Dodig/?ili? devant la doublette Leonardo Mayer/Juan Martín del Potro contre une pour Del Potro battant Ivo Karlovi? en simple), dans une compétition qui se refuse historiquement à des visiteurs ayant déjà échoué sur la dernière marche à quatre reprises. Sauf que, malheureusement pour les Croates, les Sud-Américains ont décidé de vaincre le signe indien ici.


Un tweener pour la remuntada


Pourtant, les Argentins ont longtemps cru qu’ils allaient rentrer chez eux sans le saladier. Enfin… Ont-ils véritablement pensé à l’échec ? Bonne question. Car lorsqu’il s’avance dans le troisième set pour défier Del Potro dans un duel décisif (en cas de succès, la Croatie est titrée) alors qu’il mène 7-6, 6-2 et est donc tout près du but, ?ili? entend toujours les mêmes supporters adverses crier. Les fans de la nation visiteuse réussissent l’exploit de chanter - beaucoup - plus fort que leurs hôtes, pourtant réputés pour ne pas mettre à côté lorsqu’il s’agit de ferveur sportive. Et c’est exactement ce qu’il faut à la « Tour de Tandil » pour se révolter, elle qui n’a jusque-là jamais gagné une partie après avoir perdu les deux premières manches au cours de sa grande carrière. Il démarrera sa remontée fantastique collective par… un improbable tweener lobée (à 7-6, 6-2, 0-0, 15-15).



Grâce à la ferveur et l’enthousiasme des membres de sa patrie en folie, Diego Maradona himself en tête, Del Potro renverse en effet tout sur son passage. Au rythme des « Ole ole ola ! » hurlés entre chaque point par ses compatriotes constamment debout, le vainqueur de l’US Open 2009 croque le lauréat de l’édition 2014 au bout de près de cinq heures torrides de jeu. Sur le court, la scène semble incroyable : plus fort à mesure que le temps passe, plus puissant au fil des échanges, le héros argentin paraît puiser sa force dans chaque applaudissement de sa tribu. Inépuisable et insubmersible, à l’image des tribunes qui le soutiennent et lui offrent leur cœur en échange d’un minimum de sueur, Del Pot’ s’arrache et s’empare du crayon que lui tend son public pour dessiner logiquement la coupe. Dans ces conditions, comment trembler et ne pas sortir un ultime jeu de service impeccable (montée au filet, double coup droit gagnant…) ? Résultat linéaire des trois derniers sets, né de milliers de doigts et de mains écrivant l’histoire ensemble : 7-5, 6-4, 6-3.



En conclusion fatale et irréversible de ces écharpes bleues et blanches tourbillonnant dans l’atmosphère de Zagreb, Delbonis acheva le travail contre Karlovi? en trois sets afin de donner le Saladier d’Argent à une contrée qui le méritait tant. L’Argentine imitait ainsi la Russie (2002) et la Serbie (2010), les deux seules équipes à s’être imposées en finale de Coupe Davis après avoir été menées 2-1. Del Potro, lui, pouvait répéter que sa rencontre épique avait été « l’un des matchs les plus importants de (s)a vie, d’un point de vue émotionnel ». Dans sa tête ou au micro, peu importe : il n’y avait que la joie sud-américaine à écouter.


 

A lire ou relire : 

"Avantage, public" épisode 1 : Hingis-Graf à Roland-Garros, 1999


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